Des élections législatives ont lieu au Mali en 1997. Inscrites dans un processus électoral incluant l’élection présidentielle et les élections communales, elles se déroulent dans un climat tendu entre l’opposition et le pouvoir. Une révision du code électoral est votée quelques semaines avant le scrutin. Un premier tour, organisé dans la confusion le , est invalidée par la Cour constitutionnelle. Le refus du gouvernement d’interrompre le processus électoral comme demandé par l’opposition regroupée au sein du Collectif de l’opposition (Coppo) aggrave les tensions. Les élections ont finalement lieu les et . Alors qu’une grande partie de l’opposition a appelé au boycott, le parti du président Alpha Oumar Konaré, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice remporte largement les élections.
Quelques mois avant les élections, le gouvernement malien procède à une révision du code électoral. Un projet de loi est présenté à l’Assemblée nationale et adopté uniquement par les députés de la majorité. La Cour constitutionnelle, saisie par des députés de l’opposition, censure le certains aspects, notamment :
le monopole de présentation des candidatures par les partis politiques
la composition de la Commission électorale nationale indépendante
un mode de scrutin différencié selon l’importante de la population des circonscriptions électorales[3],[4].
Un nouveau projet est élaboré en concertation avec différents partis de la majorité et de l’opposition et est adopté par l’Assemblée nationale le [3].
Ce nouveau code électoral maintient le mode de scrutin de liste majoritaire à deux tours par circonscription électorale, autorise les candidatures indépendantes et institue une Commission électorale nationale indépendante (CENI)[3].
Elle a comme mission la préparation et l’organisation des élections et notamment l’établissement de la liste électorale, l’organisation matérielle du vote, l’impression et la répartition dans les bureaux de vote du matériel électoral (bulletins de vote et enveloppes)[3].
Une préparation jugée trop rapide
Le , trois jours après l’adoption de la loi électorale, le gouvernement nomme les membres de la CENI et annonce le même jour la date des prochaines élections législatives (9 et , présidentielle (4 et et communales ()[3].
L’avocat Kassoum Tapo est élu président de la CENI.
L’opposition pense que l’impréparation du gouvernement ne permet pas d’organiser les élections transparentes et crédibles dans un délai aussi court. Elle reproche au gouvernement de ne pas avoir révisé annuellement les listes électorales comme la loi l’exige[3]. Le Rassemblement des forces patriotiques introduit deux recours devant la Cour constitutionnelle pour demander l’invalidation du décret de convocation du collège électoral pour les législatives du 13 avril. Le premier recours porte sur le choix de la date du scrutin, le second sur l’absence de révision annuelle des listes électorales[6].
Le parti au pouvoir dénonce la volonté de l’opposition d’empêcher coûte que coûte la tenue des élections dans les délais afin de constituer une vide constitutionnel[3].
À la demande de la CENI, le premier tour est reporté au [3]. Le , le président de la république dissous l’Assemblée nationale.
Scrutin d'avril 1997
Pour ces élections, 32 partis politiques et 24 personnalités indépendantes font acte de candidature[6]
Les élections du 13 avril se passe dans la plus grande confusion, les autorités et le président de la République Alpha Oumar Konaré reconnaissant les insuffisances. Les observateurs internationaux de l’Organisation internationale de la francophonie notent l’absence ou la présence selon les cas de listes manuelles ou informatisées et l’absence de cartes d’électeurs dans certains bureaux, entraînant des retards et des difficultés pour les électeurs à voter. Devant l’absence de listes électorales, des électeurs ont pu voter en présentant un livret de famille[7].
Le gouvernement, réuni en conseil des ministres le tout en reconnaissant « les insuffisances et les difficultés constatées çà et là » appelle à la poursuite du processus électoral[8].
Contestation
Dans un communiqué de presse du , les partis de l’opposition réclament :
La démission du gouvernement en raison de sa responsabilité dans l’impréparation des élections et surtout celle du Premier ministre sur entêtement à imposer à l’ensemble de la classe politique le scrutin bâclé du 13 avril 1997 ;
La dissolution de la CENI qui a failli à son devoir envers le Peuple malien de n’avoir pas tiré les conséquences de l’impréparation réelle du scrutin (…) ;
La non reconnaissance des résultats dudit scrutin ;
La suspension du processus électoral jusqu’à la réunion des conditions pour la tenue d’élections régulières, transparentes et crédibles (…)
Dans cette déclaration, l’opposition annonce l’organisation d’une marche pacifique suivi d’un meeting à Bamako pour le [9].
L’opposition reproche principalement l’absence d’une liste électorale fiable et révisée conformément à l’ordonnance n° 91-074 P-CTST du portant Code électoral[10].
L’opposition décide de retirer ses représentants au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour protester contre la mauvaise organisation et se regroupe au sein du collectif de l’opposition (Coppo).
Annulation
Le président de la CENI publie les résultats complets du premier tour le . Le parti au pouvoir Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma-Pasj) obtient 24 députés et est en ballottage favorable dans 37 autres circonscriptions. L’opposition n’a aucun élu au premier tour. L’opposition réclame la suspension du processus électoral. Les neuf candidats déclarés pour l’élection présidentielle retirent leur candidature, laissant seul le président sortant. Le candidat Mamadou Maribatrou Diaby revient cependant sur sa décision[11].
De nouvelles élections sont programmées pour les 6 et . La campagne électorale pour le premier tour est ouverte du au celle du second tour du 11 au .
Un climat tendu
Le collectif des partis de l’opposition (Coppo) conteste la légitimité de la poursuite du processus électoral et annonce qu’elle ne participe pas aux prochaines élections[13]
Les élections sont reportées au pour le premier tour et au pour le second tour[14]
La campagne se déroule dans un climat tendu, l’opposition radicale voulant empêcher la tenue des élections. Le Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta déclare que "Ceux qui ne veulent pas aller aux élections peuvent rester chez eux. Mais ceux qui veulent empêcher les autres d'y aller trouveront la loi sur leur chemin"[17].
Un scrutin dans la violence
Le scrutin se tient dans un climat de violence. A Bamako, le siège du parti au pouvoir l’Adéma-Pasj est incendié ainsi qu’une mairie. A San, deux personnes sont tuées par balle et plusieurs autres blessées[18].
Résultats
L’Adéma-Pasj et ses alliés (le Parena et le pdj) remportent largement ces élections, l’Adéma-Pasj obtenant à elle seule largement la majorité absolue.
Répartition des sièges à l’issue des élections législatives de 1997[19]
Les jours qui suivent voient se prolonger la violence alors que l’opposition radicale a déclaré ne pas reconnaître la nouvelle assemblée. Le , lors d’un meeting organisé à Bamako par l’opposition, un policier est lynché à mort. Dix responsables de l’opposition dont Me Mountaga Tall, président du CNID, Almamy Sylla, président du collectif de l'opposition, Youssouf Traoré de l'UFDP, Seydou Badian Kouyaté de l'US-RDA, Mohamed Lamine Traoré, ancien ministre de l'Intérieur, chef du MIRIA, Fanta Diarra, présidente des femmes du Congrès national d'initiative démocratique (CNID) sont alors arrêtés et inculpés de "violence et voies de fait ayant entraîné la mort d'une personne. Un mandat d’arrêt international est lancé contre Oumar Mariko[20]
Notes et références
↑Des dissidents de l'Adema créent un parti, le MIRIA, Afrique-Express, 23 décembre 1994 [1]
↑Bakary Camara, Le processus démocratique au Mali depuis 1991— Entre fragmentation de l’espace politique et coalitions : Quels sont les impacts de la démocratisation sur la condition de vie des maliens, 2008: worskhop on political participation (Dakar, Sénégal, 6-21 juillet 2008 [2]
↑ abcdefg et hOrganisation internationale de la francophonie, Rapports de la mission exploratoire et de la mission d’observation des élections législatives du 13 avril 1997 - rapport de la mission exploratoire du 10 au 16 février 1997 [3]
↑Organisation internationale de la francophonie, rapport de la mission d’observation du 1er tour des élections législatives, 1997 [4]
↑Déclaration du Gouvernement sur les législatives du 13 avril 1997, Bamako, 16 avril 1997 [5]
↑Communiqué des responsables de la CPP, du PARI, du PUDP, des Partis du FCD, du RFP et les Candidats aux Elections Présidentielles, réuni au siège du MIRIA à Bamako le 14 avril 1997 [6]
↑Mountaga Tall, Les élections contestées de 1997 au Mali, document présenté sur le site internet de l’Organisation internationale de la francophonie [7], consulté le 18 janvier 2009]
↑Législatives ratées : le sort du premier tour dans les mains de la Cour Constitutionnelle, Afrique express N° 144, 24 avril 1997 [8]