Cadre rectangulaire qui délimite le poème et figure les arêtes des stèles de pierre. Il est aux proportions de la stèle nestorienne de Si Ngan-fou (Xi'an)
Épigraphe en caractères chinois
Versets parfois séparés les uns des autres au moyen d'un petit cercle.
Structure
Précédés d'une préface, les poèmes sont répartis en six ensembles :
Stèles face au Midi : stèles portant les décrets, l'hommage du Souverain à un Sage, l'éloge d'une doctrine, un hymne de règne, une confession de l'Empereur à son peuple...
Stèles face au Nord : stèles amicales
Stèles orientées : stèles amoureuses
Stèles occidentées : stèles héroïques et guerrières
Stèles du bord du chemin : stèles sans thème prédéfini, qui « suivront le geste indifférent de la route »
Stèles du milieu : stèles portant « les décrets d'un autre empire, et singulier »
Certaines stèles ont été écartées du recueil et sont publiées en annexe dans les éditions modernes.
Contenu
Malgré sa couleur nettement chinoise (épigraphes en mandarin, calligraphie chinoise, cadre, patronymes chinois, thèmes...) Stèles est bien le recueil d'un poète français très informé de la littérature contemporaine. Selon Segalen lui-même, « … aucune de ces proses dites Stèles n'est une traduction – quelques-unes, rares, à peine une adaptation » (lettre à J. de Gaultier, [1]). En fait, son projet poétique relève d'une sorte de syllepse généralisée aux dimensions du recueil : « J'ai tenté que tout mot soit double et retentisse profondément », écrit-il à son ami Henri Manceron, le [1], à propos de la Préface.
Dans une lettre à Claude Debussy, Segalen précise son projet. Il veut composer : « [...] un recueil de proses courtes et dures dans le genre de deux ou trois que j'ose vous soumettre. Cela serait précédé d'un essai sur la Stèle comme je l'entends. J'y dirais toutes sortes de pensées miennes, vêtues de notions et d'habits archaïques chinois, mais dépouillées de toute chinoiserie » (V. Segalen, lettre à Claude Debussy, Pékin, [1]). En effet, en tant qu'ex étudiant de l’école spéciale des langues orientales (future INALCO) et « élève-interprète » de la Marine, l'auteur de Stèles était alors l'un des très rares écrivains européens à pouvoir éviter les stéréotypes et les lieux communs sur la Chine qui avaient cours dans la littérature occidentale depuis le XVIIIe siècle.
Extrait
Des lointains
Des lointains, des si lointains j'accours, ami, vers toi,
le plus cher. Mes pas ont dépecé l'horrible espace entre nous.
De longtemps nos pensées n'habitaient plus le même instant
du monde : les voici à nouveau sous les mêmes influx, pénétrés
des mêmes rayons.
Tu ne réponds pas. Tu observes. Qu'ai-je déjà commis d'inop-
portun ? Sommes-nous bien réunis : est-ce bien toi, le plus
cher ?
Nos yeux se sont manqués. Nos gestes n'ont plus de symétrie.
Nous nous épions à la dérobée comme des inconnus ou des chiens
qui vont mordre.
Quelque chose nous sépare. Notre vieille amitié se tient entre
nous comme un mort étranglé par nous. Nous la portons d'un commun
fardeau, lourde et froide.
Ha ! Hardiment retuons-la ! Et pour les heures naissantes,
prudemment composons une vivace et nouvelle amitié.
Le voulez-vous, Ô mon nouvel ami, frère de mon âme future ?
Notes et références
↑ ab et cVictor Segalen, Correspondance, Paris, Fayard
Bibliographie
Victor Segalen, Stèles, 2e éd. critique, commentée et augmentée de plusieurs inédits, Paris : Mercure de France, 1982, 313 p.
V.-P. Bol, Lecture de « Stèles » de Victor Segalen, Paris : Lettres modernes (« Avant-siècle »), 1972, 255 p. FRBNF35221317.
Henry Bouillier, Victor Segalen [1964], nouv. éd. rev. et corr. Paris : Mercure de France (« Collection ivoire »), 1996, 646 p. et Victor Segalen, Œuvres Complètes, Cycle Chinois, Cycle archéologique et sinologique, 1995, éditions Bouquins.
Christian Doumet, Le rituel du livre : sur « Stèles » de Victor Segalen, Paris : Hachette supérieur, 1992, 223 p.