Accès à la justice en droit canadienAu Canada, l'accès à la justice est un droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés et il désigne par ailleurs l'ensemble des mesures et initiatives du gouvernement ou de la communauté juridique pour que davantage de citoyens pauvres ou de classe moyenne puissent obtenir les services d'un avocat ou qu'ils aient accès par d'autres moyens à l'information juridique et à la mise en œuvre judiciaire de cette information juridique. En règle générale, les citoyens très pauvres ont accès à l'aide juridique en vertu de lois et programmes d'aide juridique adoptés dans chaque province[1]. Par contre, les mesures d'aide juridique ne s'étendent pas aux citoyens de classe moyenne ou à ceux qui excèdent le seuil de pauvreté prévu par la loi. Les citoyens de classe moyenne sont donc essentiellement concernés par les mesures et initiatives alternatives à l'aide juridique. Mesures adoptées par les provincesOntarioQuébecLoi sur l'aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiquesLe régime québécois d'aide juridique est contenue dans la Loi sur l'aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques[2] et dans ses règlements connexes. Société québécoise d'information juridiqueLa Société québécoise d'information juridique est un organisme gouvernemental québécois qui diffuse les décisions des tribunaux. En raison de la grande quantité d'informations juridiques sur son portail web, il peut servir à effectuer des recherches juridiques. Le contenu de SOQUIJ est offert en trois formats : version grand public (contenu partiel mais gratuit), version étudiants de droit et professeurs d'université (contenu quasi-intégral et gratuit) et versions offerte aux cabinets d'avocats (version intégrale et payante). La création de SOQUIJ résulte de l'adoption de la Loi sur la Société québécoise d'information juridique[3]. Nouveau Code de procédure civileDans le nouveau Code de procédure civile entré en vigueur le 1er janvier 2016, le législateur cherche à changer la culture des procédures judiciaires pour favoriser l'accès à la justice. L'avocat et chargé de cours Daniel St-Pierre résume ainsi l'approche du législateur dans le nouveau Code : « parlez-vous, entendez-vous pour que ça coûte moins cher »[4]. Promotion des modes de prévention et de règlement des différendsLe gouvernement québécois a adopté une stratégie de promotion des modes de prévention et de règlement des différends[5]. L'objectif déclaré est de « favoriser l'accès à la justice et de diminuer les délais judiciaires ». Le ministère a par exemple mis sur pied un projet-pilote de médiation obligatoire pour le recouvrement de petites créances. Augmentation du seuil des créances admissibles à la Cour des petites créancesDans le Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions, le seuil des créances admissibles à la Cour des petites créances a été augmenté à 15 000 $[6]. Fonds d'aide aux actions collectivesDans la Loi sur le fonds d'aide aux actions collectives, le gouvernement crée un fonds pour assurer le financement d'actions collectives[7]. Centres de justice de proximitéLes Centres de justice de proximité sont issus de projets-pilotes du ministère de la Justice. Ils peuvent offrir de l'information juridique générale au grand public, mais n'ont pas le droit de représenter des clients. Cette situation a été dénoncée par le journaliste Pierre Craig dans son documentaire Le procès[8] Service gratuit de consultations juridiques pour la violence sexuelle et conjugaleLe gouvernement québécois a annoncé à la fin du mois de septembre 2021 qu'il allait instaurer un service gratuit de consultations juridiques pour la violence sexuelle et conjugale[9]. Avis et consultations juridiques donnés par des étudiants en droitDans la Loi visant à améliorer l’accessibilité et l’efficacité de la justice, notamment pour répondre à des conséquences de la pandémie de la COVID-19[10], il y a un volet qui autorise les étudiants en droit à donner des avis et consultations juridiques s'ils respectent les conditions des nouveaux articles 128.1 et 128.2 de la Loi sur le Barreau. Fonds Accès JusticeLe Fonds Accès Justice a été créé en 2012 par le ministère de la Justice. Il a pour objectif d'« améliorer la connaissance et la compréhension du droit ou du système de justice québécois ainsi que son utilisation »[11]. Augmentation du nombre de jugesDans la Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives[12] de 2012, le législateur québécois a notamment augmenté le nombre de juges pour favoriser l'accès à la justice. Exercice de la profession d'avocat au sein d'une personne morale sans but lucratifPar le Projet de loi no 34, Loi visant à améliorer l’accès à la justice en bonifiant l’offre de services juridiques gratuits ou à coût modique, l[13] il est prévu que « les avocats et les notaires travaillant au sein de personnes morales sans but lucratif (PMSBL) pourront offrir des conseils juridiques, sans frais ou à coût modique, aux citoyens qui, sans un tel soutien, n’ont pas les moyens financiers suffisants pour faire valoir leurs droits ou se défendre »[14]. Initiatives de la communauté juridiqueCanLIILe moteur de recherche CanLII permet d'avoir accès gratuitement à une proportion considérable des décisions des tribunaux canadiens[15]. Il s'agit d'une alternative gratuite aux moteurs de recherches payants tels que SOQUIJ, LexisNexis et Westlaw. Il a été créé par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et est financé par celle-ci depuis 2001 Seul devant la CourLe Barreau du Québec a créé le guide « Seul devant la Cour » pour les citoyens qui se représentent seuls devant les tribunaux, car une proportion importante de citoyens choisissent de se représenter seuls, par manque de moyens financiers[16]. ÉducaloiÉducaloi est un organisme à but non lucratif juridique qui présente un grand nombre d'informations juridiques par le biais de son site Internet. Il est soutenu par le Ministère de la Justice du Québec, le Ministère de la Justice du Canada, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, la Société québécoise d'information juridique et la Commission des services juridiques[17]. Centre d'accès à l'information juridiqueLe Centre d'accès à l'information juridique est issu d'un projet du Barreau du Québec, du Réseau d’information juridique du Québec (RIJQ), de l’Association des avocats et avocates de province (AAP), du Barreau de Montréal et du Barreau de Québec Collection de droitLa Collection de droit est une encyclopédie du droit québécois publiée par l'École du Barreau, disponible dans toute bibliothèque de droit et consultable par tout citoyen[18]. Code civil annotéUn Code civil annoté remplit dans les faits la fonction d'encyclopédie du droit civil québécois ; plusieurs versions existent, lesquelles sont disponibles dans toute bibliothèque de droit. Bien qu'il s'agit d'un outil de travail pour un juriste, il peut être librement consulté par tout citoyen[19],[20]. Code criminel annotéUn Code criminel annoté remplit dans les faits la fonction d'encyclopédie du droit pénal canadien ; plusieurs versions existent, lesquelles sont disponibles dans toute bibliothèque de droit. Bien qu'il s'agit d'un outil de travail pour un juriste, il peut être librement consulté par tout citoyen[21],[22]. ChartepédiaChartepédia est une encyclopédie en ligne de la Charte canadienne des droits et libertés qui est écrite par la section des droits de la personne du Ministère canadien de la justice[23]. Cabinets d'avocats offrant des montants forfaitaires abordablesUn certain nombre de cabinets d'avocats réagit au manque d'accès de la classe moyenne au système de justice en offrant des services juridiques à des montants forfaitaires abordables[24]. Clinique juridique JuripopLa Clinique Juripop est un organisme à but non lucratif reconnu au Québec de par sa mission d’offrir des consultations juridiques gratuites ou à coût modique[25]. Assurance frais juridiquesL'assurance frais juridiques a été mise sur pied à l'instigation du Barreau du Québec pour favoriser l'accès à la justice. Elle permet à un justiciable d'être assuré pour les risques juridiques qu'il peut encourir. Elle permet de retenir les services d'un avocat et d'entamer des procédures judiciaires. Elle n'offre cependant pas de protection en matière pénale[26]. Le droit à l'accès à la justiceBien que le sujet de l'accès à la justice soit souvent présenté comme un ensemble épars de mesures d'accès aux tribunaux, il s'agit aussi d'un droit que les juges canadiens envisagent sous l'angle de la Charte canadienne des droits et libertés. Quoique la Charte canadienne n'utilise pas expressément les mots « accès à la justice », elle dispose à l'article 15 dans la partie sur le droit à l'égalité que « tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi »[27]. Cette conception de l'accès à la justice comme un droit de la Charte est défendue par le juge en chef Richard Wagner[28]. Puisque le droit à l'accès à la justice est interprété comme s'inscrivant dans le contexte du droit à l'égalité, la preuve qu'une personne a été empêchée d'avoir accès à la justice se fait en fonction du critère d'analyse de l'article 15 de la Charte, qui est expliqué notamment dans la décision R. c. Sharma[29]:
D'autre part, l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867[30] est interprété comme conférant dans une certaine mesure une protection à l'accès à la justice, car il établit des cours supérieures afin que les citoyens puissent résoudre leurs différends par le biais de ces cours de justice. Comme l'explique la Cour suprême dans l'arrêt Trial Lawyers Association of British Columbia c. Colombie‑Britannique (Procureur général)[31]
La Cour suprême a réaffirmé cette règle dans l'arrêt Uber Technologies Inc. c. Heller[32], dans un contexte de droit privé concernant les limites constitutionnelles des clauses compromissoires, où elle dit qu'une société privée comme Uber ne peut pas complètement exclure l'accès aux tribunaux au moyen de clauses dans les contrats qu'elle conclut avec ses clients car les citoyens ont un droit de base d'accès aux tribunaux. Incidences socio-politiques des coûts économiques de l'accès à la justiceDans un article intitulé « La guerre d'usure », la journaliste Marie-Ève Martel résume ainsi les difficultés rencontrées par les justiciables qui n'ont pas les moyens de mener de longs combats judiciaires. Souvent, les affaires judiciaires se terminent par une transaction juridique alors qu'elles auraient légitimement pu être entendues devant les tribunaux si la partie économiquement plus faible avait davantage de moyens financiers[33].
Notes et références
Bibliographie
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