Après avoir enregistré un concert donné au Théâtre des Mazades de Toulouse en 1986[3], qu'elle publie l'année suivante sur une première cassette autoproduite intitulée Juliette[4], la chanteuse fait la connaissance de Leïla Cukierman[5], qui était à l'époque directrice du Théâtre d'Ivry. Celle-ci lui fait rencontrer la productrice Mysiane Alès qui va prendre en main sa carrière durant treize ans[6]. C'est cette dernière qui produit ¿Qué tal?, son premier disque professionnel[7]. L'album a été enregistré en public au théâtre d'Ivry et au TLP Déjazet à Paris. Faute de budget pour recruter des musiciens additionnels et de pouvoir disposer d'un arrangeur[8], l'interprète s'accompagne elle-même au piano[9].
Caractéristiques artistiques
Dans ce récital, Juliette fait une reprise de Lames[10], un titre écrit par Pierre Philippe et Astor Piazzolla, et qui fut créé originellement par Jean Guidoni sur l'album Crime passionnel. Ce dernier fait partie des artistes qu'elle admire le plus[11],[9]. On trouve aussi d'autres reprises comme Quand on vous aime comme ça, créée par Yvette Guilbert, qu'elle interprète en accentuant l'ironie de la chanson d'origine[12]. Une autre reprise, Sentimental bourreau de Boby Lapointe, est chantée d'une façon délibérément exagérée dans un style « Grand-Guignol » qui en fait ressortir l'aspect comique[12].
L'humour est également présent sur une version parodique[13] de L'Homme à la moto (créé par Édith Piaf en 1956) que Juliette transforme sous une forme de tango chanté avec un accent espagnol volontairement caricatural[14],[12],[15]. Mais la chanteuse sait également interpréter des textes plus littéraires comme Le P'tit Non ou Minoiselle imaginés par le poète Norge qu'elle a mis en musique pour l'occasion[16],[11].
D'autres titres entièrement écrits par Juliette témoignent d'un désir d'écriture qui s'épanouira dans les décennies suivantes[17], comme l'inquiétant Poisons[19], l'orientalisant Abhu Newes ou Les Romanichels, d'inspiration plus folklorique[11]. La chanson titre ¿Qué tal?[20],[21], co-signée avec Katryn Lingua, s'inspire du célèbre tableau Les Vieilles de Goya[22] et évoque les nombreux morceaux de Jacques Brel qui abordent le thème de la vieillesse[24],[25],[22]. Traitant d'une rupture amoureuse homosexuelle[27],[28], le mélancolique Sur l'oreiller, entièrement écrit et composé par Juliette, constitue son premier chef-d'œuvre, selon l'universitaire Jean Viau qui a beaucoup étudié son répertoire[29]. La chanteuse reprendra d'ailleurs ce titre sur l'album suivant : Irrésistible, qui sortira en 1993.
Parution et réception
Le disque ¿Qué tal? (depuis longtemps épuisé) a reçu de bonnes critiques à sa sortie[8], et a été réédité en CD en 2003 par Universal Music-Polydor[30],[31]. Il figure parmi les albums que la journaliste Laura Marquez a choisi dans la discographie sélective de Juliette qu'elle présente dans la revue spécialisée FrancoFans[32].
↑Concernant les paroles de Poisons, la chanteuse a confié à Daniel Pantchenko qu'elle avait été très influencée par le style de Pierre Philippe mais aussi par Jacques Higelin. Concernant ce dernier, elle cite comme exemple les vers suivants : « Sainte Locuste, belle Lucrèce / Rangez vos fioles et venez ! », et indique qu'elle avait beaucoup écouté l'album Champagne pour tout le monde[18].
↑Annie Gutmann et Pierre Sullivan, Résister et vivre : au croisement des disciplines et des cultures, Ophrys, (ISBN978-2708012745, présentation en ligne), p. 140.
↑L'universitaire Jean Viau a décelé dans les paroles de la chanson de Juliette, la mention d'un célèbre parfum féminin porté par l'être aimé, qu'il interprète comme un « premier indice d'homosexualité » que la chanteuse fait apparaître dans son tour de chant[26].
↑Lorraine Alexandre, « Fragments, pour une décomposition des archétypes de genre », European Drama and Performance Studies, no 10, , p. 323-348 (résumé, lire en ligne).
↑Laura Marquez, « Juliette, chanteuse en liberté », FrancoFans, no 61, octobre et novembre 2016, p. 58 (ISSN1766-8441).
↑Livret de ¿Qué tal?, Juliette, 1996, CD, Le Rideau Bouge, MT101.
Annexes
Bibliographie
Jean Viau, Guidoni & Juliette : Crimes féminines, Paris, Les Belles Lettres, , 208 p. (ISBN2-251-44255-3).
Juliette Noureddine, Juliette : Mensonges et autres confidences, Paris, Textuel, , 120 p. (ISBN978-2845971547).
Gilles Verlant (dir.), Jean-Dominique Brierre, Dominique Duforest et Christian Eudeline, L'odyssée de la chanson française, Paris, Hors Collection, , 464 p. (ISBN978-2258070875).
Yves Borowice (dir.), Les femmes de la chanson : deux cents portraits de 1850 à nos jours, Paris, Textuel, , 272 p. (ISBN9782845973411).
Serge Dillaz, « Juliette, chanteuse fin de siècle », Chorus, no 23, (ISSN1241-7076).
Daniel Pantchenko, « Juliette, l'irrésistible », Chorus, no 47, (ISSN1241-7076).