Fils de commerçants lillois — son père et sa mère tiennent un commerce de vins et spiritueux — Albert Samain naît en face de l'église Saint-Maurice, au 75 de la rue de Paris. Son père décède alors qu'il n'a que 14 ans et il doit interrompre ses études pour gagner sa vie. Il est d'abord coursier chez un agent de change, puis employé dans une maison de courtage en sucre. Vers 1880, il est envoyé à Paris, où il décide de rester. Après plusieurs emplois, il devient expéditionnaire à la préfecture de la Seine en 1883 et est bientôt rejoint par sa famille[1].
Depuis longtemps attiré par la poésie, il fréquente les cercles à la mode, tels que les Hirsutes et les Hydropathes, et commence à réciter ses poèmes aux soirées du Chat noir. Il participe à un cercle littéraire qui réunit quelques amis, dont Antony Mars, Alfred Vallette et Victor Forbin, dans une arrière-boutique de la rue Monsieur-le-Prince. En 1889, il participe à la création du Mercure de France, avec Alfred Vallette, Ernest Raynaud, Jules Renard, Édouard Dubus et Louis Dumur[2].
Au début des années 1890, fortement influencé par Baudelaire, il évolue vers une poésie plus élégiaque. En 1893, la publication du recueil Au jardin de l’infante lui vaut un succès immédiat après que François Coppée lui a consacré un article très élogieux dans Le Journal. La perfection de la forme, alliée à une veine mélancolique et recueillie, caractérise un art d'une extrême sensibilité. Il collabore notamment au Mercure de France et à la Revue des deux Mondes. L'édition augmentée du Jardin de l'Infante qui parait en 1897 obtient un énorme succès. Le volume sera réimprimé à des dizaines de milliers d'exemplaires sans discontinuer jusque dans les années 1930. Samain est alors l'un des poètes les plus estimés du moment et noue des amitiés littéraires et humaines avec ses pairs, aînés ou cadets : Georges Rodenbach, Charles Guérin, Francis Jammes, Pierre Louÿs, Henri de Régnier. Sa correspondance et ses carnets attestent de sa clairvoyance critique et de l'extrême subtilité de sa pensée comme de son expression.
Sa mère meurt en [3].
À partir de la santé de Samain se détériore[4].
Au printemps l'Administration lui accorde un congé pour ce qui se révélera une phtisie[5]. Il va alors à Lille chez sa sœur, puis il est accueilli par son ami Raymond Bonheur à Magny-les-Hameaux, dans la vallée de Chevreuse[6]. C'est là qu'il meurt quelques mois plus tard, à quarante-deux ans. Mais il a eu le temps d'y écrire Polyphème, un drame lyrique pour lequel Raymond Bonheur compose des chœurs, souvent considéré comme son chef-d'œuvre, qui ne sera mis en scène que quatre ans après sa mort. Rapatrié à Lille, il est enterré le au cimetière de l'Est, emplacement O4/FO5-3.
Du point de vue des formes poétiques, une des originalités de Samain est l'utilisation du sonnet à quinze vers. Après sa mort, ses poésies sont réimprimées un nombre considérable de fois. De nombreux musiciens composent des mélodies sur ses textes, parmi lesquelles plusieurs chefs-d'œuvre, comme Ilda de Nadia Boulanger, Arpège de Gabriel Fauré, l'opéra Polyphème de Jean Cras ou La Maison du matin d'Adrien Rougier. Son œuvre a également inspiré le sculpteur Émile Joseph Nestor Carlier (1849-1927) qui réalise à partir de celle-ci La Danseuse au voile et Pannyre aux talons d'or, en 1914.
Œuvres
Poésie
éditions originales et en partie originales (y compris posthumes)
Au Jardin de l’Infante, Paris, Mercure de France, 1893. lire en ligne sur Gallica
Au Jardin de l'Infante. Augmentée de plusieurs poèmes, Paris, Mercure de France, 1897.
Aux flancs du vase, Paris, Mercure de France, 1898.
Le Chariot d'or. Symphonie héroïque, Paris, Mercure de France, 1901.
Contes. Xanthis. Divine Bontemps. Hyalis. Rovère et Angisèle, Paris, Mercure de France, 1902 (réédition illustrée par Louis-Édouard Fournier et Abel Jamas, imprimée à 160 exemplaires "aux frais du Docteur Goubert"). Texte en ligne
Aux flancs du vase, suivi de Polyphème et de Poèmes inachevés, Paris, Mercure de France, 1902. lire en ligne sur Gallica
Carnets intimes. Carnets I à VII. Notes. Sensations. Portraits littéraires. Notes diverses. Évolution de la poésie au XIXe siècle (1939)
Lettres à Tante Jules. Introduction et notes par Jules Mouquet (1943)
Une amitié lyrique : Albert Samain et Francis Jammes. Correspondance inédite. Introduction et notes par Jules Mouquet (1945)
Œuvres en prose, Christophe Carrère (dir.), édition de Marc Béghin, Christophe Carrère et Bertrand Vibert, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque du XIXe siècle », no 76, 2020.
Correspondance (1876-1900), édition de Christophe Carrère, Classiques Garnier, coll. « Correspondances et Mémoires », no 50, 2021. 2 vol.
Bibliographie
Alfred Jarry, Albert Samain (Souvenirs), Paris, Éditions Victor Lemasle, 1907.
Albert Samain, sa vie, son oeuvre, par Léon Bocquet avec photographie et autographe. Préface de Francis Jammes, Paris, éditions Mercure de France [8]
Les textes des discours prononcés lors de l'inauguration du monument sont regroupés dans le recueil Florilège pour Albert Samain publié par Philippe Kah[11].