André Lévy a été baigné de culture chinoise durant son enfance. En effet, c'est dans la concession française de Tientsin (aujourd'hui Tianjin, à 140 km au sud-ouest de Pékin) qu'il naît en 1925. Son père, Marx Lévy, y tient une bijouterie-joaillerie sur Victoria Road (ainsi qu'une autre enseigne à Pékin)[4]. Et c'est dans cette ville qu'il passe son enfance, vivant entre les cultures française (avec l'école) et chinoise, en particulier mandchoue. Mais en 1937, la famille doit quitter le pays, qui est pris dans la seconde guerre sino-japonaise. André Lévy gardera une nostalgie durable de cette enfance chinoise[5]. Toutefois, sa nourrice d'origine mandchoue le suit en France, si bien qu'il continuera ainsi à pratiquer le chinois oral; c'est auprès d'elle que A. Lévy gagnera son goût pour la nouvelle classique et les contes populaires en langue parlée[6].
Il épouse une étudiante norvégienne du nom d'Anne-Marie qu'il a connue à l'INALCO[5] — sanskritiste, elle enseignera à l'université de Bordeaux 3 et écrira plusieurs romans et essais liés à l'Asie[7]. Le couple séjourne à plusieurs reprises en Inde et à Ceylan sur une période de deux ans dans le cadre des activités de A. Lévy au sein du CNRS. En 1958, il a la charge d'assurer l'intérim de la direction de l'EFEO à Hanoi quelque temps avant sa fermeture dans le contexte de la Guerre froide et des agitations au Vietnam. C'est au cours de ce séjour qu'il découvre la littérature chinoise en langue vulgaire dans les librairies de Hanoi. Il en fera plus tard le sujet de sa thèse.
A. Lévy s'établit ensuite à Kyôto en 1959, dont l'université est réputé pour les études de littérature chinoise et qui dispose d’une bibliothèque particulièrement prestigieuse au Japon, la Jimbun Kagaku Kenkyûsho. En 1966, il quitte Kyôto pour Hong Kong, toujours en qualité de chercheur auprès de l'EFEO. En 1969, il dirige les études chinoises à l'université de Bordeaux, avec une interruption entre 1981 et 1984, lorsqu'il assume la direction de l'unité de l'Asie Orientale à l'université de Paris VII.
La documentation qu'il a progressivement acquise lui permet de réaliser une œuvre importante qui devient sa thèse de doctorat d'État, soutenue en 1974, intitulée Le conte en langue vulgaire du XVIIe siècle.Vogue et déclin d’un genre narratif de la littérature chinoise; ce travail sera couronné du Prix Giles 1976. On peut dire que d'une manière générale, ses travaux et publications se rapportent à la littérature chinoise dite prémoderne ou classique.
André Lévy meurt le . Le sinologue Vincent Durand-Dastès écrit à cette occasion[8]:
« Guixi le 歸西了 ! Une nouvelle fois, le fils de l’horloger de Tianjin est « retourné à l’Ouest ». Ce n’est plus le dangereux retour du jeune homme juif dans la France bientôt occupée par les nazis, ni la patiente quête du traducteur sur la trace du bonze pèlerin recherchant le paradis d’Amitabha, mais, simplement, tristement, l’expression courante en chinois pour indiquer la direction que prennent les morts… Rêvons tout de même que ce chemin puisse mener André Lévy vers des grottes paradisiaques, et qu’il soit en route escorté de vaillants compagnons pour l’aider à déjouer les pièges de l’au-delà. Mais nous autres, bien plus modestes traducteurs de chinois qui demeurons ici-bas, nous nous sentons certainement tous un peu aujourd’hui comme les petits singes restés dans la tanière à regretter leur roi. »
Son épouse meurt le 6 novembre 2022 à l'âge de 93 ans[7].
Les enfants ont fait don de la bibliothèque personnelle de leur père au fonds chinois de la Bibliothèque municipale de Lyon en 2023.
1971, Études sur le conte et le roman chinois, Paris, EFEO (PEFEO, 82).
1978, Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire, Paris, Collège de France/IHEC (Mémoire de l'Institut des hautes études chinoise, 8-1).
1981, Le conte en langue vulgaire du XVIIe siècle. Vogue et déclin d'un genre narratif de la littérature chinoise, Paris, Institut des hautes études chinoises, [Prix Giles 1976].
1991, La Littérature chinoise ancienne et classique, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? ».
Traducteur
1972 : L'Antre aux fantômes des collines de l'Ouest, sept contes chinois anciens, XIIe – XIVe siècles, trad., introd., notes et commentaires, Paris, Gallimard (« Connaissance de l'Orient », 38).
1981 : Sept victimes pour un oiseau, précédé d'une introduction sur le conte policier ou judiciaire chinois, neuf pièces traduites, annotées et commentées, Paris, Flammarion.
↑Jiakun Chen, « André Lévy (1925-2017). Petite biographie d’un grand sinologue-traducteur », Impressions d'Extrême-Orient, n° 14, 2022 (V. Bibliographie en fin de page)
↑Pour une liste complète des travaux d'André Lévy, on se reportera à l'article de Pierre Kaser et al., 2018. (V. ci-dessous la section « Bibliographie ».)
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Pierre Kaser, « In memoriam André Lévy », Études chinoises, vol. 37, no 1, , p. 9-23 (lire en ligne)
Pierre Kaser et al., « Bibliographie des travaux d’André Lévy », Études chinoises, vol. 37, no 1, , p. 25-55 (lire en ligne)
Revue Impressions d'Extrême-Orient « Hommage à André Lévy », n° 14, 2022. Numéro dirigé par Pierre Kaser, Loïc Aloisio, Jiakun Chen et Solange Cruveillé [lire en ligne (page consultée le 29 septembre 2024)]