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Les trois ordres de la société féodale en Europe médiévale : le moine, le chevalier et le paysan.
Définition
La société d'ordres est une théorie d'ordonnancement social qui repose sur une hiérarchie de dignité et d'honneur. Ce modèle décrit les sociétés féodales et d'Ancien Régime.
La société d'ordres est une théorie d'ordonnancement social selon laquelle la distinction sociale repose sur une hiérarchie de dignité et d'honneur. Elle se distingue ainsi des sociétés de castes, sociétés hiérarchisées composées de groupes sociaux endogames aux relations fortement codifiées, et des sociétés de classes qui distinguent les hommes d'après leur richesse. Ce modèle décrit avant tout les sociétés féodales et d'Ancien Régime.
Mousnier commença par poser la question de l'historicité de la logique de classe : les composantes d'une société se sont-elles toujours pensées en termes de classe sociale, c'est-à-dire de groupe d'individus ayant conscience de partager un niveau de fortune et des intérêts économiques, ou est-ce une conception datée existant à un moment donné de l'histoire ? Partant de ce problème, il affirma que la société française d'Ancien Régime se structurait davantage en un système de corps verticaux qu'en couches horizontales. Son analyse reposait sur le constat de l'infinité de gradations et de hiérarchies qui semblaient ignorer les niveaux de fortune et reposer plutôt sur des critères non économiques. C'est ainsi l'appartenance à un groupe plus ou moins prestigieux qui définissait l'importance sociale d'une personne.
Inversement, il étudia également les solidarités et les réseaux qui s'exprimaient dans les relations de patronage ou de clientèle et au sein des corporations : on y voyait bien plus s'épanouir des systèmes d'entraides entre des protecteurs et des clients issus d'un même corps qu'entre personnes d'un même niveau de fortune.
La dignité, critère de la distinction
Le modèle proposé par Mousnier fait donc intervenir comme critère central de distinction sociale un capital, non pas économique, mais d'honneur et de dignité. Il reposait notamment sur l'appartenance à un groupe disposant d'une respectabilité propre, entre autres représentée par des privilèges (c'est-à-dire le droit de posséder sa loi particulière) et des marques d'honneur qui le positionnaient par rapport aux autres groupes. C'est pourquoi cette théorie d'organisation sociale est aussi une théorie politique. L'ascension sociale se voyait ainsi sanctionnée par l'acquisition de marques d'honneur ou l'accès à des dignités plus hautes, ou plus encore par l'agrégation à un corps considéré comme de dignité supérieure.
Dans ce système, l'argent n'est qu'un moyen pour acquérir et conserver ces marqueurs de dignité et pour assurer les obligations reconnues comme inhérentes à un certain statut social. Le maintien dans la noblesse, par exemple, imposait une certaine fortune, mais parce que la dignité et la réputation de noblesse imposaient de faire preuve de libéralité en aidant ses clients, d'être à la disposition de son prince et de ses protecteurs, ce qui lui interdisait une activité professionnelle, etc. L'argent ne sert ici qu'à vivre de façon "honorable", en assurant protection et service à ses clients et patrons, tandis que c'est précisément ce mode de vie sur lequel repose la distinction sociale.
Une analyse qui a fait date
L'interprétation de Mousnier est aujourd'hui majoritaire parmi les historiens modernistes, même si sa radicalité est souvent discutée. L'importance de la fortune dans les changements de statut social est ainsi considérée comme certaine. Ce paradigme a été largement repris par Pierre Bourdieu dans La Noblesse d'État et dans La Distinction, en ignorant précisément ce qui avait été le point de départ de Mousnier : la question de l'historicité des catégories d'analyse et de pensée. Bourdieu insiste sur le fait que les dominants produisent des représentations culturelles, justifiant leur domination, susceptibles d'être acceptées comme normatives par les dominés (violence symbolique). Les dominés intègrent ces représentations culturelles (habitus) et ne cherchent plus à s'émanciper. Cette théorie rappelle celle de l'antithèse infrastructure et superstructure des historiens marxistes.
La liturgiecatholique romaine, officiellement la même dans le monde entier, se fait en latin, langue liturgique véhiculaire.
Le christianisme orthodoxe (globalement byzantin et œcuménique) fonctionne de manière différente, pas si éloignée, avec d'autres langues liturgiques, des églises pour certaines autocéphales, et assez rapidement une pression musulmane à l'Est.
Dans la société médiévale européenne, féodale, les laboratores, ceux qui travaillent, sont essentiellement les paysans et les artisans, qualifiés de roturiers car n'appartenant pas à la noblesse.
Les tenanciers (vilains ou serfs) très majoritaires en nombre, n'ont aucun privilège et sont défavorisés en droits et en ressources : une tenure d'environ 5 ha est réputée suffisante à la survie d'un feu (famille élargie) libre. Deux catégories se distinguent en fonction du degré d'indépendance vis-à-vis du seigneur. Réputés libres (non esclaves), ils sont soumis au cens, à la taille, aux corvées, en relative autosuffisance. Dans le cas des serfs, ils sont alors soumis au chevage et à des corvées bien plus importantes mais le seigneur doit assurer leur survie.
Tous les membres des communautés rurales (paroisses), qu'ils soient vilains, serfs, artisans, peuvent profiter des biens communaux en exerçant différents droits comme le glanage (ramassage d'épis à terre apès la récolte), l'affouage (droit de ramasser du bois en forêt) et la vaine pâture. Les manouvriers sont des paysans installés sur de des tenures trop petites pour assurer la survie de le leur famille : hommes et femmes se louent à la journée. Un autre moyen d'assurer sa survie est de combiner l'élevage, qui bénéficie de la vaine pâture, et l'artisanat. Les laboureurs sont au contraire des tenanciers aisés possédant un équipage de trait et susceptibles d'employer des manouvriers. L'alleutier est un paysan libre ne relevant que du roi. Un alleutier ou un laboureur important susceptible de répondre au ban du roi à la guerre et de s'y illustrer avec un cheval peut parfois accéder à la chevalerie (voir Jacques d'Arc).
Droits fonciers
La paysannerie du haut Moyen-Âge hérite du colonat partiaire romain où le colon est attaché à sa terre que ce soit une tenure, ou une manse. Les vilains cependant sont libres de quitter leur terre contrairement aux serfs. La tenure libre est garantie à vie et transmissible à la descendance, tandis que la tenure servile est garantie à vie également mais n'est transmise à la descendance qu'avec l'accord du seigneur et paiement de la mainmorte[1].
Le fermage et le métayage ne commencent qu'au XIVe siècle et ne sont plus des contrats de droit féodal[2]. Afin d'échapper aux droits seigneuriaux, le système familial aussi qualifié de famille communautaire ou « communauté familiale », constitue la forme de parenté la plus appropriée : système à maison, à la manière du système familial pyrénéen, communauté taisible (parsonnerie, coparçonerie, frérage, frérèche…). Cependant cet objectif n'est pleinement atteint que dans le cas où la famille communautaire est reconnue comme « maison franche », c'est-à-dire un alleu, en contradiction avec l'affirmation « Nulle terre sans seigneur » défendue par l'aristocratie[3],[4]. Ce système pouvait au moins dans certaines régions éviter le paiement de la mainmorte, marque infâmante, avec le chevage en fait modeste, du servage[5]. Cette évolution était plus aisée dans des zones d'accès difficile : système familial pyrénéen, frérèches du Massif Central, zadrugas des Balkans, clans des Highlands. Si le servage décline rapidement en Occident aux alentours de 1400[6], il est généralisé au Danemark et dans les régions à l'Est de l'Elbe (Ostelbien(de)).
L'économie conviviale, dans la mesure où elle est tournée vers l'extérieur de la famille, se traduit plutôt par le placement (dans d'autres familles, en fosterage par exemple) d'enfants, surtout orphelins, handicapés, déshérités, exposés/déposés, abandonnés, mais pas uniquement : enfants loués (enchère des pauvres, foire aux serviteurs, enfants placés), domesticité, production domestique, avec tous les risques d'exploitation, de travail forcé, d'esclavage. Parmi les romans français, certes plus tardifs, de type roman paysan ou roman social, évoquant la question : François le Champi (1848), Jacquou le Croquant (1897). Le Code noir (1685) aborde évidemment la question du travail et de la propriété des enfants esclaves, à cette époque, dans un contexte qui n'est pas celui des campagnes françaises. La domesticité, au sens de domestiques (production domestique) ou serviteurs, au service de personnes de la noblesse (page, écuyer, laquais, nourrice, servante) ou de la bourgeoisie naissante, concerne une population plus réduite, et qui reçoit une formation (et/ou une éducation), sur place, en interne, souvent longue, avec des conditions de vie et de travail (supposées) plus favorables. L'engagisme en serait une forme moderne.
Au plan général et humain, il évoque un compagnonnage de vie, un groupement de personnes dont le but est : entraide, protection, éducation, apprentissage (dès 12 ans, pendant trois ans (au moins) comme apprenti, sans salaire, au pair), transmission des connaissances entre tous ses membres.
↑En Grande-Bretagne les "villeins" ou "free tenants" (tenanciers libres) étaient aussi attachés à leur terre mais ne pouvaient en être déplacés à la différence des serfs.
↑ a et bJérôme Fehrenbach, Les fermiers : la classe sociale oubliée, 1680-1830, Passés composés, (ISBN979-10-404-0211-4)
↑Georges Duby, L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, Paris, Aubier, 1962 p. 379
↑Georges Duby, Guerriers et Paysans.VIIe – XIIe siècle, premier essor de l'économie européenne, Paris, Gallimard, 1973.
↑François-Ignace Dunod de Charnage, Traités de la mainmorte et des retraits, Paris, (lire en ligne), p. 84 & sq.
↑ a et bGeorges Duby, La formation des campagnes françaises: des origines au XIVe siècle, Éditions du Seuil, coll. « Histoire de la France rurale », (ISBN978-2-02-004267-3)
Voir aussi
Bibliographie indicative
Hommage à Roland Mousnier : clientèles et fidélités en Europe à l'époque moderne, édité par Yves Durand, PUF, Paris, 1981.
Roland Mousnier, Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, Paris, PUF, 1969.
Fanny Cosandey (dir), Dire et vivre l'ordre social en France sous l'Ancien régime, Paris, Éditions de l'EHESS, 2005.