38 cm SK L/45
Le canon de 380 mm (38-cm-Geschütz), ou 38 cm SK L/45 C/13 selon la terminologie allemande (Kaliber 38 cm, Schnelladekanone, Kaliberlänge 45, Jahr 1913 : « canon à chargement rapide de 38 cm et 45 calibres de 1913 »), est une pièce d'artillerie lourde utilisée lors de la Première Guerre mondiale. Ce canon porte le surnom de Langer Max, signifiant « long-Max » ou « Max-le-long ». Ce modèle a été développé à l'origine comme canon de marine pour équiper les plus puissants cuirassés allemands. En 1915, des tubes sont montés sur des affûts terrestres pour servir sur le front de l'Ouest : jusqu'à huit pièces tirèrent sur les arrières du front jusqu'en 1918 avant d'être détruites. DéveloppementUn canon de marineCe modèle de canon est basé sur le tube développé par Krupp pour servir d'armement principal aux cuirassés allemands de la classe Bayern. La construction de ces super-dreadnoughts, les plus puissants de la Kaiserliche Marine, est décidée à l'occasion du quatrième programme naval de 1912, avec quatre unités prévues : l'Allemagne est alors en pleine course aux armements avec le Royaume-Uni, d'où le choix du diamètre de 380 mm et la longueur de 45 calibres (Kaliberlänge en allemand, d'où L/45)[2] comme la réponse au canon de 15 pouces de la Royal Navy. Le premier tube allemand de ce calibre fut testé en 1913 à Meppen (le polygone de test de Krupp), prévu pour être finalement monté à deux par tourelle, avec des systèmes de chargement rapide (d'où les initiales SK pour Schnelladekanone, canon à chargement rapide). Les deux premiers cuirassés sont mis en chantier à partir d' : le SMS Bayern[3] (lancé en , opérationnel en ) et le Baden (lancé en , opérationnel en ). Par contre, les deux suivants ne seront jamais terminés, le Sachsen et le Württemberg étant mis en chantier en 1914, lancés le premier en et le second en , sans jamais avoir été terminés. Sur affûts terrestresLes navires n'ayant pas été armés, des tubes sont adaptés sur des affûts terrestres pour servir à la défense côtière, la destruction des fortifications ou au bombardement à longue distance sur le front. La principale modification fut d'installer un gros contrepoids derrière la culasse pour contrebalancer le poids du tube. Mis à disposition de la Deutsches Heer (armée de terre allemande) avec leurs servants de la Kaiserliche Marine, les pièces sont soit installées sur des affûts fixes (deux modèles successifs : Anschiessgerüst puis Bettungsschiessgerüst), soit dans des tourelles fixes servant de batteries côtières, soit sur des affût-truck montés sur voie ferrée (développés à partir de 1917). Avec une élévation de 16 degrés, le canon envoie un obus de 750 kg à 20,4 km ; à 20 degrés la portée est de 23,2 km ; à 45 degrés de 38,4 km ; avec des gargousses supplémentaires et un obus spécial de 342 kg, les batteries côtières ont atteint une portée de 48 km[4].
Emplois sur le frontDifférentes pièces d'artillerie lourde, notamment des pièces de marine, furent installées par les principaux belligérants sur positions fixes ou voies ferrés pendant la Première Guerre mondiale, tels que des mortiers, canons et obusiers allemands de 210, 240, 280, 305, 335, 380 et 420 mm. Les canons de 380 mm sont parmi les plus puissantes pièces mises en ligne. Contre les fortificationsLes fortifications de la place de Verdun (la citadelle et surtout les deux ceintures de forts) sont des cibles logiques pour des pièces lourdes tels que les « long-Max ». Les emplacements de tir bétonnés sont mis en chantier à partir de la fin 1914, reliés par chemin de fer. Les premiers tirs ont lieu le contre les forts de Douaumont et de Vaux, puis le contre la côte de l'Oie[5]. Les tirs de trois batteries équipées chacune d'un canon de 380 mm reprennent à partir du au matin, se poursuivant pendant toute la bataille de Verdun : les positions de tir se trouvent dans le bois de Warphémont (à Duzey)[6], à la ferme Sorel (Loison)[7] et au bois de Muzeray, tirant vers le sud-ouest, vers la ville de Verdun. On peut y rajouter l'emplacement de tir de Semide (dans les Ardennes), tirant sur Sainte-Menehould. D'autres places-fortes françaises sont visées par les canons à longue portée allemands. La place de Belfort est bombardée à partir d'une position se trouvant en forêt de Zillisheim[8]. Cette pièce ouvre le feu le , tirant 41 obus jusqu'au [7].
Comme batteries côtièresCinq canons sont installés au milieu de positions bétonnées situées dans les Flandres. Ces pièces effectuèrent, faute de cibles sur mer, des tirs vers le camp retranché de Dunkerque. La première batterie est installée près d'Ostende à Jacobinessen (sur la commune de Bredene). Nommée batterie Deutschland, elle compte quatre canons de 380 mm (les tubes Krupp nos 9, 35, 36 et 41)[4] et ouvre le tir à partir de . La seconde batterie est installée en 1915 en arrière de Nieuport, à Leugenboom (sur la commune de Koekelare)[9]. Cette batterie, nommée batterie Pommern d'après le SMS Pommern, un navire de la Kaiserliche Marine coulé lors de la bataille du Jutland, dispose d'un canon de 380 mm (le Krupp no 15)[4] dans une tourelle blindée et tire à partir de . Le , un de ses tirs coule le navire Ville de Cette dans le port de Dunkerque (darse Freycinet IV)[10]. Ces tirs furent précédés par un 380 mm sur position fixe temporaire à Predikboom (commune de Klerken, près de Dixmude) qui a tiré à partir du , puis sont soutenus par des pièces sur rails mises en batterie dans l'hippodrome d'Ostende. Contre les arrières du frontLe tir longue portée d'une pièce d'artillerie lourde peut cibler sur les arrières du front les villes servant de nœud de communications pour perturber l'approvisionnement. En 1915, une pièce fut installée à Coucy-le-Château, position lui permettant de tirer sur Compiègne, Fismes et Villers-Cotterêts entre le et la fin [11]. Une autre pièce fut implantée à 40 km en arrière de la ligne de front, au cœur de la forêt de Bride[12], entre les villages mosellans de Morville et Hampont. Du au , il tira au total, à une trentaine de kilomètres, plus de 150 obus en 18 jours (dont 35 en une seule journée). Il fit 20 morts, 38 blessés, et d’importants dégâts matériels sur Nancy, Dombasle-sur-Meurthe et Lunéville[13],[14],[15]. Une série de nouvelles positions fixes furent construites en prévision des offensives allemandes du printemps 1918 : les installations de Santes permirent de tirer sur Béthune ; de Saint-Hilaire-le-Petit sur Châlons, Sainte-Menehould et Suippes ; de Brécy (dans le bois du Châtelet) sur Meaux, Coulommiers et Montmirail[16], etc. Après-guerreUne pièce fut capturée en Belgique, mais les sept autres sont évacuées en Allemagne avant l'Armistice pour servir à la défense côtière. Les sept sur les côtes allemandes sont détruites sur ordre de la commission militaire inter-alliée en 1921 et 1922. La pièce belge est vendue aux Français en 1924 pour faire des tests dessus ; ce tube est finalement recapturé par les Allemands en . Un nouveau modèle est développé en 1934 (d'où son nom : 38 cm SK C/34) pour équiper les nouveaux cuirassés allemands, le Bismarck et le Tirpitz[17]. L'installation à terre de quatre tourelles bitubes de 380 mm fut préparée, à raison de deux sur la côte danoise et deux autres près de Cherbourg (au Castel Vendon, sur Gréville-Hague)[18]. Plusieurs pièces du modèle C/34 furent modifiées (modèle C/39) et servirent à la défense côtière en armant les batteries longue portée du Mur de l'Atlantique. Les batteries de Vara (Kristiansand, à l'extrémité sud de la Norvège) et de Hanstholm (à l'extrémité nord du Danemark) tenaient sous leurs feux croisés le détroit du Skagerrak ; la batterie de Læsø (sur l'île du même nom au Danemark) contrôle le Cattégat ; la batterie de Wangerooge (en Allemagne, sur une île de la Frise-Orientale) couvrait l'entrée des ports de Wilhelmshaven et de Bremerhaven ; enfin la batterie d'Audinghen (la batterie Todt, en France), couvrait le pas de Calais[19]. Notes et références
Voir aussiBibliographie
Liens externes
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