Dès le XIVe siècle et peut-être même avant, une chapelle placée sous le vocable de Saint-Pierre et Saint-Paul s'élève à cet endroit[1]. Détruite pendant le guerre de cent ans, elle est reconstruite au XVIe siècle puis, au début du siècle suivant, restaurée et agrandie de deux chapelles latérales consacrées l'une à Notre-Dame, l'autre à saint Sébastien alors invoqué en cas d'épidémie[2]. Mais dès 1770, l'édifice tombe en ruines[3].
L'abbé Pierre Hébert est nommé vicaire de Courbevoie en 1769[4]. Pasteur dévoué, il œuvre activement à la création de la paroisse autorisée le par l'archevêque de Paris. Six ans plus tard, il s'attelle à la construction de l'église. Le registre paroissial de l'année 1790 relate en ces termes, respectant l'orthographe et la ponctuation, la pose de la première pierre[5] :
« à la gloire de Dieu Le Neuf Mai Mil Sept cent quatre Vingt dix du Règne de Louis Seize, du temps de l'assemblée Nationale La Premiere Pierre de Cette eglise à été Posée par haut et Puissant Seigneur, Monseigneur Louis, auguste, augustin Comte d'affry Chevalier des ordres du Roi, Lieutenant general de Ses armées Colonel du Regiment de Ses gardes Suisses, et Par Messire Pierre Jacques Thorin de la Thanne Seigneur de cette paroisse, Marechal des Camps et armées du Roi, Capitaine au Dit Regiment. La Benediction en à été faite Par Messire Pierre hebert Prêtre Premier Curé de Cette paroisse, en Presence de Messieurs Jacques Colombier, Maire, Nicolas Boucher, Nicolas Colombier, Jean Pierre delaitre, Pierre Le fort, Jean Eustache Gallais officiers Municipaux, du Dit delaitre Marguillier en Charge, de René Doré Marguillier adjoint, et de Nicolas Jean Gillet[6] ProcureurSyndic de la Commune, et (barré) et tous de (sic) Ses habitans. Les plans ont été(barré) Dressés Par M. Louis Le Masson ingenieur du Roi, architecte, instituteur attaché à L'education de leurs altesses Royales Mgr Le Duc de (sic) Angouleme, Mgr Le Duc de Berry enfans de Monseigneur Comte D'artois frere du Roi. pareille inscription gravée Sur une plaque de Cuivre, envelopée dans une Boîte de plomp (sic)[7] à eté deposée dans La Premiere Colonne à gauche en entrant dans L'église, avec une Medaille, et quelques Pièces d'argent et de Monnoye de l'annèe Courante Suivent les signatures : Hebert (avec paraphe) curé / Le Boux (avec paraphe) Vicaire Colombier Maire (avec paraphe) / delettre / Nicolas Colombier Nicolas Gillet pro(cureur) Behuré (avec paraphe) / nicolas boucher »
Après la destitution de Louis Le Masson en 1793, les travaux s'interrompent. Pendant deux décennies, l'édifice reste inachevé et s'endommage. En 1819, la duchesse d'Angoulême réunit des fonds, augmentés par sa générosité, qui permettent la restauration et l'achèvement du monument[8].
Cinq ans plus tard, l'ingénieur géographe Alexis Donnet (1782-1854) écrit :
« L'Église paroissiale de cette commune n'était originairement qu'une chapelle dépendante de la paroisse de Colombes ; elle fut reconstruite presque en entier [...] sur les dessins, et sous la direction de M. Le Masson, ingénieur des ponts-et-chaussées et architecte. Resserré entre les dernières maisons de la rue, à l'extrémité de laquelle cet édifice est élevé, et les constructions de l'ancienne chapelle qu'il fallait conserver, l'architecte prit le parti ingénieux d'en disposer le plan de manière à gagner sur la largeur du sol, ce qu'il était impossible de trouver sur sa profondeur ; en conséquence, il donna à la nef principale la forme d'une ellipse, dont il établit le grand axe (d'environ soixante-dix pieds [= 22,74 mètres]), sur la largeur du terrain. Il fit précéder cette rotonde elliptique d'un petit péristyle de quatre colonnes, faisant face à la rue, et donnant entrée à l'église. En regard de cette entrée, et sur le petit axe, il plaça le sanctuaire, de forme rectanguaire, et ses collatéraux, séparés par des arcades portant sur des piédroits ; il éclaira cette partie de l'édifice par des croisées ouvertes en face des arcades. Une grande porte bien ajustée, et correspondant à celle du péristyle, décore le fond du sanctuaire, et donne entrée à la sacristie placée derrière l'église. Le chœur ou sanctuaire, et ses collatéraux sont ouverts en arcades sur la rotonde, et font pénétration dans sa voûte sphérique ; ces trois arcs reposent sur la cornichedorique qui couronne le mur lisse de la rotonde dans son pourtour intérieur, et reçoit la retombée de la voûte en calotte. L'extrémité supérieure de cette voûte est ouverte par un œil, qui donne à cette partie de l'église un jour tranquille très convenable au recueillement. Deux grandes niches, pratiquées aux extrémités du grand axe, sont destinées aux chapelles des fonts et des mariages. D'autres niches moins grandes correspondent aux collatéraux, et accompagnent la porte d'entrée. Les deux belles portes, la corniche dorique, d'un bon style, les niches et l'œil de la coupole font la seule décoration de l'intérieur de cet édifice, qui doit toute sa beauté à la disposition ingénieuse de son plan, et à la sagacité avec laquelle l'architecte fit l'application des parties décoratives, et distribua les effets de lumière. L'extérieur se compose du corps peu élevé de la rotonde, sur lequel se dessine, en avant-corps, un petit péristyle de quatre colonnes lisses, d'un ordre grec pœstumien, qui est élevé de quelques marches sur le sol de la rue, et que couronne un fronton triangulaire, dont la corniche de l'entablement d'ordre toscan règne dans le pourtour extérieur de la rotonde. Une belle porte, composée d'un chambranle et d'une corniche, décore l'intérieur du péristyle, dont le mur est orné de bossages ; au-dessus de la corniche s'élèvent trois gradins, qui, faisant amortissement, lient la coupole à la partie inférieure de l'édifice. Le caractère de l'ensemble de cette élévation, le style sévère de sa décoration, et les belles proportions du péristyle, peuvent faire considérer cet édifice comme un exemple des bonnes productions de l'art, vers la fin du dix-huitième siècle ; et comme un nouveau modèle du caractère à donner aux édifices religieux dans les campagnes. Le voûte de cette rontonde est construite en poterie, assemblée sur une armature en fer, et recouverte par un enduit en plâtre, sur lequel était fixée l'ardoise qui fut remplacée par une couverture en plomb, qu'il fallut substituer par suite de l'abandon dans lequel cet édifice resta si longtemps, et pendant lequel tous les enduits de la voûte se détériorèrent. »
— Alexis Donnet, Description des environs de Paris, considérés sous les rapports topographique, historique et monumental (1824)
De 1868 à 1870, l'architecte Jean-Baptiste Guenepin dirige des travaux d'agrandissement qui donnent à l'église ses dimensions actuelles. La nef est prolongée d'une arcade en direction de l'est et s'ouvre sur un nouveau chœur. Les chapelles latérales sont allongées et élargies.
L'abbé François Neuville exerce les fonctions de curé de 1907 jusqu'à sa mort en 1942. En 1932, il fait édifier le clocher prévu par les plans d'origine mais non réalisé. À sa demande, il repose sous la tribune d'orgue, à gauche de l'entrée. L'épitaphe de sa pierre tombale indique :
« Ici tomba[10] et repose
Jules François[11] NEUVILLE
chanoine honoraire de ND de Paris
né à Clichy le 23 juillet 1859
ordonné prêtre le 23 décembre 1882
il devint curé de cette paroisse
le 24 février 1907
et pendant 35 ans
il en fut le Pasteur zélé
il construisit la chapelle Ste Thérèse
la maison vicariale et l'école des garçons
il s'endormit dans la paix du Seigneur
le 21 mars 1942. »
C'est en cette église, du haut de la chaire, que le dimanche l'abbé Pierre lance son cèlèbre appel à la solidarité nationale pour venir en aide aux sans-abri. Dès le lendemain, différentes stations de radio relaient son message de générosité.
Un projet immobilier programme la destruction de l'église pour septembre 1971. Mais grâce à l'intervention du docteur Henri de Frémont (1913-2007)[12], dernier propriétaire de l'hôtel de Guines et attaché au passé courbevoisien, un arrêté du inscrit in extremis l'édifice à l'Inventaire des monuments historiques, à l'exception de son clocher élevé en 1932 selon le plan initial[2],[13],[14].
à droite, saint Pierre par Lucile Doux (Paris 1821 - Louveciennes 1896), d'après une peinture de Sébastien Cornu au pilier gauche du chœur de l'église parisienne précitée.
À l'entrée du chœur, deux grandes compositions se font face :
à droite, une toile marouflée montrant la Délivrance de Saint Pierre (1871) par Louis Auguste Lombard (Lyon 1827-1909)[19].
Dans l'abside, le cul-de-four s'orne d'une toile marouflée de grande dimension[20] représentant la Trinité en gloire adorée par deux anges thuriféraires[21]. Le peintre Louis Adan (Paris 1839-1937) la signe et la date de 1870, bien qu'elle ne soit installée qu'en 1892. Elle présente de frappantes similitudes avec le Christ bénissant peint par son maître François Édouard Picot dans l'abside de l'église Saint-Vincent-de-Paul de Paris[22], dont Louis Adan fut paroissien durant sa jeunesse. Dès la fin des années 1890 la Trinité en gloire, endommagée par de probables infiltrations en toiture, doit être restaurée par son auteur[9]. Un siècle plus tard, elle souffre d'un encrassement général. Le nettoyage de 1992-1993 permet de redécouvrir sa beauté.
Bas-côtés
Les bas-côtés abritent deux grandes huiles sur toile du XIXe siècle :
Saint Paul (1873) par Henri François Jules de Vignon (Belfort 1815 - Paris 1885)[23], à gauche (côté nord) ;
En 1872, six vitraux en grisaille exécutés par François Gay (1827-1910) pour le fabricant d'ornements d'église Louis Chovet (1830-1910) sont posés dans les bas-côtés. Après leur destruction lors du bombardement américain du 15 septembre 1943, du verre cathédrale les remplace pour protéger l'intérieur des intempéries[9].
Cette situation provisoire dure plus de dix ans. En janvier 1957, six verrières dessinées par Jacques Le Breton (Olonne 1898 - Beaune-la-Rolande 1982) et réalisées par Robert Brunner (Paris 1901 - Créteil 1969) sont mises en place[2]. Cinq ans avant les réformes prescrites par le concile de Vatican II, le curé Lucien Colombier (1898-1969), conseillé par son vicaire Pierre Martin, fait rédiger en français, et non en latin, les paroles tirées des Évangiles pour les rendre accessibles au plus grand nombre[9].
Orgue
L'orgue primitif, de 1860, s'avère inutilisable après la restauration de 1992-1993[2].
En 2011, un nouvel instrument le remplace. S'inspirant de ceux du 17e siècle, il est construit par le facteur d'orgues Bertrand Cattiaux(d)[25]. Il comporte 38 jeux répartis sur trois claviers manuels de 58 notes et un pédalier de 32 notes[2].
L'architecte Jean-Luc Giraux conçoit et réalise le buffet et la tribune[2].
Cette église est l'unique lieu de culte dépendant de la paroisse Saint-Pierre-Saint-Paul[27], l'une des huit du doyenné des Deux-Rives au sein du diocèse de Nanterre.
↑Beau-père de Jacques Colombier, qui a épousé en secondes noces Marie Claude Victoire Gillet le 18 novembre 1788 à Courbevoie.
↑Cette boîte a été extraite et son contenu présenté au public, lors d'une exposition organisée en mai 1990 au musée Roybet-Fould pour le bicentenaire de l'église de Courbevoie [Henri de Frémont (1913-2007), Deux siècles à Courbevoie — À l'ombre d'une maison : l'hôtel de Guines, Courbevoie, Mayenne (Imprimerie de la Manutention, n° 205-94), édité par l'auteur, , 222 p. (ISBN2-9500407-5-6), p. 213-215 - Le trésor du pilier ou le geai paré des plumes du paon (fable)].
↑L'église Saint-Pierre Saint Paul, feuille ronéotypée transmise en octobre 1994 par la mairie de Courbevoie.
↑ abcd et e Précisions fournies le 30 mai 2024 par Monsieur J.M. Gailliard, paroissien spécialiste de l'église Saint-Pierre-Saint-Paul.
↑L'abbé Neuville fit, en descendant de la tribune d'orgue, une chute qui entraîna sa mort.
↑Henri de Frémont (1913-2007), Deux siècles à Courbevoie — À l'ombre d'une maison : l'hôtel de Guines, Courbevoie, Mayenne (Imprimerie de la Manutention, n° 205-94), édité par l'auteur, , 222 p. (ISBN2-9500407-5-6), p. 197.