Après une série de paysages remarqués au Salon de Paris, l'occasion lui est donnée de rejoindre le capitaine de vaisseau Bouët-Willaumez sur les côtes africaines et il devient ainsi un témoin privilégié de la société coloniale au Sénégal pendant la monarchie de Juillet[2],[3]. Telles quelles ou réinterprétées par d'autres artistes, plusieurs de ses œuvres illustrent des ouvrages et des revues de voyage, Nousveaux a également produit des lithographies de sites parisiens, avant et après son expérience africaine.
Biographie
Né à Paris le [4], il est le fils de Nicolas Nousveaux, peintre en porcelaines, et de Marie Catherine Henriette Asséré. On sait aujourd'hui qu'après le décès de son père, la mère d'Édouard Auguste s'était remariée à l'artiste peintre François-Joseph Dupressoir (1800-1859)[5]. Nousveaux se forme à l'École des beaux-arts de Paris sous la direction de Dufresnois[3]. Il expose au Salon à partir de 1831. Cette année-là il se déclare domicilié au 56, rue du Faubourg-Saint-Denis à Paris[6]. Le Salon de 1834 lui prodigue ses encouragements : « Nous engageons M. Nousveaux à suivre la voie dans laquelle il débute si bien ; nous le retrouverons sans doute l'année prochaine en progrès, s'il continue comme il a commencé[7] ». En 1835, il vit au 28, rue des Petits-Hôtels, dans le futur 10e arrondissement[8].
Une revue critique de la quatrième Exposition annuelle des beaux-arts au musée de Rouen en 1836 porte un jugement mitigé sur l'unique œuvre présentée par Nousveaux et y décèle déjà des velléités exotiques :
« Un paysage (209) : au centre un grand arbre probablement étudié avec soin sur la nature, mais d'une configuration si insolite, avec des embranchemens si contournés, si tourmentés, si capricieux, qu'il ressemble bien plutôt à quelqu'une de ces végétations presque fantastiques dont les voyageurs aux rives du Niger ou du Gange, garnissent leurs albums, qu'au prosaïque poirier de nos masures qui, cependant, a dû servir de modèle. Des terrains accidentés, des arbres coupés, les fondrières obligées d'un chemin vicinal, tout cela étudié avec minutie, mais rendu avec quelque sécheresse et peint avec lourdeur[9]. »
Lorsque le peintre Stanislas Darondeau — qui était chargé de représenter les paysages et les mœurs des régions explorées au cours de l'expédition conduite par le gouverneur Bouët-Willaumez — meurt en 1842 à son retour en France, des suites d'une maladie contractée au Sénégal[10], son collègue Nousveaux arriva à la côte pour continuer ses œuvres et compléter un album pittoresque destiné à être publié par le département de la Marine[11].
De retour en France, Nousveaux expose neuf aquarelles lors du Salon de 1845. Arthur Guillot les commente ainsi :
« [elles] appartiennent au ministère de la marine et font partie d'un ouvrage sur le Sénégal et les côtes occidentales d'Afrique. Ces aquarelles, dont plusieurs ne sont, à vrai dire, que des croquis, offrent cependant beaucoup d'intérêt, en ce sens qu'elles représentent des contrées où nos paysagistes s'aventurent rarement, et qu'elles permettent de saisir çà et là quelques traits de la vie de ces pays lointains[12]. »
Il vit à Neuilly-sur-Seine en 1846 où sa femme, Louise Aimée Bourgeois, brunisseuse en bijoux, accouche d'un garçon en novembre de la même année ; son atelier se trouve quant à lui à Paris au 31, rue du Faubourg-du-Roule[13]. Il achève encore dans la capitale quelques travaux sur le thème du Sénégal.
Puis, autour de cette même année, il réalise une série de lithographies de sites parisiens, tels que la Sorbonne ou le collège des Cholets, qui ont fait l'objet de critiques parfois sévères. Nousveaux, fidèle à des modèles — notamment ceux de François Alexandre Pernot — fort éloignés de la réalité, aurait donc contribué à diffuser des inexactitudes, comme l'affirme A. Bonnardot :
« Je suis désolé, je l'avoue, de pouvoir si rarement citer une pièce de cet artiste de talent et d'imagination, sans être obligé de faire une sévère critique de ses œuvres qui, à peu d'exceptions près, donnent du vieux Paris, des portraits faux ou pleins d'anachronismes[14]. »
C'est le 4 août 1848 que Nousveaux, lors d'un voyage au Sénégal meurt de maladie dans la ville de Saint-Louis, âgé d'environ 35 ans. Son décès est reporté à l'état civil parisien le 14 octobre suivant[15], De récents travaux sur la généalogie du peintre ont démontré l'inexactitude de sa date de décès supposée à tort en 1867. Notamment le fait que sa femme s'est remariée dès 1851 avec Étienne Motin (ca 1828-1880), peintre sur métaux et fleuriste[16]. Puis, on trouve une notice nécrologique dans le Moniteur des Arts en date du 5 mars 1859 concernant le beau-père du peintre, Dupressoir cité plus haut (second mari de sa mère) qui venait de décéder. Dans cette nécrologie, M. Audiffred nous rappelle les liens entre Dupressoir et Nousveaux et rappelle son décès en 1848[17].
Des périodiques tels que Le Tour du monde publient des dessins inspirés des aquarelles de Nousveaux. C'est ainsi que l'article « Voyages et expéditions au Sénégal et dans les contrées voisines[19] » publié en 1861 est notamment illustré de quatre dessins d'Évremond de Bérard — Saint-Louis, chef-lieu des établissements français du Sénégal ; Ancien fort de Richard-Toll ; Fort de Lampsar dans le Oualo ; Fort de Mérinaghem dans le Oualo, sur le lac de Guiers — et de deux dessins de G. Boulanger — Signare dame de couleur et négresses de Saint-Louis au bain de mer ; Signare et négresse de Saint-Louis en toilette —, tous réalisés d'après des œuvres de Nousveaux.
Une vingtaine d'années après sa disparition, le colonel Frey utilise quelques-unes de ses aquarelles pour illustrer son ouvrage Côte occidentale d'Afrique : vues, scènes, croquis, publié en 1890[20]. La diffusion de l'ouvrage contribue à la notoriété de l'artiste.
Plus généralement, l'œuvre sénégalais de Nousveaux a été abondamment reproduit, non seulement ses paysages, mais aussi les personnages qu'il met en scène, les signares, ainsi que les types ethniques, les Peuls (le berger, le guerrier, la femme)[21] ou les Wolofs[22] principalement. On retrouve ainsi les figures peules dans La France coloniale illustrée (1888), sans indication d'auteur et avec des légendes simplifiées[23]. La réflexion contemporaine, par exemple le colloque L'idée de « race » dans les sciences humaines et la littérature (XVIIIe – XIXe siècles) (2000)[24], souligne la place de l'iconographie dans la propagation des stéréotypes. De fait « l'album pittoresque », confié à Darondeau puis à Nousveaux, était bien destiné à la propagande maritime et coloniale auprès des jeunes Français[25]. Comme d'autres illustrateurs de la littérature coloniale, il a contribué à fixer une certaine vision du continent[26].
Œuvres
Vue d'une usine sur les bords de la Drôme, 1831[8].
Vue d'Amboine, prise des hauteurs de Batou-Ganton, 1833, lithographie coloriée, 20 × 32,5 cm[27].
Vue de Saint Denis, Ile Bourbon, 1833, lithographie coloriée, 20,2 × 32,3 cm[28].
Le Lac d'Escoubous, 1834, lithographie, 34,2 × 26,2 cm[29].
Signare et serviteurs à Gorée (scène d'esclavage : maison des esclaves à Gorée), 1848, aquarelle sur papier, 49 × 57 cm, Paris, musée du quai Branly[34].
Signare et négresse de Saint-Louis en toilette, vers 1848-1849.
Le Val de Grâce, mine de plomb et aquarelle, 13 × 18,5 cm.
Le Collège de Sorbonne en 1550, vers 1850, lithographie en couleurs d'après François Alexandre Pernot, 22,3 × 13,5 cm[37].
Le Collège de Navarre (An 1440), vers 1850, lithographie coloriée d'après François Alexandre Pernot, 26,9 × 20,6 cm[37].
Restes du Collège des Cholets en 1820, vers 1850, lithographie d'après François Alexandre Pernot[37].
Notes et références
↑On trouve aussi Edmond Auguste Nousveaux à l'état civil
↑Revue française d'histoire d'outre-mer, vol. 76, 1989, nos 282-285, p. 252.
↑ ab et cX. Ricou, Trésors de l'iconographie du Sénégal colonial, Riveneuve, Marseille, 2007, p. 224.
↑D'après le dictionnaire de Bellier de la Chavignerie, le même qui lui donnera une date de décès erronée, reprise ensuite jusqu'à nos jours.
↑Se reporter à la note no 16 qui renvoie vers un lien sur une étude généalogique la famille Nousveaux
↑Explication des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, lithographie et architecture des Artistes vivans : exposés au Musée Royal, le , Vinchon, Paris, 1831, p. 230.
↑Lettres sur le Salon de 1834, Delaunay, Paris, 1834, p. 334.
↑ ab et cExplication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure, et lithographie des artistes vivans exposés au Musée royal le , Vinchon, Paris, 1835, p. 161.
↑Revue de Rouen et de Normandie, Société des émules, Rouen, 1836, p. 65.
↑« Un jeune peintre paysagiste que nous avons eu occasion de citer quelquefois avec éloge, M. Nousveaux, vient d'être attaché, comme dessinateur, à la station extérieure d'Afrique, sous le commandement de M. Bouet, gouverneur provisoire du Sénégal. M. Nousveaux succède à M. Darondeau, dont nous avons eu à déplorer la mort récente, alors qu'il rentrait en France pour recueillir le fruit de ses travaux et de ses études », in L'Artiste, 1842, p. 181.
↑Édouard Bouët-Willaumez, Description nautique des cotes de l'Afrique occidentale, comprises entre le Sénégal et l'Équateur : commencée en 1838 et terminée en 1845 par les ordres de M. le contre-amiral Montagniès de la Roque, Impr. administrative de Paul Dupont, 2e éd., 1849, p. XIV.
↑ abcd et e« Salon de 1845 : Aquarelles, pastels, dessins », La Revue indépendante, vol. 18-19, 1845, p. 507.
↑Annuaire des lettres, des arts et des théâtres avec gravures et illustrations, L'Époque, Paris, 1847, p. 286.
↑« Iconographie du vieux Paris », Revue universelle des arts, vol. 9, 1859, pp. 395-396.
↑Archives de Paris Acte de décès reconstitué : transcription en provenance de Saint-Louis au Sénégal, du décès de Nousveaux à l'état civil parisien le 14/10/1848, vue 18 / 40.
↑Geneanet Travaux généalogiques sur Édouard Auguste Nousveaux réalisés par Gilles Braschi.
↑Site Retronews Le Moniteur des Arts, édition du 5 mars 1859 (vue 2 / 8) ou p.138 du document
↑(en) H. W. Janson (dir.), « Paris. Salon de 1866 », Catalogues of the Paris Salon, 1673 to 1881, vol. 46, Taylor and Francis, 1866, p. XLIV.
↑« Costumes Iolofs [sic] », Le Magasin pittoresque, 1846, vol. 15, p. 324.
↑« Femme peule des bords du Sénégal » devient ainsi « Femme peule » dans Alexis-Marie Gochet, La France coloniale illustrée : Algérie, Tunisie, Congo, Madagascar, Tonkin et autres colonies françaises considérées au point de vue historique, Tours, A. Mame et fils, 1888, p. 171.
↑L'idée de « race » dans les sciences humaines et la littérature (XVIIIe – XIXe siècles), Actes du colloque international de Lyon, (16-), textes réunis et présentés par Sarga Moussa), L'Harmattan, 2003, 455 p. (ISBN2-7475-4350-1).
↑Dr Cariou, « Un peintre colonial méconnu : Édouard Nousveaux », Notes africaines, no 36-56, 1948, p. 46.
↑Jean-Marc Boutonnet-Tranier (dir.), L'Afrique fantastique par les explorateurs et les dessinateurs du XIXe siècle, Ivry-sur-Seine, Aethiopia Editions, 1993, 303 p. (ISBN2-9507646-0-6) (une sélection d'articles publiés dans Le Tour du monde entre 1860 et 1890).