Son nom est attaché en France à la découverte, en 1974 en Éthiopie, du fossile d'Australopithèque surnommé Lucy, en tant que codirecteur de l'équipe qui l'a mis au jour, avec l'Américain Donald Johanson et le Français Maurice Taieb.
Son père, le physicien René Coppens (1910-1996), chevalier de la Légion d'honneur, a travaillé sur la radioactivité des roches[4] et a rédigé de nombreuses notes scientifiques pour l’Académie des sciences[5]. Il était professeur à la faculté des sciences et à l'École nationale supérieure de géologie de Nancy ; il est inhumé à Vandœuvre-lès-Nancy. Sa mère était pianiste concertiste[6].
Yves Coppens s'est marié en premières noces à Françoise Le Guennec, ethnologue africaniste[7], chercheuse au CNRS[8], qui l'a accompagné lors de nombreuses campagnes de fouilles, notamment celle ayant conduit à la découverte de Lucy[9].
Ce contact avec des géologues lui permet de partir dès en Afrique, et par la suite de monter des expéditions au Tchad, en Éthiopie, puis en Algérie, en Tunisie, en Mauritanie, en Indonésie et aux Philippines[12]. C'est particulièrement ses expéditions au nord du lac Tchad et dans le désert du Djourab (14 mois sur place entre 1960 et 1966) qui lui permettent d'être reconnu par ses pairs, par ses découvertes et études de nombreux fossiles dans ce site particulièrement riche[13].
En 2002, il est nommé à la présidence d'une commission particulière (dite « commission Coppens ») dont les travaux ont servi de base à l'élaboration de la Charte de l'environnement, texte préparé par le secrétariat général du gouvernement et par le cabinet du président de la République et qui a été soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat en 2004 et intégré en 2005, par la loi constitutionnelle du 1er mars[15], dans le bloc de constitutionnalité du droit français, reconnaissant les droits et les devoirs fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement.
Yves Coppens est présent dans de nombreuses instances nationales et internationales gérant les disciplines de sa compétence. Il a dirigé en outre un laboratoire associé au CNRS, le Centre de recherches anthropologiques - Musée de l'Homme, et deux collections d'ouvrages du CNRS, « Cahiers de paléoanthropologie » et « Travaux de paléoanthropologie est-africaine ».
En 1961, Yves Coppens récupère un crâne fossile d'hominidé trouvé près de Yaho (falaise d'Angamma), dans le nord du Tchad, qu'il nomme en 1965 Tchadanthropus uxoris, en hommage au Tchad et à son épouse, qui l'a reçu du découvreur autochtone en cadeau[26]. D'un âge controversé, ce fossile ne suscite toujours pas de consensus scientifique après plus d'un demi-siècle.
En 1967, il part en expédition avec Camille Arambourg dans la vallée de l'Omo, au sud de l'Éthiopie. Ils découvrent à Shungura, à l'ouest de l'Omo, le premier spécimen fossile de l'espèce Paranthropus aethiopicus, une mandibule édentée datée de 2,6 millions d'années, qui devient l'holotype de son espèce[27]. D'autres fossiles de la même espèce sont ensuite découverts dans la même région.
Le à Hadar, dans la basse vallée de l'Awash, un fossile complet à 40 % d'Australopithecus afarensis est découvert dans le cadre de l'International Afar Research Expedition, un projet regroupant une trentaine de chercheurs éthiopiens, américains, et français, codirigé par Donald Johanson (paléoanthropologie), Maurice Taieb (géologie), et Yves Coppens (paléontologie)[28],[29]. Ce dernier n'est pas présent sur le terrain lors de la découverte[29], ne participe pas à la fouille[30],[31] et sa participation à l'ensemble de l'expédition est plutôt faible[32]. Il est associé à la deuxième publication scientifique sur le sujet, eu égard à ses fonctions de co-directeur[32],[33],[34].
À partir de 1983, Yves Coppens popularise sous le nom d’East Side Story[36],[37] un modèle proposé initialement par l’éthologue néerlandais A. Kortlandt[38]. Il s'agit d'une théorie environnementale visant à expliquer l'acquisition de la bipédie, qui sépare les Hominines et les Panines.
À la suite de la découverte de Toumaï en 2001, après celle d'Abel en 1995, par l'équipe franco-tchadienne de Michel Brunet, Coppens remet lui-même en cause cette théorie en 2003. Il maintient cependant ce scénario pour comprendre l'émergence de la bipédie permanente propre au genre Homo, distincte des autres hominines (australopithèques et paranthropes), et popularisée par le jeu de mots « Omo event » (vallée de l'Omo dans le rift éthiopien). Il illustre sa position notamment en 2009, lors du colloque de l'Académie des sciences en hommage à Charles Darwin, auteur de la théorie de l'évolution des espèces par adaptation anatomique graduelle à des changements de l'environnement (en l'espèce le développement de la savane en Afrique de l'Est entre 1,8 et 2,5 millions d'années).
Origine de l'homme moderne
Pour la plupart des chercheurs, Homo sapiens est apparu en Afrique il y a désormais environ 300 000 ans, et s'est répandu il y a environ 60 000 ans vers les autres continents. Cette théorie est connue du grand public sous le nom anglais d'Out of Africa, et sur le plan scientifique sous le nom d'« hypothèse d'une origine unique récente », « hypothèse du remplacement », ou modèle de l'« origine africaine récente ». Yves Coppens, parmi d'autres chercheurs, ne croyait pas à la seule origine africaine d'Homo sapiens et défendait depuis les années 1980 la théorie multirégionale ou « théorie de continuité avec hybridation ». Selon cette théorie, qu'il aimait nommer « Out of nowhere », le passage des espèces archaïques d'Homo à Homo sapiens se serait fait parallèlement dans toutes les régions de l'ancien monde, sauf dans un certain nombre de régions particulièrement isolées, notamment en Europe où Homo heidelbergensis n'a pas évolué en Homo sapiens mais aurait donné naissance à l'Homme de Néandertal. Par la suite, selon lui, il y aurait sans doute eu un « grand métissage » entre les Homo sapiens venus d'Afrique et les autres espèces d'Homo se trouvant sur place[39],[40].
En 2014, Yves Coppens a admis que, s'il avait mis en doute un certain temps la sortie d'Afrique d'Homo sapiens, parce qu'il le voyait naître ailleurs, il « pense aujourd'hui qu'il y a de bons arguments pour la situer en effet bel et bien autour de 100 000 ans. » Ensuite, Homo sapiens va s'installer en Europe, en Asie, et en Australie vers 50 000 ans, en s'hybridant selon lui avec les populations humaines antérieures, puis en Amérique et dans les petites iles d'Océanie qui étaient encore vierges de toute population humaine[41].
Critique du néo-darwinisme
Tout en restant fidèle au principe de la sélection naturelle, Yves Coppens fait partie des chercheurs qui soulignent les lacunes du néo-darwinisme dans l'explication de l'évolution des espèces. Il remet notamment en cause l'importance conférée au hasard dans la théorie néo-darwinienne :
« Au risque de faire hurler les biologistes, et sans revenir aux thèses de Lamarck, je crois qu'il faudrait s'interroger sur la façon dont les gènes pourraient enregistrer certaines transformations de l'environnement. En tout cas, le hasard fait trop bien les choses pour être crédible…[42] »
Il a en outre apporté sa collaboration scientifique à Pierre Pelot pour l'écriture de plusieurs romans préhistoriques : la série Sous le vent du monde, Gallimard ; Le Nom perdu du soleil, Denoël, 1998 ; et Le Rêve de Lucy, Seuil, 1997.
Émissions de télévision et de radio
1975 : Le premier homme et son environnement : Les fouilles de l'Omo[52],[53], documentaire de Jean-Pierre Beaux, 42 min, direction scientifique : Yves Coppens, production : CNRS Audiovisuel, Office français des techniques modernes d'éducation et Service du film de recherche scientifique - Centre de ressources et d'informations sur les multimédias pour l'enseignement supérieur.
1982 : Yves, Lucy et les autres, ou les origines de l'Homme[54],[55], documentaire de Jean Lallier, 45 min, diffusé sur Antenne 2 le 25 mars 1982[56].
1983 : À la recherche du temps présent : Le premier homme et son environnement[57],[58], directeurs de production : Pierre Sabbagh et Robert Clarke, avec Yves Coppens, 55 min, diffusé sur FR3 le 2 octobre 1983.
2004 : Sous son contrôle scientifique, Jacques Malaterre réalise pour France 3 un 2e épisode, Homo sapiens.
2007 : Il est caution scientifique avec Jean Guilaine pour le 3e et dernier épisode du documentaire-fiction de Jacques Malaterre, intitulé Le Sacre de l'homme et traitant de la période néolithique.
Une douzaine d’établissements scolaires portent son nom, dont le collège de Lannion (Côtes-d'Armor), situé rue Yves-Coppens, l’école primaire publique de Grand-Champ ou le collège de Malestroit (Morbihan).
↑Généalogie et mariage, « Les ancêtres d’Yves Coppens sont originaires de Ploërmel », Histoire et généalogie de Campénéac et des environs.
↑Nathaniel Herzberg, « Yves Coppens : « Quand vous fouillez, le passé vous arrive en ligne directe, c’est inoubliable » », Le Monde, 09 janvier 2022 (mis à jour le 01 mars 2022) (lire en ligne)
↑Nathaniel Herzberg et Hervé Morin, « La mort d’Yves Coppens, codécouvreur de Lucy et infatigable ambassadeur de la paléontologie », Le Monde, no 24094, , p. 29 (lire en ligne)
↑Yves Coppens, « L'Hominien du Tchad », Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, t. 260, , p. 2869–2871 (lire en ligne).
↑« L'histoire de l'humanité racontée par les fossiles », Pourlascience.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Donald C. Internet Archive et Maitland A. (Maitland Armstrong) Edey, Lucy, the beginnings of humankind, New York : Simon and Schuster, (ISBN978-0-671-25036-2, lire en ligne), p. 127-128 ; 133-134 :
« p127-128 : [...] after Arambourg's death Coppens invited Howell's group to move down to the French concession [at Omo] and work a small section at its northern end. [...]
p133-134 : [...] I made an agreement with Taieb and Coppens to organize a formal expedition. This would be a truly cooperative international affair and would avoid the separatist difficulties of Omo. Funds would be raised and personnel recruited individually, but the work in the deposits would be jointly conducted. Taieb would be chief geologist, Coppens chief paleontologist, and I would be chief paleoanthropologist. We drew up a formal agreement specifying our various responsibilities, and the International Afar Research Expedition came into being. [...] »
↑ a et bHervé Morin, « Raymonde Bonnefille, géologue : « La découverte de Lucy est une œuvre collective » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ) :
« Yves Coppens n’était pas sur le terrain à ce moment précis, mais, en tant que cofondateur de l’IARE, il a partagé, comme convenu, la paternité de la découverte avec son jeune collègue américain. »
↑ ab et cHervé Morin, « Donald Johanson, découvreur de Lucy : « Comprendre l’évolution est important, car elle nous lie au monde naturel » », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
↑Donald C. Internet Archive et Maitland A. (Maitland Armstrong) Edey, Lucy, the beginnings of humankind, New York : Simon and Schuster, (ISBN978-0-671-25036-2, lire en ligne), p. 162 :
« [...] Mary and Richard Leakey confirmed my diagnosis of the knee joint: hominid. That was a vast relief to me. I took it to Paris, where Taieb and Coppens made their own formal press release "to the world," thereby gaining their share of the credit—important to them for future fund-raising and continued government support. [...] »
↑« Découverte de Lucy : une rivalité franco-américaine tenace », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ) :
« [...] Lucy exhumée, les accords de l'IARE pour ce qui est des préséances de publications et de l'accès aux fossiles seront respectés [...]. Mais le travail d'interprétation de l'espèce sera chasse gardée américaine. [...] »
↑D. Johanson et M. Edey, Lucy : une jeune femme de 3 500 000 ans, traduit de l'américain (Lucy, the beginnings of humankind), Paris, R. Laffont, 1981 (ISBN2-221-01200-3).
↑Coppens, Y. (1983) - Le Singe, l'Afrique et l'Homme, Paris, Fayard, 148 p.
↑Coppens, Y. (1994) - « East Side Story, the origin of Humankind », Scientific American, vol. 270, n° 5, pp. 88-95.
↑(en) Kortlandt, A. (1972) - New perspectives on ape and human evolution, Amsterdam, Stichting voor Psychobiologie.
« Quant à la troisième sortie [d'Afrique], celle d'Homo sapiens, si je l'ai mise en doute un certain temps parce que je voyais Sapiens naître ailleurs, je pense aujourd'hui qu'il y a de bons arguments pour la situer bel et bien autour de 100 000 ans. À ce moment-là, Homo sapiens ou plutôt sapiens sapiens, l'homme moderne, s'installe un peu partout, en Europe vers 50 000 ans, ensuite en Asie — il va probablement s'hybrider avec les populations antérieures — et puis enfin, en Amérique et en Océanie. Ceux que l'on appelle vieux Sapiens en Extrême-Orient pourraient ainsi bien être de jeunes Erectus ! »
Chronique sur FranceInfo du 23 mars 2014, reprise inDes pastilles de préhistoire : Le présent du passé, t. 4, Éditions Odile Jacob, , p. 155.
↑Jean-Pierre Baux, le premier homme et son environnement (41 min 24 s), OFRATEME (prod.) SFRS (prod., distrib.) CNRS audiovisuel (prod.), (lire en ligne).
↑Jean-Pierre Beaux, « Filmographie » (consulté le ).