Les élections générales sud-africaines de 2024 ont lieu le 29 mai 2024 afin d'élire les membres de l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud, ainsi que ceux des assemblées provinciales des neuf provinces du pays.
L'Assemblée nationale procède peu après son élection à celle du président de la République, élu au scrutin indirect pour cinq ans.
Outre le recul historique de l'ANC, les élections de 2024 aboutissent pour la première fois depuis 1924 à un parlement sans majorité, contraignant les formations politiques à s'entendre de manière inédite sur un gouvernement de coalition. Début juin, l'ANC conclut un accord en ce sens avec la DA, le Parti Inkatha de la liberté (IFP) et l'Alliance patriotique (PA).
La majorité ainsi formée permet notamment au président Ramaphosa d'être reconduit pour un deuxième mandat lors de l'élection présidentielle organisée au scrutin indirect le 14 juin suivant. Il forme le 30 juin son nouveau gouvernement, qui inclut les différents partenaires de coalition.
L'ANC fait face depuis plusieurs scrutins à une baisse de ses résultats électoraux face à la principale formation d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), ainsi que de la poussée sur sa gauche des Combattants pour la liberté économique (EFF), qui enregistrent en 2019 une nette progression, la DA conservant cependant la deuxième place au niveau national ainsi que la majorité à l'assemblée du Cap-Occidental. Ce recul amène Ramaphosa à déclarer vouloir « tirer les leçons » des législatives lors de son discours d'investiture[1].
Plusieurs partis de l'opposition annoncent, le 17 août 2023, la création de la Charte multipartite (Multi-Party Charter), réunissant la DA, le Parti Inkatha de la liberté (IFP), le Front de la liberté (VF+), le nouveau parti ActionSA, et d'autres partis mineurs. L'accord vise à permettre aux partis de s'entraider dans le but d'empêcher la réélection de l'ANC, mais également d'éviter que cette dernière ne finisse pas par s'allier aux EFF. Les partis de l'opposition traditionnelle sont en effet échaudés par la conclusion d'une telle alliance lors des élections locales à Johannesburg[2]. Le Parti chrétien-démocrate africain (ACDP) se joint à l'alliance le 7 octobre suivant[3], tandis que le Parti chrétien-démocrate unifié (UCDP) — extraparlementaire, mais ayant obtenu des élus lors des précédentes élections — en fait de même le 14 décembre[4].
L'ANC se retrouve par la suite concurrencé par la scission provoquée par Jacob Zuma, qui soutient puis prend la tête du parti Umkhonto we Sizwe (MK), du nom de la branche militaire éponyme de l'ANC sous l'apartheid[5], fondé en décembre 2023. Le 21 mai 2024, soit à peine plus d'une semaine avant le scrutin, la Cour constitutionnelle juge illégale la candidature de Jacob Zuma à un siège de député. Son nom est par conséquent retiré de la liste du parti, bien que sa photo demeure sur les bulletins de vote en tête de liste[6],[7],[8].
Mode de scrutin
L'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement d'Afrique du Sud, est composée de 400 sièges pourvus tous les cinq ans au scrutin proportionnel plurinominal avec listes bloquées, à raison de 200 sièges répartis dans neuf circonscriptions électorales de 4 à 43 sièges correspondant aux neuf provinces du pays en fonction de leur population, et de 200 sièges restants à pourvoir dans une circonscription nationale unique. Les résultats en pourcentages de voix donnent lieu à une répartition des sièges à la proportionnelle sans seuil électoral, selon la méthode du plus fort reste et quotient de Droop, puis selon la méthode de la plus forte moyenne pour les éventuels sièges restants[9]. Les électeurs doivent être âgés de plus de dix huit ans. Les partis ont la possibilité de présenter une liste nationale ainsi que des listes pour les provinces, dites listes régionales, ou bien uniquement ces dernières[9].
La répartition des sièges s'effectuait auparavant sur la base d'un seul vote par électeur. À la suite d'un recours du Mouvement nouvelle nation, la Cour constitutionnelle juge inconstitutionnel ce système en juin 2020, car empêchant les électeurs de voter pour des candidats Indépendants. Pour la première fois lors des élections de 2024, les électeurs disposent d'un bulletin de vote pour la répartition à l'assemblée nationale des 4 à 43 sièges de leur province — pour lesquels les indépendants peuvent candidater — et d'un second bulletin de vote pour la répartition des 200 sièges au niveau national. Comme auparavant, ces votes sont distincts de celui effectué sur un autre bulletin pour les élections provinciales[10].
Les assemblées des neuf provinces sont composées de 30 à 80 sièges pourvus selon le même mode de scrutin proportionnel à listes bloquées. Leurs membres élisent à leur tour pour cinq ans les exécutifs des provinces[11], ainsi que les membres de la Chambre haute du pays, le Conseil national des Provinces à raison de dix conseillers par province, dont obligatoirement le président provincial[12].
L'ANC perd sa majorité absolue pour la première fois depuis 1994, et remporte l'exacte moitié des sièges. Le premier ministre sortant Zamani Saul parvient à être réélu en formant une coalition avec le Front de liberté (VF+).
← Résultats des élections provinciales de 2024 au Cap-Nord[26]→
L'ANC recule de manière très importante, mais conserve par un siège la majorité absolue. L'ANC conserve donc le contrôle de la province. Cependant, le premier ministre sortant, Mxolisi Dukwana, est remplacé par Maqueen Letsoha-Mathae.
← Résultats des élections provinciales de 2024 dans l'État libre[29]→
L'ANC perd sa majorité absolue, mais conserve la première place. Le premier ministre sortant, Panyaza Lesufi, parvient à être réélu, et forme un gouvernement de coalition minoritaire avec la PA, l'IFP et RISE.
← Résultats des élections provinciales de 2024 au Gauteng[30]→
L'ANC connait une importante défaite dans cette province, perdant sa majorité absolue, mais finissant à la troisième place. Le nouveau parti MK arrive largement en tête, mais manque de peu la majorité absolue. Les branches locales des partis au pouvoir au Cap parviennent à former une coalition (IFP-ANC-DA-NFP) qui obtiennent 41 députés sur 80. Le candidat de l'IFP, Thami Ntuli, devient premier ministre. L'IFP reprend ce poste pour la première fois depuis 2004.
Pour la première fois depuis la fin de l'apartheid en 1991 et la première élection législative sud-africaine au suffrage universel en 1994, l'ANC ne remporte pas la majorité absolue avec seulement 40 % des voix exprimées. Ce revers électoral est imputé aux scandales de corruption qui entachent l'ANC, aux mauvais résultats économiques du pays, ainsi qu'à la criminalité en forte hausse[35],[36].
Principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique de John Steenhuisen conserve sa deuxième place,alors que le recul de l'ANC profite principalement au Umkhonto we Sizwe (MK) de l'ancien président Jacob Zuma, qui arrive troisième pour sa première participation à un scrutin national[37].
Outre le recul historique de l'ANC, les élections de 2024 aboutissent pour la première fois depuis 1924 à un parlement sans majorité, contraignant les formations politiques à s'entendre pour former et soutenir un gouvernement de coalition[38]. En position de force pour diriger ce dernier, l'ANC se retrouve à devoir des alliés parmi la DA, l'EFF ou le MK. À la tête de l'opposition historique, la DA réclame des réformes économique incluant des privatisations, à l'opposé de la politique économique menée par l'ANC. À l'extrême-gauche, Julius Malema, le chef de l'EFF, réitère son intention de ne pas renoncer à une redistribution des terres appartenant à des blancs sur la base d'expropriations sans compensations. Principalement issu d'une scission de l'ANC, que ce soit en termes de dirigeants ou d'électorat, le MK est la formation la plus proche politiquement du gouvernement sortant, mais l'éventualité d'une alliance entre les deux partis souffre de l'inimitié personnelle entre leur dirigeants, Cyril Ramaphosa et Jacob Zuma[39].
L'élection présidentielle organisée au scrutin indirect dans le mois suivant le scrutin constitue alors un test majeur pour les différentes formations politiques de la nouvelle législature.
Formation du gouvernement
Les cadres de l'ANC se réunissent le 31 mai pour décider de la suite des évènements. Le même jour, John Steenhuisen, déclare que la DA est disposée à participer avec elle à un gouvernement de coalition, tout en la conditionnant à une consultation préalable des autres membres de la Charte multipartite[40]. Julius Malema en fait de même au nom de des EFF[41]. Des négociations informelles s'ouvrent immédiatement avec ces deux partis, avant leur ouvertures officielle le 2 juin par le secrétaire général de l'ANC, Fikile Mbalula, qui assure que le gouvernement a entendu le « message clair » envoyé par les électeurs[42]. S'il assure que les résultats ont été une « leçon d'humilité » pour l'ANC, l'éventualité d'un retrait de Cyril Ramaphosa de la présidence comme condition à une coalition est en revanche rejeté catégoriquement[43]. Les négociations s'ouvrent en l'absence des représentants du MK, en raison du rejet des résultats par ce parti et son dirigeant, Jacob Zuma, qui en conteste la validité. Le MK boycotte ainsi les négociations, son porte parole Nhlamulo Ndhlela jugeant que la présence du parti reviendrait à légitimer la proclamation « illégale » des résultats[42],[44].
Deux jours plus tard, la direction de l'ANC conclut dans un document interne qu'une alliance avec la DA et le Parti Inkatha de la liberté (IFP), est préférable, rejetant la possibilité d'une alliance avec les EFF comme le MK[45]. Le 5 juin, le porte parole du parti, Mahlengi Bhengu, annonce que des discussions sont toujours en cours avec la DA, les EFF et plusieurs petit partis, mais pas avec le MK, faute de « réponse positive »[46],[47]. Ce dernier ne rejoint finalement les négociations que le lendemain[48], tandis qu'un des membres de la Charte multipartite, l'ActionSA, décide le même jour de la quitter par refus de se coaliser avec l'ANC. Le départ d'ActionSA fait ainsi passer le total de sièges des membres de la Charte de 119 à 113[49],[50].
Le 11 juin, Jacob Zuma et le uMkhonto weSizwe font appel auprès de la Cour constitutionnelle afin d'empêcher le parlement nouvellement élu de siéger, invoquant une fraude électorale[51]. Les négociations se poursuivent néanmoins. L'IFP annonce ainsi le 13 juin être disposer à être membre de la coalition avec l'ANC et la DA, ouvrant la voie à un déblocage de la situation[52]. Le même jour, les partis s'accordent sur les « principes fondamentaux » du nouveau gouvernement[53], tandis que la Cour constitutionnelle rejette le recours de Jacob Zuma, permettant à l'Assemblée de tenir sa session inaugurale comme prévu le lendemain[54].
L'accord rendu public le 14 juin voit la conclusion d'une coalition réunissant l'ANC, la DA, l'IFP et l'Alliance patriotique (PA), soit tout juste à temps pour la session inaugurale de la nouvelle législature, qui se tient le même jour. Cette dernière voit l'élection de la députée de l'ANC Thoko Didiza à la présidence de l'Assemblée nationale par 284 voix contre 49 à la députée des EFF, Veronica Mente[55],[56]. La députée DA Annelie Lotriet est, quant à elle, élue à la vice-présidence par 273 voix contre 54 pour le dirigeant du Mouvement de transformation africain (ATM), Vuyolwethu Zungula[57]. Lotriet devient ainsi la première vice-présidente de l'assemblée à ne pas être membre de l'ANC depuis la fin du mandat de Bhadra Ranchod en 1996[58].
La majorité ainsi formée permet au président Ramaphosa d'être reconduit pour un deuxième mandat lors de l'élection présidentielle organisée au scrutin indirect le 14 juin suivant[59]. Le scrutin, tout comme celui de la présidence et de la vice-présidence de l'assemblée, est boycotté par les députés du MK, qui ne prennent leur place à l'assemblée que le 17 juin[60].