Vedettes de CherbourgL'affaire des Vedettes de Cherbourg est une opération militaire israélienne qui s'est déroulée entre le 24 et le , impliquant la récupération de cinq navires de classe Sa'ar III depuis le port français de Cherbourg (Cherbourg-Octeville depuis 2000, Cherbourg-en-Cotentin depuis 2016). Les vedettes avaient été payées par le gouvernement israélien, mais retenues à cause de l'embargo sur l'armement décrété par Charles de Gaulle en 1967 et toujours en vigueur. L'opération est organisée par la marine israélienne, et a pour nom de code Opération Noa, d'après le nom de la fille du capitaine Benjamin Telem (en)[1]. FaitsEn 1965, la France passe un contrat (composé de deux contrats signés les et ) avec l'État d'Israël pour la vente de douze vedettes ou plutôt canonnières lance-missiles destinées à la marine israélienne (les patrouilleurs de classe Sa'ar III capables de tenir tête aux canonnières livrées par les Soviétiques à la marine égyptienne de Nasser)[2]. Le contrat ne porte cependant que sur la livraison des navires dépourvus de leur système d'armes, celui-ci étant installé par Israël. C'est un chantier naval de Cherbourg, les Constructions mécaniques de Normandie (CMN) fondées par Félix Amiot qui est chargé de l'exécution de la commande. Mais le , quelques jours avant le déclenchement de la guerre des Six Jours, le général de Gaulle, considérant l'imminence du conflit, décrète un embargo sur la vente d'armes à destination d'Israël. Cependant cet embargo sélectif ne touche que les armes offensives et épargne les vedettes pour l'instant avant une extension de cet embargo décidée après le raid israélien sur l’aéroport de Beyrouth en [3]. La première vedette est lancée le [4]. Cinq de ces vedettes sont livrées avant l'embargo ; deux, en essais au moment de l'embargo, profitent de ces essais pour rallier Israël ; le vice-amiral Bouillaut, préfet de la 1re région maritime, fait amarrer les cinq autres dans le port de commerce, dans une darse civile appartenant aux CMN, en face des bureaux de Félix Amiot. [pourquoi ?] [réf. souhaitée] Hors du port militaire, leur évasion devient alors possible[5]. Une ruse est alors mise au point : une société d'apparence « norvégienne » (son représentant est Martin Siem (en)), la Starboat and Oil Drilling Company, créée à Panama pour la circonstance le [6], demande à la France et à Israël de récupérer les vedettes car ces navires, sans armement, l'intéressent, prétendument pour faire de la recherche pétrolière en mer du Nord. L'État hébreu accepte d'autant plus facilement qu'il est à l'origine de la manœuvre par le biais de ses services secrets : l’enlèvement des navires destinés à l'État israélien est une opération appelée « arche de Noé »[7]. Il fournit même les équipages. Dans la nuit du 24 au , vers 2 h du matin, les vedettes appareillent malgré le mauvais temps, avec à leur bord cent cinquante marins et officiers israéliens (ils participaient à la mise au point de ces vedettes avec les CMN) supervisés par l'amiral Mordechai Limon, chef de la mission d'achat israélienne en France. Après avoir été ravitaillées deux fois en mer, elles arrivent triomphalement à Haïfa[8], où elles sont accueillies par le ministre de la Défense Moshe Dayan le jour de l'An[3]. Hypothèses sur l'attitude de la FranceSelon l'historien Pierre Razoux, le gouvernement français est informé des intentions israéliennes par l'intermédiaire de ses services de renseignements, mais laisse faire (un tiers du paiement étant déjà fait, les deux tiers restants étant soldés à la livraison, soit cinq milliards de francs, ce qui aurait laissé la trésorerie des chantiers Amiot exsangue en cas de non-livraison), saisissant ce prétexte pour officialiser des contrats d'armement avec des pays arabes dont l'Égypte, l'Arabie Saoudite et la Libye[9]. Mordechai Limon, architecte de l'opération[10], affirme pour sa part que Michel Debré, ayant appris l'affaire avec dix jours de retard, a cherché à arrêter les vedettes à tout prix[11], et a voulu donner l'ordre de les couler, ne reculant que devant le refus et la menace de démission du chef d'état-major des armées[12]. MédiatisationL'affaire est révélée, le , par une dépêche de l'Agence centrale de presse (ACP), à l'initiative du journaliste de Cherbourg Guy Mabire de La Presse de la Manche dont le directeur, ami personnel de Félix Amiot, lui a interdit les jours précédents de révéler les tenants de l'affaire[13]. L'information connaît un retentissement mondial. Le ministre français de la Défense, Michel Debré, pressé de trouver des responsables, sanctionne le vice-amiral Bouillaut (préfet maritime de Cherbourg), le général Cazelles (secrétaire général de la défense nationale) et l'ingénieur général Louis Bonte (directeur des affaires internationales à la délégation militaire pour l'armement), président et rapporteur de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG), chargée de garantir la régularité de ces exportations. Cela n'empêche pas la France d'être la risée des chancelleries[14]. ConséquencesÀ la suite de cette affaire, les fournisseurs d'armes français se tournent vers les marchés arabes, tandis que les Israéliens se tournent vers les États-Unis pour importer leurs armes (auparavant la France fournissait 90 % des avions de chasse israéliens) et développent leur industrie de l'armement. Les chantiers Amiot, grâce à cette médiatisation, reçoivent les années suivantes des commandes de ce type de patrouilleurs par la Grèce, la Malaisie, la RFA, l'Iran ou la Libye[13]. Notes et références
Sources et bibliographieOuvrages
Articles
Vidéos
Radio
|