Stanislas RodanskiStanislas Rodanski
Bernard Glücksmann, dit Stanislas Rodanski, né le à Lyon (Rhône), où il est mort le , interné dans un hôpital psychiatrique, est un poète et romancier surréaliste français. Il a signé également des textes sous les pseudonymes de Tristan, Lancelo (sans « t »), Arnold, Stan, Nemo, Astu, etc.
— Dernier journal tenu par Arnold BiographieStanislas Rodanski est élevé par ses grand-mères en raison du divorce de ses parents. À partir de 1939, il est interne dans différents pensionnats et collèges entre Megève et Chamonix. Très vite, il commence à mener une vie de mauvais garçon, fait plusieurs fugues dont une en 1943 pour rejoindre une troupe de comédiens. En 1944, il commence à écrire son journal. La même année, alors qu'il retrouve sa mère à Saint-Dié, il est arrêté le par les Allemands et déporté dans un camp de travail en Allemagne, à Mannheim. De retour à Lyon, en 1945, il rencontre le peintre Jacques Hérold qui lui fait découvrir le surréalisme. En 1946, Stanislas Rodanski s'inscrit à l'École des beaux-arts de Lyon, mais n'y reste qu'un mois. En 1947, après avoir contacté André Breton, à qui il écrit « il y a un monde et une vie à faire, car j'ai dix-neuf ans, je refuse ma solitude morale et je refuse aussi l'amitié des imbéciles... Je ne suis pas encore fou », il signe le manifeste collectif Rupture inaugurale et fait partie du comité de rédaction de la revue surréaliste Néon, qu'il fonde avec Sarane Alexandrian, Claude Tarnaud, Jindřich Heisler et Véra Hérold. Cette revue qui se propose d'apporter une nouvelle lumière sur le Monde et d'aller du Néant à l'Être porte en exergue la formule dont il est l'auteur « N'être rien, Être tout, Ouvrir l'être »[2]. À l'automne, il subit une séance d'électro-chocs à l'hôpital de Caluire. Son existence est de plus en plus agitée et erratique : tentative de suicide, avec Béatrice de la Sablière, emprisonnement pour un « vol » de voiture (jamais prouvé), nouvelle hospitalisation. Sorte de « poète voyou», menant une vie constamment précaire et mouvementée, pratiquant volontiers ce qu'il nommait « le terrorisme amusant », consommant régulièrement alcool et stupéfiants (en particulier des amphétamines), il sera plusieurs fois interpellé par la police, pour vagabondage, trafic d'armes, de stupéfiants, vols, grivèlerie, et fera plusieurs séjours en prison et hôpital psychiatrique. « C'est pour le plaisir que je me suis placé hors la loi et non par nécessité - Le besoin d'insécurité est moral chez moi », écrit-il dans Substance 13, comme s'il cherchait l'insécurité pour mieux la conjurer, pratiquant volontiers l'humour noir pour conjurer la folie, jusqu'à l'égarement, car il finit par se perdre en elle. Il vécut, comme l'écrit plus tard Alain Jouffroy, tel un « fou errant », « dans un vide social absolu », rebelle allergique au monde et à la société, voulant vivre son rêve jusqu'au bout, au risque de s'y brûler et de n'être qu'un « raté de l'aventure ». Enfermé dans son drame intérieur, mélange de ravissement et de terreur, en quête de pureté (« le stupéfiant-pureté », comme il appelle cette chimère) et hanté par un désir éperdu de liberté qui le conduit à la folie, il s'invente sa propre légende, sorte de « mytho-biographie » qui compose à la fois sa vie et ses écrits, inséparablement, et où s'enchevêtrent la réalité et l'onirisme : « le plus grand des rêves qui puisse exister, c'est la vie » (Horizon perdu). Revenu à Paris, il s'intègre au petit noyau que forment au sein du groupe surréaliste les écrivains et poètes Sarane Alexandrian, Francis Bouvet, Alain Jouffroy, Jean-Dominique Rey, Claude Tarnaud, le peintre Victor Brauner et partage un temps une chambre, 4 rue du Dragon, avec Alain Jouffroy, avant de se brouiller avec lui. Celui-ci évoquera plus tard son énigmatique ami, sous le nom d'Ivan, dans un roman à clés, Le Temps d'un livre (1966). Espoirs surréalistes déçus, car en , ce noyau est exclu par Breton pour « travail fractionnel », au moment de l'exclusion du peintre Roberto Matta. Cependant, Breton reconnaîtra son erreur dans une lettre du à Alexandrian. Entre-temps, en , plus par goût de l'exotisme, de l'aventure et par passion des armes, il s'engage dans un commando de parachutistes duquel il déserte au bout de quelques mois. En , il est arrêté et hospitalisé à l'hôpital psychiatrique Perray-Vaucluse à Sainte-Geneviève-des-Bois pendant quatre mois, puis interné au quartier des fous criminels de l'hôpital de Villejuif, asile où il reste d' à . Jusqu'à cette période, il ne cesse d'écrire, ses premiers textes étant placés sous les figures tutélaires de Lautréamont, Gérard de Nerval, Jacques Vaché ou Antonin Artaud, même s'il ne cherche pas à les publier, destinant ses textes (nouvelles, récits, mélanges de journal et de fiction, poèmes, fragments, lettres) à ses amis : « Il ne s'agit pas de faire une œuvre, mais de faire acte de présence à moi-même » (L'homme qui se croit fou). En 1952, il collabore néanmoins aux deux Cahiers du Soleil noir : La Révolte en question et Le Temps des assassins. À sa sortie de Villejuif, il retourne à Lyon, puis erre entre Lyon, Megève et Paris. Ensorcelé par ses doubles et son imaginaire, « spectr'acteur » de sa vie, à la fois spectateur, acteur et spectre de lui-même, il se réfugie et se perd de plus en plus dans les horizons chimériques de la « vérité rêvée » : « Je cherche obstinément la vérité, à travers mes illusions » (Histoire de fou). Mais finalement son égarement et son désespoir le conduisent à se laisser dévorer par la fiction et les délires de la folie, égaré dans la poursuite de ses chimères, victime de son rêve et de la perte de tout horizon. Il n'y a plus pour lui que des « horizons perdus », une des ritournelles obsédantes de son œuvre, associée au mythe de Shangri-La, lieu d'un bonheur perdu, qu'il découvrit à travers le film Lost Horizon de Frank Capra (1937). Envers de cet « horizon perdu », l'hôpital psychiatrique est alors son seul et ultime refuge, loin du fracas et de l'incertitude du monde. « Trop exigeant pour vivre », selon sa formule dans des Proies aux chimères, dans la nuit du , âgé de 27 ans, il entre volontairement, en partie sur intervention de sa famille selon François-René Simon[3], à l'hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu à Lyon d'où il ne sortira plus et où il mourra, enfermé dans le silence, avec des allures de clochard ou de sage ermite. Entre-temps, contacté par François Di Dio, il acceptera que soit publié en 1975 son récit La Victoire à l'ombre des ailes, inclassable « romancero d'espionnage », à la fois roman policier de sa vie et poème d'aventure, avec des illustrations de Jacques Monory et une préface de Julien Gracq, qui évoque le « procès-verbal d'une des aventures les plus chargées d'enjeu qui aient été poursuivies dans la lumière du surréalisme, une des très rares qui n'aient pas reculé devant la traversée de ses paysages dangereux, et qui en aient affronté les derniers risques. » « Pistolero de l'aventure surréaliste » qui s'est laissé dévorer par son « aura de fictif » (Lettre au Soleil Noir), il laisse une œuvre singulière et fragmentaire, écrite dans une langue flamboyante, qui ressemble à une déroutante expédition mentale et littéraire. « Au souvenir des événements de ma vie, j'éprouve le sentiment qu'il s'agit d'une fiction où il me serait impossible de démêler la chimère de la vérité », écrit-il dans En mettant au point ces récits. Stanislas Rodanski a laissé de nombreux carnets et feuillets, encore largement inédits, conservés à la Bibliothèque municipale de Lyon et à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Des extraits en ont été publiés dans la revue Avant Post et dans Stanislas Rodanski, éclats d'une vie (éditions Fage, 2012). Œuvres
Bibliographie
Films
Adaptations théâtrales
Notes et références
Liens externes
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