Un tout petit monde
Un tout petit monde (titre original : Small World) est un roman de l'écrivain britannique David Lodge, publié en 1984. RésuméVue d'ensembleUn tout petit monde fait partie des romans universitaires de David Lodge ; précisément, c’est le second élément d’une trilogie avec Changement de décor (1) et Jeu de société (3). C’est un roman relativement complexe avec de nombreux personnages dont certains ont un lien avec le cycle des chevaliers de la Table ronde[1]. C’est en effet un récit fondé sur une double quête :
Le lien avec le Graal est explicitement établi, par exemple, lorsque le héros dit, « peu distinctement » : « (I am) Looking for a girl. » et son interlocuteur répond : « Looking for the Grail[2]? » Le cadreL'action se déroule en 1979, entre le mois d'avril et le , dans les milieux universitaire et littéraire d'Europe, d'Amérique et d'Asie. Le roman commence à l’université de « Rummidge », ville fictive des Midlands, déjà présente dans Changement de décor, mais se poursuit en des lieux très divers du monde :
Plusieurs épisodes ont lieu dans des avions en vol, ainsi qu'à l'aéroport de Heathrow à Londres. Nombre des lieux indiqués ci-dessus sont surtout présents comme cadre de divers colloques universitaires. Les personnagesLa quête de la femme aimée
Les personnages de Changement de décorUn tout petit monde permet de connaître le destin de certains personnages de Changement de décor, qui s'achève par une réunion à New-York des ménages Zapp et Swallow pour décider de leur futur. On apprend donc seulement maintenant que :
Les nouveaux venus
Les personnages secondaires
Résumé détaillé
Au cours d'un colloque tenu un week-end d' à l'université de Rummidge, Persse McGarrigle sympathise avec Morris Zapp et tombe amoureux d'Angelica, qui disparaît sans laisser de traces à la fin.
Le soir du dernier jour, Philipp Swallow raconte à Morris Zapp une aventure étrange qu'il a eue quelques années avant à Gênes avec une Anglaise, Joy Simpson, décédée par la suite dans un accident d'avion.
Pendant que Morris Zapp se lève, quitte le domicile des Swallow et gagne l'aéroport de Rummidge, le narrateur évoque ce que font au moment considéré, divers personnages dans le monde entier.
À Heathrow, Morris Zapp sympathise avec Cheryl Summerby, lui confiant son bonnet d'hiver à expédier à Persse ; dans le vol pour Milan, elle le place à côté de Fulvia Morgana. Persse arrive à Heathrow pour prendre un avion pour Shannon, cherche la chapelle, sympathise avec Cheryl (qui lui remet directement le bonnet), va à la chapelle, y rencontre sa cousine Bernadette, revient prendre son avion.
Morris Zapp s'installe dans une résidence d'écrivain à Bellagio. Persse apprend qu'il a remporté un prix de poésie de 1000 £. Rudyard Parkinson rencontre Jacques Textel et décide de faire du livre de Philipp Swallow une arme dans le combat pour l'obtention de la chaire UNESCO. Trois semaines après, Persse est à Londres pour recevoir son prix, qui est remis sur un bateau. Au cours de la cérémonie, il fait la connaissance de Ronald Frobisher ; celui-ci a une altercation avec Rudyard Parkinson. Ronald et Persse sont expulsés du bateau ; Ronald lui explique qu'il a perdu sa capacité créatrice depuis qu'il a vu son œuvre analysée informatiquement, révélant toutes les caractéristiques de son style : notamment que son mot fétiche est grease. Ils vont ensuite à la BBC pour une interview de Frobisher par la radio australienne, puis dans le quartier de Soho, où Persse tombe sur une photo d'Angelica en strip-teaseuse (sous le nom de « Lily Papps »). Mais elle ne fait plus partie du spectacle. Philipp Swallow arrive à Ankara pour des conférences à l'occasion du bicentenaire d'Hazlitt.
Persse part à Amsterdam, mais ne parvient pas à joindre le père d'Angelica, qui est maintenant responsable de TAA à Los Angeles ; il rencontre Morris Zapp, présent à un colloque sur la sémiologie. L'accompagnant pour la conférence de Siegfried von Turpitz, il constate que celui-ci a plagié un de ses écrits inédits. Par la suite, il retrouve la trace de « Lily Papps », qui apparaît de nouveau sur une photo, mais cette fois comme hardeuse de live show. Il rentre en Irlande et loue un cottage isolé dans le Connemara, afin d'écrire. À la fin d'un séjour un peu pénible à Ankara, Philipp Swallow retrouve Joy Simpson, dont le décès avait été annoncé par erreur. Ils rentrent ensemble à Istanbul, où elle vit maintenant, et il découvre qu'elle a eu un enfant de lui, Miranda. Il a l'intention de divorcer, mais à son retour à Rummidge, n'ose pas le dire à Hilary.
Été : c'est la grande saison des colloques : Heidelberg, Zürich, Vienne, etc. De nombreuses rencontres personnelles ont lieu.
Persse s'occupe d'un cours d'été sur Yeats ; au cours d'une excursion vers l'île d'Innisfree sur le lough Gill[notes 1], la menace d'un naufrage amène un des participants à avouer qu'il fut le séducteur de Bernadette McGarrigle ; il accepte de lui verser une rente. Persse part pour Londres, mais ne réussit pas à joindre sa cousine ; en revanche, il retrouve la trace d'Angelica, semble-t-il innocente. Cheryl Summerbee lui dit qu'elle est partie à Lausanne. Là, il tombe à la fin d'un colloque sur T. S. Eliot, mais Angelica vient juste de partir ; il manque la rattraper à l'aéroport de Genève, mais est empêché de la rejoindre dans son avion faute d'un visa pour les États-Unis. À Bellagio, Morris Zapp est enlevé par un groupe d'extrême-gauche alors qu'il fait un jogging.
(fin juillet) Les ravisseurs de Morris Zapp essaient d'extorquer une grosse somme à Désirée, mais celle-ci négocie la rançon à la baisse. En fait Morris est libéré lorsque les époux Morgana rentrent de leurs divers colloques et apprennent cette opération, effectuée par certains de leurs amis politiques. (mi-août)
(fin décembre) Le congrès de l'Association américaine des langues modernes est réuni au Hilton de New-York. Persse assiste au forum « Fonction de la critique » avec, sous la présidence d'Arthur Kingfisher, Swallow, Zapp, Tardieu, von Turpitz et Fulvia Morgana. Puis il retrouve Angelica ; ils deviennent amants, mais ensuite, elle lui dit qu'en fait, elle est Lily et qu'Angelica doit se marier bientôt. Durant le cocktail final du congrès, Arthur Kingfisher annonce qu'il se porte candidat à la chaire UNESCO et qu'il va épouser sa secrétaire. Sybil Maiden intervient pour lui annoncer qu'Angelica et Lily sont leurs filles. Persse repense à Cheryl Summerbee et se rend compte qu'il est amoureux d'elle. Il retrouve aussi la trace de Bernadette.
() Persse arrive à Heathrow mais n'y trouve pas Cheryl. Au guichet de British Airways, on lui apprend qu'elle a été renvoyée la veille et qu'elle est partie à l'étranger. Il regarde le tableau des départs et se demande où il va pouvoir aller la chercher. AnalyseLe roman est divisé en cinq parties, subdivisées en chapitres de longueur très variable. Les chapitres sont divisés en séquences marquées par un intervalle qui marque un changement du personnage pris en compte ; ces séquences sont aussi de longueur très variable, de plusieurs pages à un paragraphe d'une demi-page. La narration
On a affaire à un récit de type picaresque, avec des rencontres, des rebondissements, des coïncidences en très grand nombre, et à la fin un dénouement du type « Retrouvailles entre des parents et des enfants qui s'ignoraient ou s'étaient perdus de vue. ». David Lodge évoque ce point dans L'Art de la fiction (chronique 33 « La coïncidence »).
La narration est généralement du type narrateur omniscient adoptant successivement le point de vue de tel ou tel personnage. Une exception est le récit de Philipp Swallow dans la première partie, où David Lodge parodie d'ailleurs certaines nouvelles de, par exemple, Conan Doyle en ce qui concerne la mise en place du narrator (Philipp Swallow) et du narratee (Morris Zapp) (fauteuils confortables, lumière tamisée, cigares, bon verre d'alcool, etc.).
L'humour est présent comme produit de l'action de certains personnages à l'encontre d'autres (I, 1 : Angelica donne rendez-vous en même temps à Persse et à Robin Dempsey, qui se retrouvent dans une chambre en attendant tous deux l'amante espérée, qui a déjà quitté Rummidge), mais aussi et surtout par la volonté de l'auteur (remarques, situations). Par exemple (III, 2), un dialogue entre deux hôtesses de l'air dans un avion menacé d'atterrissage en catastrophe, à qui les passagers (irlandais) ont demandé de réciter un acte de contrition : Elle tient une place particulièrement importante dans ce roman, du fait de l'ajout des références aux romans de la Table ronde et de références à de nombreuses autres œuvres.
Ils sont évoqués de diverses façons, par exemple par une chanson inepte au cours d'un banquet médiéval (I, 1) : « King Arthur was a foolish knight, ... he locked his wife in a chastity belt and then he lost the key. ». Elle apparaît de temps à autre :
Les thèmesThèmes majeurs
David Lodge la présente en général avec un humour féroce, parfois avec dérision :
Persse McGarrigle est un peu à part, parce qu'il se satisfait toujours de ce qui lui échoit, même si ce n'est pas grand-chose (absence d'ambition) ; et aussi Morris Zapp, du fait de la lucidité dont il fait généralement preuve sur le sujet (ambition distanciée).
Lors du colloque de Rummidge, au tout début du roman, apparaît une opposition entre les participants britanniques, qui ont une conception traditionnelle (positiviste, humaniste) de la critique et Morris Zapp, dont l'intervention est d'obédience structuraliste (« post-structuraliste », dit-il). Le structuralisme est ressenti par les Britanniques comme une invention française qui a contaminé les universités américaines, en tout cas quelque chose de néfaste. De manière amusante, Persse McGarrigle n'a jamais entendu parler du structuralisme (ce qui paraît peu vraisemblable en 1975, même à Dublin), mais il se montre avide d'apprendre ce que c'est auprès d'Angelica : « Qu'est-ce que le structuralisme ? Est-ce bon ou mauvais ? ». Par la suite, le conflit entre traditionalistes et structuralistes s'aiguise lorsque Rudyard Parkinson érige Philipp Swallow en parangon de la bonne critique, à l'encontre de Morris Zapp, auteur « d'élucubrations jargonnantes où les paradoxes à la mode des savants continentaux deviennent, si c'est possible, encore plus prétentieux et stériles »[4].
Thèmes mineurs
Elles jouent un rôle important pour faire du monde un tout petit monde (avant même que l'on parle d'Internet) Au début du roman, Morris Zapp explique à Persse que, selon lui, il n'y a plus des universités, mais un campus mondial, fondé sur trois choses : le téléphone, l'avion à réaction, la photocopie. Par la suite, Persse McGarrigle fait effectivement de nombreux voyages en avion pour sa quête d'Angelica. Il est aidé par le fait qu'il a un peu par hasard souscrit à une carte American Express. On assiste à l'interview de Ronald Frobisher à Londres, interrogé par des Australiens en liaison satellitaire. Un autre aspect des nouvelles technologies, l'informatique, est aussi présente à travers le personnage de Robin Dempsey. Éditions
Notes et référencesNotesRéférences
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