Analemme (antique)
Un analemme (en grec ancien : ἀνάλημμα, « construction qui en supporte une autre ») est une ancienne construction géométrique, employée en astronomie-gnomonique. Elle permet de déterminer principalement certains éléments fondamentaux liés au mouvement annuel du Soleil sur les horloges solaires (méridiennes et/ou cadrans solaires). La figure de base est une représentation simplifiée de la sphère céleste, qu'on peut comparer à la sphère armillaire. C'est une projection orthographique de la sphère dans un plan, le plus fréquemment dans le plan du méridien. Cette figure de base est ensuite exploitée dans une projection gnomonique dans les domaines suivants :
Dans l'Antiquité, la méthode est citée par Vitruve ; plus tard, à l'époque moderne Jean-Domonique Cassini l'utilisera dans la description du tracé de sa méridienne de Bologne avant 1695. La méthode de Vitruve appliquée à une méridienne sera succinctement reprise par Claude Ptolémée ; il proposera aussi un ouvrage De l'analemme qui en s'appuyant au départ sur cette méthode propose une solution trigonométrique au repérage du Soleil sur la voute céleste, solution qui avait une potentielle application en gnomonique. Mais cette méthode compliquée fera long feu. Analogie avec la sphère célesteL'analemme (du grec ancien ἀνάλημμα, analêmma, composé de ana- « à travers » et de lemma « proposition auxiliaire »), est une figure auxiliaire - représentation en deux dimensions de la sphère céleste -, à travers laquelle on pourra déterminer, soit graphiquement, soit par calcul trigonométrique, des éléments fondamentaux de la mécanique céleste liés à la course d'un astre (Soleil ou étoile).
L'analemme est donc une projection sur un plan de la sphère céleste. Cette projection est dite projection orthographique. Le plan de projection peut être vertical, horizontal, etc. La projection privilégiée est une projection dans le plan du méridien local (plan vertical nord - sud) ; c'est celle qui est visualisée ici[1]. Description de l'analemme de baseOn y trouve les mêmes éléments que sur la sphère armillaire ; ils sont repérés ici comme sur la figure dite de Vitruve[2] donnée par Perrault :
Cette représentation initiale que nous appellerons « sphère » pourra être complétée par des tracés supplémentaires, ou simplifiée, en fonction de la spécificité des applications. Applications gnomoniquesL'analemme permet de déterminer graphiquement certains éléments liés à la mécanique des astres et notamment du Soleil. Les figures employées peuvent être la base de solutions trigonométriques qui ne seront pas abordées ici. MéridiennesSoit une méridienne horizontale supposée tracée au sol dans le plan du méridien[N 1], à partir du pied du gnomon. Deux applications peuvent alors se présenter :
Dans les deux cas, la hauteur du gnomon est connue. Son sommet est alors confondu avec le centre de la « sphère » en A, centre du Monde et de la Terre. La « sphère » a pour rayon la hauteur du gnomon et elle est tangente à la ligne méridienne en B ; elle peut donc être tracée avec son horizon EAI. Ensuite, suivant le cas, on procèdera différemment. Recherche des solstices et des équinoxesDonnées : hauteur du gnomon et latitude du lieu. Recherche des équinoxes et de la latitudeDonnées : hauteur du gnomon et points solsticiaux. Détermination de l'entrée du Soleil dans les signes zodiacauxLa méthode de l'analemme peut aussi permettre le tracé sur la ligne méridienne des points correspondant à l'entrée du Soleil dans chaque signe du zodiaque. Sur la figure de base, il suffit de rajouter un cercle de diamètre KL entre ces deux points et de le diviser en douze « mois » zodiacaux (correspondants à la longitude écliptique). Par rabattement on trouve la position du Soleil, à l'entrée de chaque mois, sur le cercle méridien (sa déclinaison). On peut alors construire, comme précédemment pour les cercles solsticiaux, la position de l'ombre du gnomon sur la ligne méridienne. Pour ne pas surcharger la figure, le cercle des « mois » a été tracé entre K et L et non entre H et G comme chez Vitruve ; la construction n'a été donnée ici que pour l'entrée du Soleil dans le signe du Taureau[5]. Détermination de la durée du jourSur la figure de l'analemme de base appliqué à une méridienne, les segments kV, NA, LS représentent la projection de la course du Soleil au dessus de l'horizon aux jours des solstices et des équinoxes. On a donc, par là, une image de la variation de la durée du jour de lumière en fonction des saisons[7]. Par exemple, on peut le vérifier aux équinoxes où la durée du jour est égale à celle de la nuit, soit une durée de 12 heures équinoxiales ou temporaires. Ici, le Soleil se lève à l'horizon est en A, passe à midi - 6 heures plus tard - en N, puis se couche à l'horizon ouest en A, à la douzième heure. Le rabattement de l'arc semi-diurne[N 2] NP (qui est ici confondu avec le cercle de la « sphère ») permet de visualiser la position du Soleil aux différentes heures du jour espacées de 15° et de construire éventuellement sa projection sur NA : l'exemple donné ici correspond à midi ± 2 h, soit à 10 h et 14 h en heures équinoxiales ou à la quatrième et huitième heure temporaire.
Le segment LS représente la projection de la course du Soleil au dessus de l'horizon au jour du solstice d'été. Le rabattement de LMG permet de situer S' sur l'arc diurne qui ici est divisé en heures équinoxiales. Graphiquement on peut donc mesurer l'arc semi-diurne LS' correspondant à la demi-durée du jour, soit ici un peu moins de 7,5 h équinoxiales pour une latitude supposée de 43° ; ce qui donnera pour la durée du jour M ≈ 14 h 56 m. Remarques : - la méthode employée ici peut être étendue à n'importe quelle déclinaison solaire comprise entre ± ε ou éventuellement à celle d'un autre astre de déclinaison connue[8]. Cadrans solairesLa projection de « la sphère » sur le plan horizontal, à partir de sa représentation dans le plan du méridien, va permettre de définir des points appartenant aux lignes horaires temporaires d'un cadran horizontal. Une construction point à point judicieuse permettra de tracer les lignes de déclinaison ou arcs diurnes et les lignes d'heures temporaires[9].
On prendra pour exemple la recherche du point correspondant à la quatrième heure temporaire au solstice d'été.
Ainsi on peut construire point par point, heure par heure, l'arc diurne d'été, puis l'arc diurne d'hiver et éventuellement l'arc solsticial. Les points d'une même ligne horaire temporaire sont,sous nos latitudes[Lesquelles ?], sensiblement sur une même droite. Cette méthode de construction peut être mise en application dans un plan vertical orthogonal au plan du méridien. Elle permettra alors de construire point à point un cadran d'heures temporaires méridional. De la même façon, il peut être tracé des cadrans d'heures équinoxiales soit dans le plan horizontal, soit dans le plan vertical. HistoireVitruveDans l'Antiquité, la méthode de l'analemme est décrite pour la première fois par Vitruve au Ier siècle av. J.-C. dans le chapitre Manière de faire un analème de son ouvrage De architectura traduit en français par Claude Perrault en 1684 et par J. Soubiran en 1969. La traduction du texte latin est accompagnée de commentaires explicatifs[10]. Vitruve se contente d'appliquer l'analemme à la description d'une méridienne. À la fin du chapitre VIII du livre IX, il ne développe pas plus son sujet « par crainte d'être trop long & ennuyeux… », mais l'application au tracé des heures de toutes sortes de cadrans est suggérée. HipparqueDans sa description de l'analemme, Vitruve qui était architecte, s'est probablement inspiré d'auteurs astronomes qui l'auraient précédé. Raymond D'Hollander, s'inspirant probablement de Neugebauer et de Vogt[11], décrit notamment les analemmes d'Hipparque (-160, -120), et pense que ces analemmes étaient peut-être connus avant même Hipparque, mais sous forme graphique seulement. Sur les analemmes d'Hipparque, D'Hollander propose[12] comment :
PtoléméeAu IIe siècle, Claude Ptolémée reprendra succinctement l'analemme pour « trouver les rapports des gnomons à leurs ombres équinoxiales et solsticiales à midi »[13] ; en clair l'application à une méridienne avec les calculs trigonométriques correspondants[14]. Il écrira un ouvrage sur le sujet, De l'Analemme (le texte grec est fragmentaire, mais le traité nous est parvenu intégralement par une traduction latine, elle-même sans doute issue de l'arabe[15]). Jean-Baptiste Delambre donne une explication cohérente de la méthode utilisée[1].
Ce dernier donne ensuite une table où ces valeurs sont tabulées pour un climat (latitude) et une date (longitude du Soleil) donnés[N 5]. Cette table permet d'ébaucher point à point le tracé de cadrans réguliers : horizontaux (à partir des angles descensivus et horizontalis) et verticaux (angles horarius et verticalis), mais cette application n'est peut-être pas le fait de Ptolémée dont le traité nous est parvenu incomplet. Commandin, traducteur et commentateur de Ptolémée, en 1562, s'attela à la tâche… De nos jours, Denis Savoie, sur les pas de Delambre et d'autres auteurs, généralisera la méthode permettant l'application à des cadrans déclinants, inclinés, etc[16]. La méthode trigonométrique « de l'analemme » donnée par Ptolémée a fait long feu. Sa complexité l'a condamnée. Dès le Moyen Âge, d'autres méthodes trigonométriques plus abordables, telle la méthode de Jean Fusoris seront exploitées. Seuls, certains spécialistes oseront l'aborder, comme Commandin, Clavius, Delambre, Denis Savoie. À l'époque moderneJean-Domonique Cassini utilisera l'application de l'analemme de Vitruve à une méridienne pour ornementer sa méridienne de Bologne en 1655[17]. Il se servira de la méthode pour visualiser sur la ligne méridienne l'emplacement de plaques indiquant l'entrée de la tache de lumière dans chaque signe du Zodiaque. À cette époque, des ouvrages traitent du sujet, mais « le terme analemme, dans son sens original de « système de projection », passe au résultat de cette projection[18] », c'est-à-dire au cadran lui-même. On peut citer les ouvrages de Pierre Sainte-Marie Magdeleine (Traité d'horlogiographie, 1657) ou celui d'Ozanam (Récréations mathématiques, 1736). Aujourd'hui, l'analemme est tombé en désuétude et fait partie de l'histoire de la gnomonique. Seuls quelques gnomonistes utilisant des calculs de trigonométrie sphérique disent se référer à Ptolémée. Ainsi, en 2009, Yvon Massé, membre de la commission des cadrans solaires de la SAF a publié un ouvrage spécialisé, cité en référence, dont le titre est : De l'analemme aux cadrans de hauteur ; il présente une méthode générale de projection et l'application à toutes sortes de cadrans de hauteur créés depuis le XVe siècle jusqu'au XXIe siècle : cadrans horaires, rectilignes, d'azimut. Notes et référencesNotes
Références
AnnexesBibliographie: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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