Se voir tel qu'on est
Se voir tel qu'on est est un livre du dalaï-lama, traduit en anglais depuis le tibétain par Jeffrey Hopkins qui le mit en forme et en composa l'avant-propos. Il a été traduit en français depuis l'anglais par Alain Wang[1]. L'ouvrage a également été traduit en chinois, danois, espagnol, polonais et tamoul[2],[3]. Le succès de l'ouvrage, publié en 2006, démontre la continuité de la popularité du dalaï-lama après L'Art du bonheur, publié en 1998 et figurant sur la liste des meilleures ventes du New York Times pendant plusieurs semaines[4]. RésuméLe livre est basé sur la philosophie fondamentale bouddhique selon laquelle l'amour et la vue profonde sont les deux ailes d'un oiseau permettant d'atteindre l'éveil[5]. Il est centré sur la connaissance de soi, considérée comme un moyen de développement personnel et de nos relations aux autres. La méconnaissance de soi y est décrite comme étant à l'origine de visions erronées et exagérées du moi, mais aussi d'autrui, des phénomènes ou de la matière. Trompé par nos sens, attachement et actes négatifs aux conséquences néfastes empoisonnent notre esprit. L'ouvrage apporte des solutions pour limiter ces erreurs et vivre en bonne interdépendance avec autrui[5]. Le livre comporte une introduction et six parties. Dans l'introduction, le dalaï-lama exprime quatre convictions personnelles [6]:
Il ajoute que si la morale, la compassion, la décence et la sagesse sont constitutifs de toutes civilisations, le développement de ces valeurs positives est entravée par nos émotions contre-productives[6]. La première partie qui suit indique qu'il est nécessaire de s'affranchir de l'avidité et de la haine, mais que ce n'est pas suffisant. Il convient aussi de reconnaître l'ignorance, qui est la manifestation de notre perception erronée de la réalité[5]. Pour le dalaï-lama, l'ignorance est à l'origine de tous les défauts[7]. Des exercices sont proposés pour appréhender cette erreur de jugement[5]. La seconde partie vise à éliminer cette erreur. En utilisant des expériences personnelles, le dalaï-lama explique comment, par la pratique d'exercices, ôter l'illusion recouvrant l'essence de l'existence. Il explique comment faire preuve dans notre vie d'un comportement basé sur une vision plus réaliste. Cela incite à mieux comprendre l'interdépendance entre les phénomènes, et mieux apprécier les relations interindividuelles, améliorant ainsi la vie quotidienne[5],[8]. Dans la troisième partie, le dalaï-lama indique comment utiliser le pouvoir de méditation pour se fondre dans notre nature, et dissiper ainsi le problème de l'ignorance[5]. Les quatrième et cinquième parties décrivent les autres et les phénomènes, non pas tels que nous les présumons, mais dans leur réalité[5]. La sixième partie aborde l'état d'esprit où la prise de conscience de la vanité des poisons mentaux mais aussi de la vérité agit pour renforcer l'amour[5]. Il conclut le livre en écrivant : « Bien qu'il soit nécessaire dès le début d'avoir une forte volonté pour arriver à développer l'amour et la compassion, celle-ci n'est pas suffisante pour développer des comportements altruistes sans limites. La pratique de l’amour et la compassion doivent être effectuées grâce à la vue profonde. Quelle que soit la personne que vous voulez aider, sans vue profonde vous ne serez pas lucide sur le bénéfice de vos efforts. Combiner un cœur généreux avec un esprit bienveillant est la meilleure solution. Les deux vont agir de concert, et vous obtiendrez beaucoup. »[6],[9]. Accueil CritiquePour Jeffrey Hopkins, le livre reflète la contribution du Tibet au patrimoine culturel de l'humanité. Il rappelle l'importance du Tibet pour la sauvegarde de cet héritage dont émanent les enseignements du dalaï-lama incitant à l'introspection et ouvrant à des pratiques méditatives utiles[5]. Pour Constantine Sandis (en) qui en écrivit une critique détaillée, le livre, le 73e du dalaï-lama, est clairement écrit[10]. Dans cet ouvrage, le dalaï-lama se propose d'expliquer le concept bouddhiste de Paticca Samuppada (la coproduction conditionnée) et ce qu'il implique sur la nature du soi, du monde et notre place dans celui-ci. Il vise à aider le lecteur à surmonter sa déception qu'il prend pour la source fondamentale d'une variété d'« émotions destructrices qui conduisent à des actes contaminées par une perception erronée »[10]. Les origines et la nature des conceptions erronées qui donneraient lieu à de telles émotions afflictives peuvent se comprendre dans le contexte de la tradition philosophique bouddhique dont proviennent les concepts du dalaï-lama[10]. Les écrits de la philosophie bouddhiste comportent cinq genres interdépendants :
Bien qu'il s'inspire de ces cinq genres, l'ouvrage du dalaï-lama se fonde sur le Madhyamaka, philosophie selon laquelle la nature ou essence d'un phénomène est interdépendante de celle des autres. Cette vision exprimée par le philosophe bouddhiste indien Nagarjuna et son disciple Chandrakirti qui développa le Prasaṅgika (« conséquence logique ») qui établit la vérité ultime en éliminant dans un premier temps toutes les visions ayant des conséquences absurdes ou contradictoires. Contrairement à l'approche de Svatantrika, qui commence par des affirmations positives sur la nature des phénomènes (par exemple, ils peuvent posséder une existence inhérente sans posséder une existence absolue), cette méthode aboutit à des conclusions en éliminant des vues alternatives en utilisant des arguments de reductio ad absurdum. On peut y voir un parallèle à la méthode de Sherlock Holmes dans le roman d'Arthur Conan Doyle Le Signe des quatre : « Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, même si c'est improbable, doit être la vérité »[10]. Thubten Chodron (en) a écrit plusieurs commentaires de l'ouvrage[11]. Références
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