Vichéra (antiroman)
Vichéra (en russe : Вишера), auquel son auteur Varlam Chalamov ajoute le sous-titre d'antiroman, est un essai lié à ses séjours, en 1929 et en 1937, dans les camps de concentration de Vichlag et de la Kolyma. Lors de chacune des arrestations à Moscou, qui précède sa condamnation aux camps, Varlam Chalamov passe par la prison de la Boutyrka, où se déroule l'instruction. Il décrit cette prison et rapporte les réflexions sur ses séjours. Le premier passage en 1929 sera suivi rapidement d'un envoi au camp de Vichlag, situé dans le bassin de la rivière Vichera. Huit années plus tard, en 1937, son passage par la Boutyrka sera suivi d'un départ pour le camp de travail pénitentiaire de la Kolyma. Le premier et le dernier chapitre de l'ouvrage Vichéra portent le même titre, la date exceptée : « La prison des Boutyrki 1929 » et « La prison des Boutyrki 1937 » [1] La prison des Boutyrki 1929Le , Chalamov est arrêté pour activité trotskyste contre-révolutionnaire et conduit à la Boutyrka. Il a 21 ans. Il y est envoyé dans le quartier d'isolement pour hommes et y reste un mois et demi. Il a l'occasion d'y réfléchir : « J'ai eu l'occasion de comprendre pour toujours et de sentir de toute ma peau, de toute mon âme, que la solitude est l'état optimal de l'homme...Le solitaire est aidé par Dieu, par une idée, par une foi...Avais-je assez de force morale pour poursuivre ma route en solitaire... je suis reconnaissant à cette prison de m'avoir laissé mener seul dans une cellule la quête de la formule dont j'avais besoin pour vivre » [2]. Le , il arrive avec un convoi à pied dans le camp de concentration situé dans la Vichera, quatrième secteur de la Direction des Camps à destination spéciale des Solovki (acronyme SLON) [3]. Bien que son affaire ait été instruite selon l'article 58 du code pénal de la RSFSR, alinéas 10 et 11 qui concernent la propagande et l'organisation contre-révolutionnaire, sa condamnation l'assimile à un voleur de droit commun, un élément socialement dangereux. Chalamov conclut que Staline n'a pas eu de volupté plus grande dans la vie que de condamner un homme pour un délit politique selon un article du droit commun[3]. « Entre-temps, j'avais pris la ferme décision, pour toute ma vie, d'agir uniquement selon ma conscience. Sans l'avis de personne. Je vivrais ma vie moi-même, bien ou mal mais je n'écouterais personne, ni les petits ni les grands. Mes erreurs seraient mes erreurs à moi, et mes victoires aussi. J'ai pris en haine les hypocrites. J'ai compris que seul celui qui sait accomplir de ses propres mains tout ce qu'il oblige les autres à faire possède le droit de donner des ordres.... Le plus grand des vices est la lâcheté. Je m'efforçais de n'avoir peur de rien, et j'ai prouvé à plusieurs reprises que j'y étais parvenu. »[4]. Edouard BerzineL'auteur rencontre au camp de la Vichera nombre de personnes avec lequel il partage une période de sa détention : détenus, dirigeants de la prison, ingénieurs. Chacune fait l'objet d'un chapitre qui forme le substrat de l'antiroman. Une quinzaine de chapitres sont ainsi encadrés par les premiers et derniers chapitres consacrés à la Boutyrka. Varlam, Chalamov a vu notamment arriver à la Vichera le nouveau directeur du chantier de construction de l'usine chimique Edouard Berzine en provenance de la Tcheka. Le nombre de détenus qui était de deux mille à son arrivée passe à soixante mille en 1930[5]. Les prisonniers étaient bien nourris à cette époque et personne n'utilisait les rations alimentaires pour faire pression et obliger à remplir le plan. Les prisonniers avaient droit à huit cents grammes de pain et à un repas chaud[6],[7]. Départ pour la Kolyma en passant par la Boutyrka en 1937En Chalamov est libéré et regagne Moscou où il écrit et publie ses premiers textes de poésie et de récits avec succès. Mais le , il est à nouveau arrêté pour « activité contre-révolutionnaire trotskyste. » Après les passages obligés par le NKVD, la Loubianka, il arrive à la prison de Boutyrka. Il subit là son instruction judiciaire et n'arrive à Magadan, le port d'accès à la Kolyma, qu'en . « Rien n'avait changé à la gare des Boutyrki »[8] :
Fin de l'instruction et condamnationPour le détenu de la Boutyrka, l'essentiel est que l'instruction se termine le plus vite possible, que le destin soit fixé. Chalamov avait beau expliquer à ses compagnons que le camp serait mille fois pire que la prison, celui qui n'avait pas son expérience ne le croyait pas. Dans sa mémoire : « ces mois d'instruction sont restés comme une période heureuse de mon existence. »[16]. Au prononcé de leur peine ses compagnons étaient tous joyeux, surexcités. Personne n'avait l'air mécontent alors qu'on leur annonçait « Peine à purger à la Kolyma » [17]. Comment expliquer cette attitude ? Chalamov explique :
Bibliographie
RéférencesVoir aussi |