Accusations de génocide des Rohingyas
Les accusations de génocide des Rohingya sont relatives à une série de massacres et persécutions perpétrés par les forces armées birmanes supplées par des milices bouddhistes ou encore de l'Armée d'Arakan contre les Rohingya. Les accusations de génocide des Rohingyas sont apparues pour la première fois dans le débat médiatique au cours de l'année 2013. Les faits font actuellement l'objet de procédure judiciaires internationales initiées depuis le mois d'octobre 2019. Ces cycles d'exactions ont provoqué le départ forcé de plus d'un million de Rohingya en majorité vers des pays voisins. La majorité des réfugiés s'est rendue au Bangladesh, au sein du camp de Kutupalong, dans le district de Cox's Bazar. La dernière grande vague d'exode en 2017 a fait de ce dernier le plus grand camp de réfugiés dans le monde[4],[5],[6]. D'autres ont fui en Inde, en Thaïlande, en Malaisie et dans d'autres régions d'Asie du Sud et du Sud-Est, où les discriminations, voire la persécution se poursuivent. Histoire et faitsAvant l'indépendance (1930-1948)Les ressentiments se cristallisent au cours de la période de la colonisation britannique de la Birmanie, alors que le pays était intégré au Raj britannique des Indes. Le pouvoir colonial importait de la main d'oeuvre dite "coolie" provenant principalement de l'Inde vers la Birmanie. Entre 1930 et 1938, les violences visant les musulmans s'intègrent dans un sentiment anti-indien plus global. Elles prennent un tournant spécifiquement anti-musulman au cours de l'été 1938[7]. Les ressentiments contre les musulmans indiens ont été exacerbés par la période de la Seconde guerre mondiale et l'occupation japonaise de la Birmanie. Les armées et administrations coloniales britanniques se sont appuyés sur des populations Rohingyas comme relais de pouvoir jusqu'à l'indépendance[8]. Après l'indépendance (1948-2007)La première grande crise d'exode de Rohingyas a été le résultat d'événements politiques, géopolitiques internes et régionaux. Dans un premier temps, le 2 mars 1962, a lieu le coup d'État qui a mis en place la junte militaire du général Ne Win. Puis est survenue la crise de la guerre de libération du Bangladesh en 1971 qui provoqua un afflux de populations réfugiées du Bangladesh vers l'Arakan[9]. Dans ce contexte, l'armée birmane et les services de l'immigration initient au cours de l'année 1978, l'opération dite "Dragon King"(en) en prévision du recensement national prévu pour l'année 1982. C'est à cette occasion que le premier grand exode de populations Rohingyas de l'Arakan vers le Bangladesh a eu lieu. On estime à environ 200 000 le nombre personne qui prirent part à cet exode[10]. La promulgation de la loi de 1982 sur la nationalité birmane a exclu la grande majorité des Rohingyas de la citoyenneté birmane, les rendant de ce fait apatrides[11]. Entre 1991 et 1992 a lieu la seconde grande vague d'exode des Rohingyas vers le Bangladesh. Celles-ci sont provoquées par la volonté de l'armée birmane de réduire des populations Rohingyas aux travaux forcés[10]. C'est au cours ce cette vague d'exode que le camp de Kutapulong s'est établi jusqu'aujourd'hui[12]. Première phaseLa persécution des musulmans Rohingya au Myanmar remonte aux années 1970[13]. Depuis, les Rohingya ont subi régulièrement des persécutions par le gouvernement et par des bouddhistes nationalistes[14]. Fin 2016, l'armée et police de Birmanie entament une répression sévère dans l'État d'Arakan, dans l'ouest du pays. Les militaires sont accusés de pratiquer le nettoyage ethnique et le génocide par plusieurs agences des Nations unies, par des fonctionnaires de la Cour pénale internationale, par des organisations de défense des droits humains ainsi que par des journalistes et d'autres gouvernements[15],[16],[17]. Les Nations unies ont reçu des preuves d'atteintes aux droits humains à grande échelle[18],[19],[20], dont des exécutions extrajudiciaires, des exécutions sommaires, des viols collectifs, l'incendie volontaire des villages, entreprises et écoles des Rohingya et des infanticides. Le gouvernement birman a rejeté ces faits en les qualifiant d'« exagérations »[21],[22]. Au moyen d'extrapolations statistiques fondées sur des enquêtes auprès de 3 321 foyers de réfugiés Rohingya à Cox's Bazar (Bangladesh), une étude estime en janvier 2018 que les militaires et la population d'Arakan ont tué au moins 25 000 personnes Rohingya et commis des viols collectifs et d'autres violences sexuelles sur 18 000 femmes et filles Rohingya. D'après cette étude, 116 000 Rohingya ont été victimes de coups et 36 000 ont été jetés dans des feux[23],[24],[25]. RéfugiésLes opérations militaires ont déplacé de nombreuses personnes et entraîné une crise humanitaire pour les réfugiés. En 2017, la plus forte vague de Rohingya fuyant le Myanmar a causé l'exode humain le plus massif constaté en Asie depuis la guerre du Viêt Nam[26]. D'après les rapports de l'ONU, en septembre 2018, plus de 700 000 personnes avaient fui l'État d'Arakan ou en avaient été expulsées et ont trouvé refuge au Bangladesh voisin. En décembre 2017, deux journalistes de Reuters qui couvraient le massacre d'Inn Din (en) ont été arrêtés et emprisonnés. L'ambassadeur Myint Thu a annoncé à la presse que le Myanmar était prêt à accepter 2 000 réfugiés Rohingya issus de camps au Bangladesh en novembre 2018[27]. Après cette déclaration, en novembre 2017 les gouvernements du Bangladesh et du Myanmar ont signé une convention pour favoriser le retour des réfugiés vers l'État d'Arakan sous deux mois, ce qui a suscité des commentaires contrastés chez les observateurs internationaux[28]. Condamnations et critiquesLa répression militaire de 2016 sur les Rohingya attire des critiques des Nations unies qui ont évoqué d'éventuels crimes contre l'humanité, l'ONG Amnesty International, le département d'État des États-Unis ainsi que les gouvernements du Bangladesh et de Malaisie. Aung San Suu Kyi, conseillère d'État (en) (chef du gouvernement de fait) et lauréate du prix Nobel de la paix, a essuyé des critiques concernant son inaction et son silence sur le sujet et n'a guère agi pour empêcher les abus de l'armée[29],[30],[31]. Sous son gouvernement, le Myanmar est aussi critiqué pour les poursuites judiciaires visant les journalistes[32]. Deuxième phaseDepuis août 2017, la deuxième phase de persécutions a commencé en raison des attaques de l'Armée du salut des Rohingya de l'Arakan sur les postes frontières du Myanmar[réf. nécessaire]. Plusieurs agences de l'ONU, des fonctionnaires de la Cour pénale internationale, des groupes de défense des droits humains et certains gouvernement ont déclaré que ces persécutions sont un nettoyage ethnique et un génocide[33],[34],[35]. Fin septembre 2017, un panel de 7 membres du Tribunal permanent des peuples ont déclaré que les autorités et l'armée birmanes sont coupables du crime de génocide contre les Rohingya et contre les minorités Kachin (en)[36],[37]. Suu Kyi est de nouveau critiquée en raison de son silence sur cette question et pour son soutien aux opérations militaires[38]. En août 2018, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme déclare que les généraux de l'armée birmane doivent être traduits en justice au motif de génocide[39],[40],[41]. Le 23 janvier 2020, la Cour internationale de justice ordonne au Myanmar d'empêcher les violences génocidaires contre les minorités Rohingya et de conserver les preuves des agressions antérieures[42]. Notes et références
|
Portal di Ensiklopedia Dunia