Né en 1371 dans la province du Yunnan, dans le sud-ouest de la Chine, son nom initial est Mǎ Sānbǎo (chinois simplifié : 马三宝 ; chinois traditionnel : 馬三寶 ; pinyin : Mǎ Sānbǎo ; Wade : Ma³ San¹-pao³). Zheng He était un Hui, un Chinoismusulman. Il est également possible qu'il soit d'origine cham musulmane, lorsque le royaume Champâ arrivait jusqu'à la bordure méridionale du Tonkin avec le Yunnan au Nord. Le préfixe honorifique Hadji (Al hadj) indique qu'il est allé à La Mecque, comme son père et son grand-père[2]. Le trône impérial a eu plusieurs hauts dignitaires d'origines ethniques diverses.
On ne connaît que peu de choses sur son enfance. Descendant direct de Sayyid Ajjal Shams al-Din Omar, le premier gouverneur du Yunnan nommé par la dynastie mongole des Yuan au XIIIe siècle, il est lui-même fils du gouverneur du Yunnan[3]. Lors de son enfance, la province est envahie par l'armée impériale, campagne au cours de laquelle son père trouve la mort.
Âgé de 13 ans, lui-même est capturé et castré, comme il est de coutume pour les fils des chefs de guerre rivaux prisonniers, destinés à faire partie des eunuques de la Cour impériale, un rôle offrant une relation privilégiée avec l'empereur. Il gravit peu à peu les échelons.
Il entre bientôt dans les faveurs de Zhu Di, Prince de Yan. Ce prince ambitieux, dont il devient l'un des stratèges, usurpe le trône impérial de Chine en 1402[5] sous le nom de Yongle (ce qui signifie « Félicité éternelle »), devenant ainsi le troisième empereur de la dynastie Ming.
En 1404, après la bataille de Zhenglunba près de Pékin, Mǎ Sānbǎo change son nom en Zheng He, titre honorifique qui lui vaudra bientôt d'être choisi pour commander la plus imposante marine du monde[6].
En ce qui concerne son rapport au monde, le troisième empereur Ming, reste unique dans les annales de la Chine : Yongle désire en effet étendre les limites de son empire aussi bien vers le Nord (transfert de la capitale de Nankin à Pékin en 1409) que vers le sud (occupation du royaume du Đại Việt en 1407). Mais, surtout, il entreprend une campagne d'exploration à une échelle qui n'a jamais été aussi vaste dans l'histoire chinoise.
Il fait de Zheng He l'amiral de la flotte impériale, sans que celui-ci ne soit jamais allé en mer. Il lance la construction de centaines de navires à Nankin, alors capitale impériale, sur le Yangzi Jiang (ce qui réduira de moitié la couverture forestière du sud de la Chine) et ordonne de grandes expéditions exploratrices dans tout l'océan Indien.
En tant qu'amiral, Zheng He effectue sept voyages de 1405 à 1433.
Le successeur de Yongle, Hongxi, éphémère quatrième empereur Ming (1424-1425), interrompt ces expéditions pour des raisons budgétaires, et nomme Zheng He Défenseur de Nankin. À ce titre, celui-ci dirige les travaux d'édification de la Pagode de porcelaine, considérée comme l'une des « merveilles du monde » à l'âge classique.
Après la mort de l'empereur Hongxi en 1425, son successeur, Xuande (1425-1435), reprend les idées de Yongle et commande une septième expédition, la plus importante de toutes et celle qui ira le plus loin.
La flotte compte environ 69 vaisseaux et 30 000 hommes à son apogée.
Après la découverte d'un gouvernail énorme lors de fouilles dans le sud-est de la Chine et en se fondant sur un récit datant de près de 100 ans après l'époque de Zheng He, certains spécialistes affirment que ces vaisseaux pouvaient atteindre 138 mètres de long et 55 mètres de large et comptaient neuf mâts[7].
Un parchemin bouddhiste datant de l'époque de Zheng He et représentant des vaisseaux à quatre mâts semble infirmer cette thèse : ceux-ci n'auraient alors mesuré qu'une soixantaine de mètres de long.
Ces dimensions sont comparables à celles des grandes « caraques » des marines européennes, à la même époque (les navires d'exploration sont nécessairement plus petits et plus maniables, comme la caraque Santa Maria de Christophe Colomb, construite environ 70 ans plus tard, qui mesurait trente mètres de long et huit mètres de large).
Les expéditions chinoises authentifiées
La préparation des expéditions est méticuleuse, avec par exemple la fondation d'un institut des langues étrangères à Nankin[8].
Les échanges commerciaux sont nombreux. D'un de ces voyages, il ramène une girafe de Malindi, un bourg swahili (actuel Kenya), qui est considérée en Chine comme un exemplaire du qilin, un animal légendaire. De l'or, de l'argent, de la porcelaine et de la soie sont échangés contre de l'ivoire et des animaux exotiques, tels le zèbre, le dromadaire ou l'autruche.
Zheng He explore, durant toutes ces années de voyage :
À la différence des Portugais, les voyages d'exploration entrepris par les Chinois ne débouchèrent pas sur une entreprise d'expansion outre-mer.
Avant ces explorations, la seule autre expédition chinoise lointaine documentée est celle du moine Xuanzang pour rapporter d'Inde des textes bouddhiques, expédition romancée par la suite dans l'ouvrage célèbre La Pérégrination vers l'Ouest, bien que certains témoignages fassent état de voyages jusqu'à la péninsule Arabique dès la dynastie Han, au début du premier millénaire. Des cartes marines chinoises circulent dans le golfe Persique parmi les marins arabes, suivis de Vénitiens.
La plupart des récits sont retracés par Ma Huan (馬歡), fidèle compagnon de route de l'amiral Zheng He. Durant leurs voyages, Ma Huan note minutieusement des éléments concernant la géographie, les lois, la politique, les conditions climatiques, l'environnement, l'économie, les coutumes locales. La compilation a été traduite en français les: Merveilles des océans (瀛涯勝覽).
Les récits sont initialement destinés à l'empereur, relatant notamment trois des sept expéditions dans les « océans occidentaux » :
La première compilation date de 1416 environ. Après son premier retour, la version finale est imprimée en 1451. La traduction anglaise est réalisée par John V.G. Mills pour Hakluyt Society en 1970.
D'invention chinoise, l'impression des cartes marines, le gouvernail d'étambot et la boussole ont permis la navigation hauturière qui n'intéressait pas la Chine impériale, mais qui a permis à l'Occident de faire ses découvertes.
En 2002, une thèse, d'un militaire britanniqueGavin Menzies soutint qu'une partie de la flotte aurait contourné le sud du continent africain pour remonter l'Atlantique jusqu'aux Antilles ; une autre partie aurait franchi le détroit de Magellan pour explorer la côte ouest de l'Amérique et, finalement, une troisième partie aurait navigué dans les eaux froides de l'Antarctique. Les côtes de l'Australie auraient même été atteintes lors de ces voyages d'exploration[12]. Ils seraient donc, selon Menzies, les premiers à avoir fait le tour du monde[13].
Cette hypothèse a reçu de sévères critiques des chercheurs en histoire spécialistes de ces régions et de cette période[14],[15],[16].
Culte de Zheng He
Sur la côte nord de l'île de Java en Indonésie, Zheng He est l'objet d'un culte. Des temples (klenteng) lui sont dédiés, dont le plus connu et le plus visité est le Sam Poo Kong à Semarang[17].
Le , la Chine a célébré le 600e anniversaire des voyages maritimes de l'amiral Zheng He. À cette occasion, de nombreux articles, publiés par Renmin Ribao (Le Quotidien du Peuple), ont souligné le caractère essentiellement pacifique de la Chine d'hier comme d'aujourd'hui[18]. Ce parallèle est repris dans des articles récents[19].
En outre, une mosquée portant son nom, la Mesjid Cheng Hoo, a été construite à Surabaya par une association de Chinois d'Indonésie musulmans et inaugurée en 2007.
Notes et références
↑Dominique Lelièvre, Voyageurs chinois à la découverte du monde : De l'Antiquité au XIXe siècle, Genève, Olizane, , 472 p. (ISBN2-88086-311-2, lire en ligne), p. 262
↑Cf. Kenneth Robinson, « Choson Korea in the Ryukoku Kangnido : Dating the Oldest Extant Korean Map of the World (15th Century) », dans Imago mundi, 59-2, 2007, p.177-192.
↑Joelle Kuntz, « Les Chinois à l'abordage », Le Temps, (lire en ligne)
↑"L'hypothèse américaine", 2000 ans de mondialisation, Les collections de L'Histoire, janvier-mars 2008
↑(en) Greg Melleuish, Konstantin Sheiko et Stephen Brow, Pseudo History⁄Weird History: Nationalism and the Internet, University of Wollongong, (lire en ligne)
↑Wu Jianmin, président de l'Institut de Diplomatie et ex-ambassadeur de Chine en France : « Il y a 600 ans, à l'époque de Zheng He, la Chine était la première puissance du monde sur le plan militaire, scientifique, culturel et enfin économique. Pourtant, les Chinois n'ont pas profité de leur supériorité militaire pour conquérir d'autres pays, pour les réduire à l'état de colonie. Cela montre que la bonne entente fait partie de la culture chinoise et que la montée de la Chine a un caractère essentiellement pacifique. »
Les périples de Zheng He contre la version sur la menace de la Chine, Renmin Ribao, 13/07/2005
↑Les voyages de Zheng He, véritablement amicaux et commerciaux, ont été en fort contraste avec les aventures de ses homologues européens partis coloniser des territoires quelque cinquante ans plus tard.
Pourquoi la Chine a besoin de porte-avions, Renmin Ribao, 15/07/2011
René Rossi, Ma Huan, Ying-yai Sheng-lan Étude Globale des Rivages des Océans, juin 2018 Éditions Au Pays Rêvé : traduction intégrative ternaire commentée des voyages.
Edward L. Dreyer, Zheng He : China and the oceans in the early Ming dynasty, 1405-1433, Pearson Longman, 2007 (ISBN0-321-08443-8)
Jacques Gernet, Le monde chinois, Armand Colin, 1972 réédition 1980 à 1999 et Agora Pocket, 2006, tome 2. L'époque moderne Xe siècle - XIXe siècle p. 137-145 (ISBN2-266-16133-4)
Maurice Gipouloux, La Méditerranée asiatique - XVIe – XXIe siècles, CNRS, 2009
Gianni Guadalupi, Zheng He, sur les traces du premier navigateur chinois,
Dominique Lelièvre, Le dragon de lumière : les grandes expéditions des Ming au début du XVe siècle, France-Empire, 1996 (ISBN2-7048-0787-6)
Dominique Lelièvre, Voyageurs chinois à la découverte du monde de l'Antiquité au XIXe siècle, Olizane, 2004
Louise Levathes, Les navigateurs de l'Empire Céleste : la flotte impériale du Dragon, 1405-1433, Filipacchi, 1994 (ISBN2-85018-302-4)
Gavin Menzies, 1421, l'année où la Chine a découvert l'Amérique, Intervalles, 2007 (traduit de 1421, the year China discovered the world, Bantam Books, 2002)
Michael Yamashita, Zheng He : sur les traces du premier navigateur chinois des océans, White Star, 2006 (ISBN978-88-6112-000-6)