Née française dans une famille ashkénaze d'origine roumaine[2], Sylvia Maklès est élevée par une mère Cohen fière[3] de sa « yiddishkeit » mais loin de la religion juive. Son père est voyageur de commerce. Elle est la sœur de Rose Maklès (épouse d'André Masson), de Bianca Maklès (comédienne à l'Atelier sous le nom de Lucienne Morand et épouse de Théodore Fraenkel), de Charles Maklès et de Simone Maklès (épouse de Jean Piel). Elle est une des amies intimes de la photographe Denise Bellon, qui fait de très nombreux portraits d'elle, dans l'intimité et au travail, notamment une série dans laquelle est est seins nus dans la neige[4].
Sylvia Bataille débute alors au théâtre, dans la Compagnie des quinze de Michel Saint-Denis. Elle joue aussi un premier petit rôle dans un court métrage. En 1932, elle intègre le Groupe Octobre, troupe théâtrale d'agit-prop animée par Jacques Prévert. Les fêtes, la débauche et l'alcool ont raison de son couple dès 1933[6] mais Georges Bataille ne consentira au divorce, les circonstances n'aidant pas, que le . Il a dilapidé son propre héritage auprès d'une des nombreuses prostituées qu'il a l'habitude de fréquenter, Violette, qu'il espérait ainsi sauver de sa condition.
C'est alors, en 1933, que Sylvia Bataille, sans renoncer tout à fait au théâtre, fait le choix d'une carrière cinématographique, en effet prometteuse. En 1936, elle joue son rôle le plus mémorable dans Partie de campagne de Jean Renoir, mais les reproches et les injures qu'elle adresse au réalisateur ajoutent aux difficultés qui conduisent à l'arrêt du tournage. Le film ne sera monté que dix ans plus tard. Auparavant, elle aura acquis une certaine notoriété en jouant dans Le Crime de monsieur Lange, de Renoir également, en 1935. Elle tournera son dernier rôle en 1950.
Refondation personnelle à travers la guerre (1939-1945)
C'est là qu'elle retrouve Jacques Lacan, lui-même en famille. Provisoirement, le couple illégitime sous-loue à André Malraux, qui est logé gracieusement, une villa située à Roquebrune, près de Nice, et appartenant à Simon Bussy, « La Souco », tandis que Rose et André Masson, qui obtiendront un visa pour les États-Unis quatre mois plus tard, sont hébergés par la comtesse Pastré dans une maison du parc de Montredon, à Marseille. C'est dans ces conditions qu'est conçue leur enfant, ce qui précipite le divorce, qui sera prononcé le , de Jacques Lacan d'avec Marie-Louise Blondin, qui, elle, a accouché de leur troisième enfant treize mois et demi plus tôt.
En janvier, 1941, Jacques Lacan installe[7] son nouveau ménage à Cagnes-sur-Mer, de l'autre côté de Nice. À court d'argent, il retourne à Paris prendre son poste de praticien mais revient tous les quinze jours. La seconde fille de Sylvia Bataille naît le . Elle est nommée Judith en l'honneur de l’héroïne qui a sauvé son peuple de l'envahisseur[8].
Un an et demi plus tard, à Noël 1942[9], Sylvia Bataille obéit naïvement à l'obligation imposée à la suite du second statut des Juifs de se faire recenser. Jacques Lacan se rend avec Sylvia dans le commissariat de Cagnes réclamer les déclarations qu'elle y avait déposées et, après un temps d'attente, réussit, d'un geste vif et déterminé, à subtiliser[10], en promettant à l'officier présent de le rapporter dans les délais, le dossier qui aurait à terme conduit ses futures femme et belle mère, ainsi que sa fille, à Auschwitz.
Éli Lotar et Guy Cavagnac (dir.) (entretien de Jean-Pierre Pagliano avec Sylvia Bataille), Une partie de campagne : Éli Lotar, photographies du tournage, Montreuil, Éditions de l'œil, , 128 p. (ISBN978-2-35137-034-6 et 2-351-37034-1), p. 54-56.