Élection présidentielle sud-coréenne de 1987

Élection présidentielle sud-coréenne de 1987
Corps électoral et résultats
Inscrits 25 873 624
Votants 23 066 419
89,15 % en augmentation 11
Blancs et nuls 463 008
Roh Tae-woo – DJP
Voix 8 282 738
36,64 %
Kim Young-sam – RDP
Voix 6 337 581
28,04 %
Kim Dae-jung – PDP
Voix 6 113 375
27,05 %
Kim Jong-pil – NDRP
Voix 1 823 067
8,07 %
Candidat en tête par province
Carte
Président de la République
Sortant Élu
Chun Doo-hwan
DJP
Roh Tae-woo
DJP

L'élection présidentielle sud-coréenne de 1987 se déroule en Corée du Sud le [1]. Elle marque l'établissement de la VIe République, ainsi que la fin du régime autoritaire militaire de Chun Doo-hwan. Il s'agit des premières élections présidentielles directes depuis 1971. Au cours des 15 années précédentes, les présidents étaient élus indirectement par la Conférence nationale pour l'unification (en), un collège électoral dominé par le parti au pouvoir.

Les élections ont lieu à la suite d'une série de manifestations pro-démocratiques et peu avant les Jeux olympiques d'été de 1988 qui se tiennent à Séoul[2]. Roh Tae-woo, du Parti de la justice démocratique alors au pouvoir, remporte le scrutin avec 36,6 % des voix. Les deux principaux candidats de l'opposition, Kim Young-sam et Kim Dae-jung, remportent à eux deux plus de 55 % des voix. Le taux de participation électorale était de 89,2 %.

Contexte

Les élections se sont tenues à la suite d'une série de manifestations à l'échelle nationale en faveur d'élections libres et équitables et des libertés civiles[3]. Pendant la période du 10 au 29 juin, les manifestants parviennent à persuader le régime du président de l'époque, Chun Doo-hwan, et son successeur désigné, Roh Tae-woo, d'accéder aux principales revendications et de réviser la Constitution[4].

Révision constitutionnelle

Sous la présidence de Chun Doo-hwan, la Constitution avait été réécrite afin qu'il puisse conserver son pouvoir tout en limitant le mandat présidentiel à un seul mandat de sept ans. Plusieurs autres textes y ont été inscrits, dont la loi fondamentale sur la presse, qui a causé la fermeture de centaines d'organisations médiatiques[4]. La Constitution stipulait également que tout amendement visant à prolonger le mandat du président ne s'appliquerait pas au président sortant, empêchant ainsi toute tentative visant à permettre à Chun de se présenter à nouveau en 1987[5].

A la suite du succès du Nouveau parti démocratique coréen (en) (NKDP) aux élections législatives d'avril 1985, des appels ont été lancés en faveur de changements constitutionnels. Le 13 avril 1986, Chun prononce un discours défendant la Constitution, déclarant que son successeur serait un membre de son propre parti, le Parti de la justice démocratique (DJP), et que tout débat constitutionnel serait reporté à la fin des Jeux olympiques de 1988[4]. Dans son argumentation, le DJP a fait valoir que l'opposition était divisée et ne pouvait pas agir en tant que négociateur fiable. Il pensait aussi que l'incertitude politique nuirait à la fois au bon déroulement des évènements olympiques et des élections à venir[6].

Près d'un mois plus tard, le 10 juin 1987, des manifestations massives ont éclaté lorsque Roh Tae-woo, président du DJP, a été annoncé comme successeur de Chun[3]. Cette annonce, couplée à la mort d'un étudiant torturé par la police, a déclenché des manifestations pro-démocratiques dans toute la Corée[3]. Face à l'ampleur du mouvement, Roh décide le 29 juin d'accepter les demandes d'amendements de la Constitution, proposant un plan en huit points :

Le nouvel amendement constitutionnel est ratifié par l'Assemblée nationale le 12 octobre et soumis à un référendum populaire le 27 octobre. 93 % des électeurs ont voté en faveur de l'amendement, qui a permis à l'élection directe et démocratique du 6e président de la Corée du Sud d'avoir lieu[4].

Système électoral

Le président de la République de Corée est élu au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour un mandat de cinq ans non renouvelable. L'élection se tient entre le soixante-dixième et le quarantième jour avant l'expiration du mandat du président sortant[7].

Candidats

Parti de la justice démocratique

La primaire du Parti de la justice démocratique (DJP) s'est tenue le 10 juin au Jamsil Gymnasium de Séoul. Lors de la convention, 7 378 délégués ont nommé l'ancien commandant de la Défense de la capitale Roh Tae-woo, qui était la seule option sur le bulletin de vote, à la présidence[8].

Nouveau parti républicain démocratique

La primaire du Nouveau Parti républicain démocratique (NDRP) s'est tenue le 30 octobre au Heungsadan Hall de Séoul. Kim Jong-pil, ancien Premier ministre et ancien député du Chungcheong du Sud pour cinq mandats, a été choisi comme candidat du parti[9].

Parti démocratique de la réunification

La primaire du Parti démocratique de la réunification (RDP) s'est tenue le 9 novembre au Centre Sejong des arts du spectacle à Séoul. Kim Young-sam, ancien législateur de Busan pour sept mandats, a été nommé candidat par 1 203 délégués[10].

Parti démocratique pour la paix

La primaire du Parti démocratique pour la paix (PDP) s'est tenue le 12 novembre au Centre Sejong des arts du spectacle à Séoul. Kim Dae-jung, ancien député du Jeolla du Sud pour quatre mandats et candidat à la présidentielle de 1971, a été nommé candidat[11].

Parti social-démocrate

Hong Sook-ja est nommée à la présidence du Parti social-démocrate lors de la primaire de 1987[12], et est la seule et première femme candidate à celle élection[13].

Parti de la Corée unifiée

Shin Jeong-yil crée le Parti de la Corée unifiée en 1987 à l'occasion de la présidentielle. Il est à sa tête, et en est donc le candidat[14],[15].

Campagne

Comme un maximum de voix sont nécessaires pour gagner dans le cadre du scrutin uninominal majoritaire à un tour, les candidats ont cherché à maximiser leur attrait pour les régions et leur appréciation des militants afin de maximiser leurs voix.

Roh Tae-woo

Roh Tae-woo tente tout au long de sa campagne de se détacher de l'image négative du gouvernement autoritaire d'où il provient, et surtout du travail du très impopulaire Chun Doo-hwan. Roh promet ainsi la poursuite de la démocratisation et des réformes économiques, tout en mettant l'accent sur la stabilité. Les soutiens du DJP proviennent des zones rurales, la population agricole représentant 20% de la population totale, tandis que dans les zones urbaines, les électeurs conservateurs de la classe moyenne et les travailleurs peu diplômés et à faible revenu soutiennent largement Roh. Il trouve la majorité de ses soutiens dans la province du Gyeongsang du Nord, où se trouve la grande ville de Daegu, sa ville natale. Daegu était également la ville natale de Chun et Park Chung-hee. Les journaux annonçaient une victoire écrasante dans la province du Gangwon, car elle borde la Corée du Nord et est fortement anticommuniste, mais aussi dans celles de Jeju et du Chungcheong du Nord[16].

Kim Jong-pil

Kim Jong-pil, qui était un conseiller de l'ancien président et dictateur Park Chung-hee, a fait campagne sur l'héritage de développement économique de Park qui a transformé la Corée du Sud, passant d'une économie principalement agricole à une économie industrialisée moderne digne d'une puissance commerciale majeure. Il a promis de maintenir le cadre politique de Park, en faisant appel à certains éléments conservateurs de la classe moyenne sud-coréenne. Sa principale base de soutien était située dans sa province natale du Chungcheong du Sud, plus spécifiquement dans la grande ville de Daejeon[16].

Kim Young-sam

Kim Young-sam, considéré comme un homme politique plus modéré, pragmatique et ouvert au compromis que ses adversaires, a attiré le soutien de hauts gradés militaires à la retraite opposés au gouvernement en place[16], mais aussi de la classe moyenne en expansion en Corée du Sud qui souhaitait mettre fin à la présence de l'armée dans la politique nationale, en en particulier les cols blancs urbains qui souhaitaient bénéficier de davantage de stabilité pour pouvoir entretenir la croissance économique du pays. Parmi ses soutiens issus de la classe moyenne se trouvait une importante population protestante. La plus grande concentration de ses soutiens se trouvait dans sa province natale du Gyeongsang du Sud et de la ville de Busan[16]. Jeong Seung-hwa (en), l'ancien chef d'état-major des armées accusé à tort d'avoir planifié l'assassinat de Park Chung-hee, accusation dont Chun et Roh se sont servis pour justifier leur prise de pouvoir en 1979, s'est prononcé en faveur de Kim Young-sam.

Kim Dae-jung

Kim Dae-jung, fervent catholique, a fait campagne sur la démocratie libérale, la protection sociale et une économie de marché ouverte. Cependant, il était largement considéré comme un radical et comme le candidat dont les militaires craignaient la victoire, aux côtés de nombreux électeurs de la classe moyenne. Malgré les tentatives visant à modérer cette image, il a attiré l'attention du mouvement dissident, notamment parmi les militants des droits de l'homme, les étudiants, les syndicats et les électeurs à faible revenu. Le soutien le plus fort de Kim Dae-jung est issu des provinces du Jeolla du Nord et du Sud, sa région d'origine. Les journaux annonçaient une victoire écrasante à 80 ou 90% des voix dans ces deux provinces, et qu'il allait obtenir de bons résultats à Séoul et dans la province de Gyeonggi[16].

Shin Jeong-yil

Shin Jeong-yil se présente comme le candidat en faveur de l'unification des deux-Corées, des pourparlers et des négociations avec le voisin nord-coréen. Il prêche l'idéologie Han[17].

Hong Sook-ja

Hong Sook-ja, ne parvenant pas à obtenir suffisamment de soutiens à la fois du côté de la politique et des citoyens, décide de se retirer de la compétition et apporte soutien à Kim Young-sam[18].

Résultats

Nationaux

Résultats nationaux[19]
Candidat Parti Voix %
Roh Tae-woo Parti de la justice démocratique 8 282 738 36,64
Kim Young-sam Parti démocratique de la réunification 6 337 581 28,04
Kim Dae-jung Parti démocratique pour la paix 6 113 375 27,05
Kim Jong-pil Nouveau parti républicain démocratique 1 823 067 8,07
Shin Jeong-yil Parti de la Corée unifiée 46 650 0,21
Votes valides 22 603 411 97,99
Votes blancs et nuls 463 008 2,01
Total 23 066 419 100
Abstention 2 807 205 10,85
Inscrits / Participation 25 873 624 89,15

Par provinces

Province Roh Tae-woo Kim Young-sam Kim Dae-jung Kim Jong-pil Shin Jeong-yil
Votes % Votes % Votes % Votes % Votes %
Séoul 1 682 824 29,95 1 637 347 29,14 1 833 010 32,62 460 988 8,20 4 560 0,08
Busan 640 622 32,11 1 117 011 55,98 182 409 9,14 51 663 2,59 3 612 0,18
Daegu 800 363 70,70 274 880 24,28 29 831 2,64 23 230 2,05 3 774 0,33
Incheon 326 186 39,95 248 604 29,99 176 611 21,31 76 333 9,21 1 126 0,14
Gwangju 22 943 4,82 2 471 0,52 449 554 94,41 1 111 0,23 74 0,02
Gyeonggi 1 204 235 41,45 800 274 27,55 647 934 22,30 247 259 8,51 5 621 0,19
Gangwon 546 569 59,53 240 585 26,20 81 478 8,87 46 954 5,11 2 628 0,29
Chungcheong du Nord 355 222 46,90 213 851 28,23 83 132 10,98 102 456 13,53 2 796 0,37
Chungcheong du Sud 402 491 26,22 246 527 16,06 190 772 12,43 691 214 45,03 3 902 0,25
Jeolla du Nord 160 760 14,14 17 130 1,51 948 955 83,46 8 629 0,76 1 501 0,13
Jeolla du Sud 119 229 8,17 16 826 1,15 1 317 990 90,28 4 831 0,33 994 0,07
Gyeongsang du Nord 1 108 035 66,39 470 189 28,17 39 756 2,38 43 227 2,59 7 812 0,47
Gyeongsang du Sud 792 757 41,17 987 042 51,26 86 804 4,51 51 242 2,66 7 567 0,39
Jeju 120 502 49,77 64 844 26,78 45 139 18,64 10 930 4,51 683 0,28
Total 8 282 738 36,64 6 337 581 28,04 6 113 375 27,05 1 823 067 8,07 46 650 0,21
Source : Comité national des élections

Analyse et conséquences

Roh Tae-woo est élu président lors de cette élection.

Trucage prévu des résultats en cas de victoire de l'opposition

Selon des documents de la Central Intelligence Agency (CIA) obtenus par le South China Morning Post de Hong Kong en juillet 2019, les forces au pouvoir, soutenues par l'armée, craignaient la défaite de leur candidat, Roh Tae-woo. Des plans détaillés pour corriger le résultat des élections auraient été mis en place. Les documents de la CIA spécifient qu'un "plan de fraude à grande échelle [était] déjà en cours de mise en œuvre".

Le document ajoute que le gouvernement "réfléchissait à l'usage de propagande et de sales tours, notamment la falsification des bulletins de vote ; certains responsables semblent désormais prêts à aller encore plus loin" et que "les dirigeants du parti au pouvoir ont pensé à fabriquer des preuves de fraude pour donner à Chun une opportunité de déclarer les élections nulles si les premiers sondages donnaient Roh perdant de l'élection".

Les documents suggéraient aussi que le gouvernement était prêt à réprimer durement tout soulèvement après le vote, déclarant qu'une note interne au gouvernement donnait un "ordre d'arrestation ouvert" à l'encontre du candidat de l'opposition Kim Dae-jung s'il tentait de "provoquer une révolte populaire" pour contester les résultats des élections »[20].

Réactions

Selon Lynn Turk, à l'époque, un officier du Département des affaires étrangères américaines basé à Séoul qui surveillait de près la campagne et les élections avait annoté les documents comme étant "une histoire très intéressante", mais déclarant que "les votes ont été comptés équitablement et Roh a vraiment gagné équitablement". Il ajoute : "Le soir des élections, chacun des quatre partis avait des observateurs dans chaque lieu de vote et a obtenu une copie conforme du vote public compté à la main. Ainsi, les totaux enregistrés par leurs postes de commandement correspondaient au décompte officiel"[21].

Park Chul-un, le beau-frère et conseiller de Roh Tae-woo, a déclaré qu'"aucune fraude électorale n'avait été planifiée ni réalisée" lors des élections de 1987 en réponse à l'article du journal[22].

Références

  1. (en) Dieter Nohlen, Florian Grotz et Christof Hartmann, Elections in Asia: A data handbook, vol. II, Oxford, Royaume-Uni, Oxford University Press, , 770 p. (ISBN 9780199249589, lire en ligne), p. 420
  2. Georgie D. M. Hyde, South Korea : education, culture, and economy, New York : St. Martin's Press, (ISBN 978-0-312-01666-1, lire en ligne)
  3. a b et c (en) Charles K. Armstrong, Korean society : civil society, democracy, and the state, Londres, Royaume-Uni, Routledge, , 214 p. (ISBN 0415263875, OCLC 52996563)
  4. a b c et d (en) Kim Sun-Chul, Democratization and social movements in South Korea : defiant institutionalization, Londres, Royaume-Uni, Routledge, , 196 p. (ISBN 9780415582582, OCLC 974834381, lire en ligne)
  5. « South Korea - The 1980 Constitution », sur countrystudies.us (consulté le )
  6. (en-US) Clyde Haberman et Special To the New York Times, « SOUTH KOREA STEPS UP ITS ATTACKS ON OPPOSITION », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  7. Jean-Pierre Maury, « Corée du Sud, Constitution, Digithèque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le ).
  8. (ko) « [6.10 민정당전당대회]전당대회 및 대통령후보 지명대회[강성구] », sur MBC 뉴스,‎ (consulté le )
  9. (ko) « [13대 대선]신민주공화당 중앙당 창당 대회[김형민] », sur MBC 뉴스,‎ (consulté le )
  10. (ko) « [13대 대선]민주당 임시전당대회,김영삼총재 후보 공식 추대[박석태] », sur MBC 뉴스,‎ (consulté le )
  11. (ko) « 평화민주당 창당대회, 대통령후보 추대 전당 대회[정성환] », sur MBC 뉴스,‎ (consulté le )
  12. « 네이버 뉴스 라이브러리 », sur NAVER Newslibrary (consulté le )
  13. (ko) 뉴스1, « [박근혜 시대] 朴, 최초의 '여성·부녀·독신' 대통령…3번째 TK 출신 », sur 뉴스1,‎ (consulté le )
  14. (ko) « 신정일 한주의통일한국당후보, 강화.김포 첫 유세[이상명] », sur MBC 뉴스,‎ (consulté le )
  15. (ko) « 가칭 통일한국당 신정일씨 대통령 후보 출마 시사[신경민] », sur MBC 뉴스,‎ (consulté le )
  16. a b c d et e Daniel Sneider, « A turn toward democracy? South Korea's elections tomorrow are a result of a people's demand for reform », Christian Science Monitor,‎ (ISSN 0882-7729, lire en ligne, consulté le )
  17. (ko) 기자, « 한사상연구소 지적혁명 발표회 », sur 영남일보,‎ (consulté le )
  18. (en) « First female candidate breaks all the rules », UPI,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. Nohlen et al
  20. (en) « Exclusive | ‘Dirty tricks’ were planned in South Korea’s first democratic poll, CIA files show », sur South China Morning Post, (consulté le )
  21. (en-US) Bradley K. Martin, « South Korean generals 'considered' cheating in 1987 election », sur Asia Times, (consulté le )
  22. (en) « No 2 of former Korean president Roh dismisses ‘dirty tricks’ in CIA files », sur South China Morning Post, (consulté le )

Article connexe