Émile Poillot est le troisième fils de Jules Poillot (1852-1938), qui a tenu l'orgue de chœur de l'église Saint-Michel de Dijon durant 54 ans[1], et qui l'initia à la musique dès l'âge de 5 ans.
En 1894, à 8 ans, il débute au conservatoire de Dijon dans la classe de solfège[2], où il obtient une 1re mention avec la note Très Bien[3].
En il entre à la maîtrise de la cathédrale de Dijon, que dirige l'abbé René Moissenet[4],[5], dont le frère et assistant, l'abbé Joseph Moissenet, lui donne des leçons de piano, l'initie au jeu de l'orgue et à l'accompagnement du plain chant[2],[6]. Dès l'âge de 10 ans, Émile Poillot partage avec son maître le service de l'orgue de chœur aux offices de la cathédrale[7],[8], et à 11 ans il fait ses débuts sur le grand orgue[3],[a].
En 1900, au conservatoire de Dijon, il entre dans les classes de piano et d'harmonie d'Adolphe Dietrich[2],[7].
Dès la fin de sa première année d'études, à 15 ans, il y remporte le 1er prix de piano et le 2e prix d'harmonie, l'un comme l'autre à l'unanimité.
Puis ce sont l'année suivante, au concours d'excellence, le prix du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, et le 1er prix d'harmonie à l'unanimité[2],[7],[8].
Eugène Gigout est nommé à la succession de Guilmant le , et le , dans sa classe, Émile Poillot remporte brillamment le 1er prix d'orgue et d’improvisation, à l'unanimité. Il n’y eut pas de 2e prix cette année là[22].
« Cette année, le grand favori de la classe était Émile Poillot. Il avait eu un premier prix de piano [...]. Son entraînement à l’orgue faisait présager un fort beau concours ; cela ne manqua pas de se produire [...]. Poillot avait tenu ferme le drapeau de l’école, émule enthousiaste de ses devanciers. »
Entré dans la classe de composition de Charles-Marie Widor en [2],[7], il est admis en pour le concours de fin d’année de la classe de fugue[24], mais il ne sera pas primé.
Au Conservatoire, il suit également les cours de Maurice Emmanuel, qui a été nommé professeur d’histoire de la musique le [5].
Il revient dans sa ville natale, Dijon, et le , il est nommé sans concours titulaire du grand orgue Riepp de Saint-Bénigne qui était vacant depuis plus de deux ans[25], succédant ainsi à Nicolas-Joseph Wackenthaler[b]. Il tiendra l’orgue pendant 36 ans, jusqu’à sa mort en 1948.
Réformé de l’armée, il est incorporé pendant la guerre dans l'aviation[26]. En 1915, il cantonne à Auxonne, près de Dijon[27].
En , il suit une formation en mécanique au 2e groupe d’aviation à Bron, près de Lyon[28], puis en , il devient dactylo au bureau du Groupe de Bombardement no 2, à Malzéville, tout près de Nancy[29]. Il en est réduit à pratiquer une musique de café-concert pour distraire ses chefs, et recherche une situation pour l'après-guerre[30],[31].
La Gazette des Classes de Composition du Conservatoire, fondée par Nadia et Lili Boulanger en , permet aux musiciens engagés dans la guerre d'échanger des nouvelles réciproques. Émile Poillot y contribuera en 1917 et 1918[32],[33],[34].
En il est secrétaire au bureau du Groupe de Bombardement no 2, et quitte Nancy pour Epiez-sur-Meuse, près de Vaucouleurs, où il restera jusqu’à sa démobilisation fin [35].
Le , sur la proposition d'André Gedalge, Inspecteur de l'Enseignement musical, et de Louis-Charles Dumas, Directeur du Conservatoire de Dijon, une classe de perfectionnement pour le piano est ouverte pour lui au Conservatoire de Dijon[2],[7], où il sera professeur pendant 25 ans.
Le , il épouse Anne Marie Ernestine Huot à Dijon[3]. Le le mariage religieux est célébré en l'église de Selongey, avec la participation de la maîtrise de la cathédrale de Dijon[7],[36]. De cette union naîtront 5 enfants.
En 1923, il est appelé à faire partie du jury pour les concours publics de fin d'année du conservatoire de Lyon[38]. En 1929, il est membre du jury du concours de piano supérieur[39].
En 1940, on lui confie la classe supérieure de piano du Conservatoire de Dijon.
La classe d'orgue dont il rêvait ne sera créée qu’après sa mort, en 1949, et confiée à André Fleury.
Malade depuis 1946, Émile Poillot est remplacé la plupart du temps par l'abbé Maurice Lefèvre, organiste de la maîtrise[42].
Il joue ses derniers offices à Saint-Bénigne pour Pâques[42], le , il faut alors le porter jusqu'à ses claviers. Il meurt le à l'âge de 62 ans[43],[44],[45],[46].
Pour le 30e anniversaire de sa mort, un concert en Hommage à Émile Poillot fut donné le à la cathédrale Saint-Bénigne, par André Fleury à l'orgue et la maîtrise de la cathédrale, dirigée par l'abbé Jean-Marie Rolland[49].
Comme organiste, Poillot s'inscrit dans la tradition des interprètes et improvisateurs de l'école française du début du XXe siècle[42],[50]. Il était particulièrement connu pour ses brillantes improvisations[51] :
« Si son talent d’exécutant l’égalait aux meilleurs artistes de l’époque (tout le grand répertoire lui était familier), c’est en improvisant qu’il se révélait. »
En ce temps-là, il était rare d'entendre l'orgue en dehors des offices ou manifestations religieuses. Les prestations musicales d'Émile Poillot à Saint-Bénigne trouvaient leur place dans ce contexte, l'orgue étant accompagné la plupart du temps par la Maîtrise, dirigée par Mgr René Moissenet jusqu'en 1939, puis par Joseph Samson[53] :
« L’église cathédrale Saint-Bénigne possédait déjà à cette époque une maîtrise extraordinaire et un organiste prestigieux : Émile Poillot. On y venait alors de toute l’Europe et d’Amérique pour entendre les offices. »
Quelques concerts jalonnent cependant sa carrière d'organiste :
En , à Saint-Bénigne, à l'occasion d'une conférence du chanoine Clément Besse Dieu est le musicien, l'âme est la symphonie, il interprète des pièces de Bach, Vierne, Franck et Widor[42],[36].
Le samedi , à 17 h, à la Salle Pleyel à Paris, il joue pour les Amis de l'Orgue. Le concert est radiodiffusé en direct sur Radio Tour Eiffel[41],[58],[59]. « Son improvisation, solidement construite et d’une couleur chatoyante, sur un thème proposé par M. Ch. Tournemire a provoqué l’enthousiasme de l’assistance[60]. »
Le , la messe Assumpta Est de Palestrina et le Credo de Vittoria, chantés par la maîtrise de Saint Bénigne et accompagnés à l’orgue à la cathédrale de Dijon, sont radiodiffusés par Lyon La Doua, relayée par Paris PTT[61].
Le eut lieu l'inauguration du nouvel orgue Merklin de l'église du Sacré-Cœur à Dijon : Georges Ibos, organiste de l'église Saint-Honoré d'Eylau à Paris, devait donner ce concert conjointement avec Émile Poillot, mais la grève des chemins de fer l'ayant empêché de venir à Dijon, c'est Émile Poillot qui assura seul le programme musical, malgré sa maladie[42],[36].
Charles Tournemire, L'Orgue mystique, 51 offices de l'année liturgique inspirés du chant grégorien et librement paraphrasés, cycle après la Pentecôte, op. 57 (1927-1932), 40. Dominica XIV post Pentecosten, à son ami Poillot, organiste de la cathédrale de Dijon[69],[70],[75],[76].
Ave Maria (1918), Lyon, Janin Frères, Éditeurs, J.F. 1023, A mon cher et vénéré maître le Chanoine René Moissenet, Maître de Chapelle de la cathédrale de Dijon.
Odette Vinard, organiste du temple protestant de Dole[85].
Isabelle Manieux, pianiste accompagnatrice au Théâtre de Dijon durant 35 ans.
Joseph Magloire, personnage principal du roman et récit historique Le jardin d’Orléans[87], de Catherine Saulieu.
Notes et références
Notes
↑Émile Poillot a tenu le grand-orgue de la cathédrale Saint-Bénigne au mariage de la fille de son maître et prédécesseur Nicolas-Joseph Wackenthaler le [9] ; il interpréta la Marche de Guilmant comme entrée, celle de Dubois à la fin de la messe et la Marche nuptiale de Mendelssohn à la sortie.
↑Sa nomination est annoncée en par le bulletin paroissial de la cathédrale.
↑Émile Poillot et Maurice Maréchal embarquèrent le à Marseille pour Singapour sur l’ « André-Lebon »[68].
↑Chanoine René Moissenet, « La première page de l'histoire de la Maîtrise de la Cathédrale », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, Dijon, , p. 473 (ISSN0755-3617, lire en ligne).
↑Denis Havard de La Montagne, « Maîtres de chapelle et organistes de la basilique Sainte-Clotilde : éléments biographiques », L’Orgue, Paris, Association des Amis de l’orgue, vol. 2007/II-III, nos 278-279 « La tradition musicale de la basilique Sainte-Clotilde de Paris », , p. 143-158 (ISSN0030-5170).
↑ a et bAurélie Decourt, « Maurice Emmanuel maître de chapelle à Sainte-Clotilde (1904-1907) », L’Orgue, Paris, Association des Amis de l’orgue, vol. 2007/II-III, nos 278-279 « La tradition musicale de la basilique Sainte-Clotilde de Paris », , p. 63-88 (ISSN0030-5170).
↑Louis Vierne, « Chapitre IV : La classe de Guilmant - Nos élèves », dans In memoriam Louis Vierne (1870-1937) : Mes souvenirs, Paris, Desclée de Brouwer & Cie et Secrétariat Général des Amis de l'Orgue, , 228 p. (lire en ligne), p. 79.
↑Gilbert Rose, « Communication de Monsieur Gilbert Rose - Séance du 7 novembre 2008 - Les poilus musiciens », Mémoires de l'Académie de Stanislas, Nancy, 8e, t. XXIII, 2008-2009, p. 137 (ISSN1157-0628, lire en ligne).
↑Émile Poillot, « Lettre à Nadia Boulanger du 23 décembre 1918 », dans Lettres de divers correspondants adressées à Nadia Boulanger en réponse à un questionnaire de novembre 1918 (11 ou 26 ?) "projets pour l'après-guerre" (Lettres autographes, 224 f.), Comité franco-américain du Conservatoire national de musique et de déclamation, formats divers (BNF39600804)
↑Charlotte Segond-Genovesi, « Penser l'après-guerre : aspirations et réalisations dans le monde musical (1914-1918) », dans Lionel Pons, Lucien Durosoir. Un compositeur moderne né romantique. : Actes du colloque – Palazzetto Bru-Zane – Venise, 19-20 février 2011, Albi, Editions Multilingues Fraction, , 308 p. (ISBN978-2-918898-05-4, lire en ligne), p. 31-33.
↑Nadia Boulanger et Lili Boulanger, Comité franco-américain du Conservatoire national de musique et de déclamation, « POILLOT », Gazette des Classes de Composition du Conservatoire, Paris, Bureau du Conservatoire, no 9, , p. 35-36 (lire en ligne).
↑Nadia Boulanger et Lili Boulanger, Comité franco-américain du Conservatoire national de musique et de déclamation, « POILLOT Émile », Gazette des Classes de Composition du Conservatoire, Paris, Bureau du Conservatoire, no 10, , p. 79 (lire en ligne).
↑Michel Huvet, « Avec la Maîtrise de la cathédrale et André Fleury à l'orgue : Une célébration musicale comme l'eût aimée Émile Poillot... », Le Bien public, Dijon, (ISSN0998-4593).
↑« Anciens Élèves : Nouvelles diverses », Bulletin bimensuel de l'École Saint-François de Sales de Dijon, Dijon, vol. 33e année, no 5, , p. 78 (OCLC472107168, lire en ligne).
↑(en) Stephen Schloesser, « Charles Tournemire: Mystical Dissonance », dans Jazz Age Catholicism: Mystic Modernism in Postwar Paris, 1919-1933, University of Toronto Press, , 440 p. (ISBN978-0802087188), p. 314-315.
↑« Les prochaines « tournées » de Maurice Maréchal et d’Émile Poillot », Le Progrès de la Côte d’Or, Dijon, vol. 65e année, no 193, , p. 2 (ISSN2113-7455, lire en ligne).
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↑Abbé Joseph Joubert, Les maîtres contemporains de l’orgue : Pièces inédites pour orgue ou harmonium, vol. 4e : École Française, Paris, Maurice Sénart & Cie, (lire en ligne), p. 103-104.
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↑Abbé Joseph Joubert, Les maîtres contemporains de l’orgue : Pièces inédites pour Grand Orgue avec Pédale obligée, vol. 7e, Paris, Maurice Sénart & Cie, (lire en ligne), p. 72-75.
↑Louis Vierne, 24 Pièces en style libre pour orgue ou harmonium (avec pédale facultative) par Louis Vierne, (op. 31) (Musique manuscrite), 93 p. (lire en ligne), p. 92.
↑ a et bClaude Duchesneau, Plein jeu : Claude Duchesneau interroge Michel Chapuis, Centurion, , 220 p. (ISBN978-2-227-32020-8), p. 29-31.
↑« Louis Vierne à Notre-Dame de Paris – Paris, 22-23 octobre 1928 », dans Daniel Couturier, Autour de Jean Bouvard, organiste, compositeur et professeur lyonnais : La musique française oubliée, au fil de ses souvenirs… (postface Rulon Christiansen), Longué-Jumelles, Le Vieux Logis, , 78 p. (ISBN2307074945, lire en ligne).
Pierre-Marie Guéritey, « L’orgue néoclassique », dans Le grand orgue de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon : 1745-1995, Euro Muses, , 158 p. (ISBN2-911373-00-6), p. 85-92.
Pierre-Marie Guéritey, « Émile Poillot », dans Orgues en Bourgogne : 20e congrès de la Fédération Francophone des Amis de l'Orgue, du 6 au 11 juillet 2003, p. 37-39.
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