Abbaye Saint-Pierre de Beaulieu-sur-Dordogne
L'abbaye Saint-Pierre de Beaulieu-sur-Dordogne[1] est une abbaye bénédictine située à Beaulieu-sur-Dordogne dans le département de la Corrèze HistoireLes débuts de l'histoire de l'abbaye sont connus grâce au Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu. De leur lecture, Maximin Deloche en a déduit que la fondation de l'abbatiale date de 855[2] par Raoul (ou Rodulfe) de Turenne, archevêque de Bourges, sur des terres appartenant à son père, Raoul ou Rodulfe de Turenne, vicomte de Turenne, plus vraisemblablement comte de Quercy[3], dites Bellus Locus (d'où Beaulieu)[4]. Ayant été formé à l'abbaye de Solignac, il a fait venir douze moines de cette abbaye. Pour permettre le développement de l'abbaye, il lui fit des dons pris sur ses biens et offrit des reliques de saint Prime, de saint Félicien et sainte Félicité qu'il s'était procuré à Rome. D'autres membres de la famille de Turenne firent des donations. L'archevêque de Bourges Frotaire achète le domaine d' Orbaciacus (aujourd'hui Le Saillant) qu'il donne à l'abbaye de Beaulieu en . Le roi Eudes confirme les donations des archevêques de Bourges Raoul et Frotaire à l'abbaye[5]. Le monastère fut prospère au siècle suivant grâce à ses importants domaines et à la possession de reliques qui attiraient les pèlerins. Une charte indique qu'on travaille sur le cloître en 971. Une église existait très probablement déjà. Les fouilles faites dans l'abside de l'église en 1966 ont permis de retrouver des traces de bâtiments du IXe ou Xe siècles et XIe siècle. Certains éléments de décor - linteaux en bâtière - semblent être des réemplois de l'édifice du XIe siècle. Mais au XIe siècle, des désordres se produisirent dans l'établissement que convoitaient les seigneurs voisins de Castelnau. Hugues de Castelnau devint abbé laïc et spolia l'abbaye de certains biens. Il fut dénoncé par les moines devant le concile de Limoges en 1031, mais sans résultat. Il fut convaincu de placer le monastère sous l'obédience de Cluny en 1076. En 1095, il donna au pape Urbain II tous ses droits sur l'abbaye. Dès lors, l'autorité et l'efficacité de la grande abbaye bourguignonne permirent à Beaulieu de connaître une période de stabilité, notamment sous l'abbatiat de Géraud II (1097-1119 ou 1130). Ce fut aussi, sans doute, un important moment de reconstruction[6]. L'église est construite avant 1130 en commençant par le chœur, le transept et la dernière travée de la nef. À partir de 1160 est commencé le côté sud de la nef avec le porche méridional. Puis on continue par le bas-côté nord de la nef. La façade occidentale, la première et la seconde travée ne sont terminés qu'au XIIIe siècle. Le portail de la façade est probablement du deuxième quart du XIIIe siècle. Le clocher situé à l'angle sud-ouest de la façade est du XIVe siècle. Certains historiens en attribuent la construction aux bourgeois de la ville voulant s'affranchir du pouvoir de l'abbé sur la cité. Les bâtiments sont plusieurs fois remaniés postérieurement, ainsi que le cloître. Bien qu'à l'écart des grandes routes, l'établissement est au XIIe siècle, une étape sur le chemin de Rocamadour et de Compostelle[4] qui est une variante de la route venant de Vézelay et Limoges. L'union avec l'abbaye de Cluny cesse en 1213 à la mort de l'abbé Gaubert (1205-1213). Avec la fin de cette union vont recommencer les périodes de troubles avec les seigneurs locaux, en particulier, les vicomtes de Turenne. Ces derniers vont s'allier avec les bourgeois de Beaulieu contre l'abbé. Celui-ci va alors s'allier aux Castelnau pour résister. Mais à la fin de la guerre de Cent Ans, il doit abandonner toutes ses prérogatives. En 1445 apparaît le premier abbé commendataire, Pierre de Comborn. La décadence de l'abbaye va alors être rapide. La cité de Beaulieu, constituée autour de l'abbaye, eut beaucoup à souffrir des Guerres de religion. Marchands et gabariers qui assuraient la prospérité économique de la ville passent à la Réforme. En 1569, la cité était au pouvoir des Huguenots qui entourèrent l'abbatiale de constructions afin de la masquer. Les moines s'enfuient et se réfugient au château d'Astaillac en 1574 après un second pillage. L'église devient même un temple réformé entre 1569 et 1586[4]. Les moines retrouvent leur abbaye en 1586 après la reprise de la ville par la Ligue catholique. Cependant, les moines n'ayant plus de bâtiments monastiques doivent loger en ville. En 1663, l'abbé Emmanuel-Théodose de la Tour d'Auvergne remet l'abbaye aux mauristes. Ceux-ci entreprennent de réformer l'abbaye et de relever les bâtiments claustraux entre 1683 et 1699. Au début de la Révolution, il ne reste plus que six moines. Vendue, l'abbaye n'échappera pas à la démolition[7]. Seule l'église est épargnée. En 1808, les voûtes des deux premières travées de la nef s'effondrent. Anatole de Baudot va faire des travaux dans l'abbatiale entre 1881 et 1883 : une nouvelle couverture et les voûtes qui s'étaient effondrées. En 1889, il refait la voûte du porche sud. L'architecte Chaîne, successeur d'Anatole de Baudot, fait démolir trois maisons pour dégager le chevet avant la restauration de l'abside. Aux XIXe et XXe siècles, l'abbaye est multiplement protégée au titre des monuments historiques : classement de l'abbatiale par la liste de 1862, classement des terrains attenants en 1934 et inscription des vestiges de l'abbaye en 1965[8]. ArchitectureÉglise abbatialeL'église (devenue paroissiale) et la salle capitulaire ont été seules épargnées à la Révolution. Rien ne subsiste des installations préromanes. L'ancienne abbatiale, seul témoin du faste passé, a été érigée de l'est vers l'ouest en plusieurs campagnes, de la fin du XIe siècle au début du XIIIe siècle. Étape d'une des routes vers Saint-Jacques-de-Compostelle, elle présente comme les églises de pèlerinage un chœur à déambulatoire et chapelles rayonnantes. À la croisée du Quercy, du Limousin et de l'Auvergne, elle reflète les courants qui traversent la région[7]. L'abbatiale est célèbre pour son tympan sculpté sur la porte ouverte dans le mur sud de la nef: le triomphe de la Croix, figuré par un Christ aux bras écartés; derrière lui, une croix décalée, les instruments de la Passion[4]. Tympan du portail méridionalEntouré d'apôtres conversant et d'anges porteurs des emblèmes de la Passion, le Christ apparaît comme le triomphateur de la Mort, prêt à accueillir la cohorte des élus et victorieux du mal dompté que déroulent les registres de monstres assagis. Plus démonstrative, mais moins terrifiante et moins épique qu'à Saint-Pierre de Moissac qui illustre l'Apocalypse de Jean, cette vision de la fin des temps rehausse l'ancienne abbatiale qui, outre un précieux trésor, conserve une des œuvres majeures de la sculpture romane[7]. Le thème central du tympan[9] est la seconde venue du Christ ou Parousie telle qu'elle est racontée dans l'Évangile selon Matthieu Mt 24 et 25 (et non un Jugement Dernier) : Le Christ est représenté triomphant assis sur son trône, devant une grande croix parousiaque, signe du Fils de l'homme, foulant au pied ses ennemis. La couronne portée par un ange n'est pas une couronne d'épines mais une couronne impériale. Les morts sortent de leurs tombeaux et viennent à l'appel du Christ avant le jugement annoncé dans Mt 25, 32 : « Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs. » De part et d'autre du Christ, au-dessous des Élus, on peut voir sept petits personnages. Ils ont été identifiés comme des témoins juifs et païens, représentation d'un verset du début de l'Apocalypse de Jean qui annonce la seconde venue du Christ (Ap 1,1-8) : Dessous la représentation de la Parousie, le linteau est divisé en deux bandes. Le Christ de la Parousie domine des monstres. Dans la bande supérieure, quatre monstres à têtes de chiens et d'oiseaux avalent les condamnés aux enfers. Dans la bande inférieure, sur un fond de rosettes à feuilles, sont représentés des monstres qui peuvent être les royaumes déchus dont parle le prophète Daniel - scène du mur gauche du porche - les monstres dont le Diable s'est servi lors de la Tentation au désert - scène du mur droit du porche - ou les bêtes de l'Apocalypse, comme, par exemple, le monstre à sept têtes. Tous les monstres ne sont pas statiques, mais en mouvement, ce qui souligne la vivacité de l'ensemble de la scène. Autres bâtimentsTelle qu'elle apparait aujourd'hui dans son environnement de maisons basses bordant d'étroites ruelles, l'abbatiale de Beaulieu garde une grande authenticité. Par chance, en effet, l'édifice a échappé à toute destruction ou transformation ultérieures si l'on excepte l'adjonction d'une tour occidentale hors œuvre au XVe siècle[6]. La salle capitulaire, située dans le prolongement du bras sud du transept est utilisée depuis 1903 comme sacristie, elle a gardé un intéressant ensemble de chapiteaux romans au décor ornemental[6]. MobilierL'abbatiale a conservé un mobilier liturgique :
Objets liturgiques
Notes et références
Voir aussiSources et bibliographie(dans l'ordre chronologique de publication)
Articles connexes
Liens externes
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