Théodore de FéliceThéodore de Félice
Théodore de Félice (1904-2005), est à la fois un pasteur français, un homme politique genevois et français, un juriste et un linguiste, spécialiste du dialecte occitan parlé au nord-est de la Haute-Loire, dans le canton de Tence, dans une petite région isolée à majorité protestante. BiographieJeunesse et familleThéodore de Félice naît le au Chesnay, dans le foyer de Raoul de Félice, professeur agrégé d'histoire et géographie, et de son épouse née Inès Staehling, couramment appelée Marguerite. Cette dernière, née le 6 février 1882 à Bâle, se fera connaître en créant l'Union Chrétienne de Jeunes Filles de Versailles en 1913[1]. Raoul de Félice, né quant à lui en 1880, descend d'une lignée de trois générations de pasteurs protestants. Son grand-père est Guillaume de Félice, dit le "Lamartine protestant", professeur à la faculté de théologie protestante de Montauban. Raoul de Félice décède de la tuberculose à l'âge de 32 ans. Madame de Félice, qui doit élever seule son fils, décide peu après de s'installer au bon air de la montagne afin de protéger la santé de son fils. En 1914, grâce au pasteur Louis Comte, le fondateur de l’Œuvre des Enfants à la Montagne, elle découvre le village du Chambon-sur-Lignon et en apprécie la vie sociale et religieuse, marquée par des mouvements protestants telles que les UCJG (Unions chrétiennes de jeunes gens) et les UCJF (Unions chrétiennes de jeunes filles). Dès 1915, le jeune Théodore fréquente l’école élémentaire, puis le cours complémentaire de garçons du Chambon[2] tandis que sa mère s'installe sur une exploitation agricole afin de participer à l'Œuvre des enfants à la montagne[3]. Elle deviendra membre du comité d'honneur de la branche française du "Secours international aux femmes et aux enfants de la République espagnole" (SIFERE) et présidente-fondatrice de la "Ligue des mères et des éducatrices pour la paix" du Chambon. En 1939, elle achètera une maison pour y créer une pouponnière pour les expatriées protestantes[3]. Après son baccalauréat, Théodore s'engage dans des études de théologie protestante à la Faculté protestante de Paris. Son service militaire effectué en 1928, il devient pasteur proposant de la paroisse de Mars, voisine du Chambon[2]. Au cours de sa longue vie, Théodore de Félice se mariera trois fois : avec Odette Monnier en 1927 dont il aura trois enfants, puis avec Véronica Krüger dont il aura deux enfants, puis avec Anne-Marie Schiess[1]. Carrière pastorale et politiqueEn 1930, Charles Guillon, lui-même ancien pasteur du Chambon-sur-Lignon, l'appelle à Genève pour prendre un poste au sein du Comité universel des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens (UCJG) que préside le pasteur Guillon. Il enchaîne avec un poste au Service Œcuménique de Presse et d’Informations (S.O.P.I.) de 1934 à 1936, et va passer au total les 38 ans restants de sa vie professionnelle dans les instances du protestantisme international à Genève. En parallèle, comme il est citoyen suisse, il va s'engager en politique dès 1932, au sein du le parti socialiste genevois, et sera notamment, pendant 25 ans, député au Grand Conseil de la République et canton de Genève (parlement de l'État de Genève). Il passe aussi à cette époque une licence en droit et un diplôme de l’Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, puis il écrit plusieurs ouvrages juridiques dont « L’art de légiférer » et « Les Institutions de la Suisse », qui restent des références dans leur domaine. Il passe la période de la guerre de 1939-1945 en Suisse, où il travaille auprès des réfugiés[2]. À partir de 1945, il est continuellement élu député du Parti du Travail, proche du PCF, au parlement de Genève, jusqu’à 1970, date à laquelle il prend sa retraite et quitte Genève pour revenir au Chambon[4]. Que ce soit pendant ses études ou pendant sa carrière genevoise, Théodore de Félice reste très attaché au Chambon où il séjourne fréquemment et où il participe à la vie publique en tant que militant associatif et politique. On peut ainsi relever les activités suivantes :
Engagé en politique en Suisse au sein du parti socialiste genevois depuis 1932, et ultérieurement au sein du Parti suisse du travail[4], Théodore de Félice fonde en parallèle une Section de la SFIO au Chambon, en 1935. Celle-ci enregistre rapidement une centaine d'adhésions en provenance du Chambon et des autres communes du Plateau et publie à partir de 1937 un journal appelé Le Trait d’Union Républicain. L'instituteur et secrétaire du conseil presbytéral de la paroisse protestante du Chambon en est l'un des rédacteurs les plus actifs. Théodore de Félice est alors amené à se présenter aux élections dans la région sous l'étiquette SFIO[2]. Citons :
Retraite et carrière universitaireThéodore de Félice prend sa retraite en 1970 et se retire dans la commune des Vastres non loin du Chambon, avec l'idée d’écrire un ouvrage sur la grammaire du patois du Plateau protestant, un dialecte en voie de disparition dont il a le privilège d'avoir eu connaissance pendant sa jeunesse. Il commence ses travaux d'inventaire du vocabulaire et de description de la grammaire lorsqu'il découvre que le parler des protestants du Velay oriental forme une "butte témoin linguistique" qui n’a encore jamais été étudiée. Il se lance avec une détermination renforcée dans cette étude et soutient en 1980 (donc à 76 ans), à la Faculté des Lettres de Saint-Étienne, une thèse de doctorat très approfondie intitulée « Le patois de l'enclave protestante du nord-est de la Haute-Loire »[7]. Pendant plus de 30 ans, Théodore de Félice poursuit ses recherches et produit plusieurs publications substantielles sur les proverbes du Plateau, les patronymes et toponymes de la zone d’étude[2]. Pendant cette période de sa vie, ses engagements associatifs continuent de se multiplient, par exemple :
Fin de vieThéodore de Félice fête ses 100 ans en 2004, entouré de ses 5 enfants, mais décède 15 mois plus tard, le . Il lègue par testatement son immense bibliothèque à la commune du Chambon[2]. Influence et postéritéSur le plan politique et religieux au ChambonThéodore de Félice est crédité d'une influence importante sur les mentalités du Plateau protestant autour du Chambon[5] :
Sur le plan linguistiquePendant 35 ans, Théodore de Félice a documenté et analysé en détail le dialecte de la zone des « parlers protestants » autour du Chambon-sur-Lignon. Il a mis en évidence que ces parlers ont été largement préservés des influences extérieures et qu'ils ont des caractéristiques uniques dans la zone occitane dont la prononciation des r finals des infinitifs. Il réalise une compilation encyclopédique du patois de la zone protestante du Velay oriental, aujourd’hui en dépôt aux Archives départementales de Haute-Loire[4]. Il popularise le patois par le biais d'une émission de radio sur une radio libre locale[4]. Le fonds Théodore de FéliceThéodore de Félice a ainsi légué une bibliothèque très importante à la bibliothèque municipale du Chambon-sur-Lignon. Elle contient des livres anciens hérités de la longue lignée d'érudits qui ont précédé Théodore de Félice dans sa famille :
Les ouvrages sont disposés dans l'ancienne salle du conseil de la mairie dans la même organisation que celle adoptée par le donateur et dans un cadre rappelant son bureau dont les murs étaient tapissés de livres et du mot « paix » dans toutes les langues. Œuvres
Notes et références
Liens externes
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