Rue Ramponeau
La rue Ramponeau[1] est une voie du 20e arrondissement de Paris située dans le quartier de Belleville. Situation et accèsElle s'étend selon un axe sud-ouest nord-est entre le boulevard de Belleville et la rue Julien-Lacroix. Elle est prolongée par un court tronçon de la rue Jouye-Rouve qui donne accès à une entrée secondaire du parc de Belleville. Elle présente un faible dénivelé dans sa partie ouest, la pente s'accentuant nettement à l'approche du parc. Son tracé est légèrement brisé à l'intersection de la rue de Tourtille. La rue est intégralement pavée. L'histoire de la rue Ramponeau, particulièrement riche sur le plan social et de l'urbanisme, s'inscrit dans celle plus large du quartier de Belleville où les ruelles, les ateliers, les cités-jardins conservent la mémoire d'un double passé, rural et ouvrier et le souvenir des migrants qui en ont fait une terre d'asile. De nos jours, la rue Ramponeau est principalement consacrée au logement social. Elle comprend également une forte densité d'ateliers d'artistes et de galeries d'art. La rue Ramponeau est desservie par les lignes 2 et 11 à la station Belleville et 2 à la station Couronnes. Les stations Vélib' les plus proches sont au 44 et 116, boulevard de Belleville.
Origine du nomVoisinage d'une guinguette tenue par Jean Ramponneau, célèbre cabaretier du XVIIIe siècle, pour lequel Louis-Sébastien Mercier, dans ses Tableaux de Paris, raconte : « Tel est le fameux nom de Ramponeau, plus connu mille fois de la multitude que celui de Voltaire et de Buffon. Il a mérité de devenir célèbre aux yeux du peuple, et le peuple n'est jamais ingrat. Il abreuvait la populace altérée de tous les faubourgs, à trois sous et demi la pinte : modération étonnante dans un cabaretier, et qu'on n'avait point encore vue jusqu'alors[2] ! » À Paris, il est courant d'attribuer aux voies le nom d'habitants ou de propriétaires ayant loti ou construit leurs terrains. L'historien Alfred Fierro en recense 74 exemples dans le 20e arrondissement (Saint-Fargeau, Tourtille, Dénoyez…)[3]. Il est intéressant de signaler que, dans ce cas, contrairement à la plupart des rues portant le nom d'artiste ou d'homme politique, seul le patronyme est utilisé. Avant que la rue ne soit baptisée en 1867, Ramponeau a d'abord désigné au début du XIXe siècle la barrière du mur des Fermiers généraux située à l'extrémité de la rue de l'Orillon et le chemin de ronde de cette même barrière Ramponeau jusqu'à la barrière de Belleville. On peut raisonnablement penser que le nom de la rue lui fut attribué dans cette continuité, alors même que la taverne de Ramponeau se situait rue de l'Orillon, à l'ouest de la barrière[4]. HistoriqueMoyen ÂgeUn village se forme au Moyen Âge sur les coteaux viticoles des grandes abbayes, à l'est, hors des murs de Paris. À cette époque et jusqu'au XVIIIe siècle, la future rue Ramponeau n'est au mieux qu'une sente qui dessert des parcelles et les carrières. Ce village de l'est parisien prend le nom de « Belleville ». Le tracé de la rue Ramponeau figure, sans être nommé, sur le plan de Roussel (1730)[5]. Sans doute simple chemin, cette voie monte, rectiligne, depuis la rue de Saint-Denis[6] jusqu'aux premières pentes de Belleville. Elle est représentée au cœur de la Courtille, jardins champêtres et vergers entourés de haies. Ce quartier de Belleville se développe alors à l'orée de l’enceinte fiscale de Paris et bénéficie ainsi de l’absence de taxes qui favorise l’ouverture de guinguettes et de cabarets où s'écoule le vin produit sur ses pentes. Le cabaret Ramponeau et la taverne Desnoyez comptent rapidement parmi les lieux de divertissement les plus prisés de l’est parisien. « Ramponeau, cabaretier de la Courtille, vendait, en 1760, de très mauvais vin à très bon marché. La canaille y courait en foule ; cette affluence extraordinaire excita la curiosité des oisifs de la bonne compagnie. Ramponeau devint célèbre », rapporte Voltaire dans Plaidoyer de Ramponeau prononcé par lui-même[7]. Le cabaret, situé du no 1 au no 5, rue de l’Orillon, à l’angle de la rue Saint-Maur, fut baptisé Tambour royal en 1758. Cabarets et urbanisationÀ la fin du XVIIIe siècle, la construction du mur des Fermiers généraux le long des actuels boulevards de Belleville et de la Villette, pour faire respecter l'octroi, entraîna la migration des cabarets et guinguettes plus haut dans Belleville[8]. Le plan de Verniquet de 1791 mentionne une ébauche de l'actuelle rue Ramponeau sous le nom de « rue de Riom ». Sur ce même plan, la barrière d'octroi adjacente est également baptisée « Riom ». Elle portera d'autres noms tel que « barrière de l'Orillon », « barrière Ramponeau » ou encore « barrière des Moulins », au gré des appellations de la rue qu'elle prolonge du côté parisien du boulevard de Belleville. Durant la première moitié du XIXe siècle, Belleville se transforme peu à peu sous l’effet de l’industrialisation naissante. De nombreuses industries, jugées insalubres et interdites à Paris viennent s’y installer. La rue s'urbanise rapidement, accueillant dans des maisons de rapport de mauvaise qualité les ouvriers venant de province ou chassés après 1852 par les grands travaux haussmanniens et la hausse des loyers. L’urbanisation est l’œuvre d'investisseurs privés. Dès 1839, sur le plan d'Ambroise Tardieu, le tracé de la rue Ramponeau apparaît clairement face à la barrière Ramponeau avec celle de la rue Dénoyez et la rue de Tourtille (mais aucune n'est nommée et la rue Julien-Lacroix n'y figure pas). Vers 1850, la partie inférieure de la rue, à l'ouest de la rue de Tourtille, est entièrement construite alors que ne figuraient sur un plan de parcelles de 1812 que quelques façades[9]. La dernière barricade de la CommuneLa commune de Belleville est rattachée à Paris en 1860. En 1867, la partie supérieure de la rue de l'Orillon (extérieure aux boulevards) — voie de l'ancienne commune de Belleville désormais située dans le 20e arrondissement de Paris — est baptisée rue Ramponeau du nom du cabaretier, tout comme la porte ménagée dans le mur de la ville. Paradoxalement, le célèbre cabaret était installé dans la partie inférieure de la rue de l'Orillon, cette dernière conservant son nom. Pour ouvrir la rue Ramponeau sur la rue Julien-Lacroix, ce premier tronçon sera complété en 1884 de l'impasse de Tourtille et de la partie de la rue Jouye-Rouve qui finissait en impasse en deçà de la rue Julien-Lacroix. C'est à cette date qu'elle a adopté le tracé actuel. Entre-temps, la rue Ramponeau connaît la Commune de Paris. Le 28 mai 1871 s'y tient l'une des dernières barricades de la Semaine sanglante. Certains, comme les amis de la Commune[10], affirment qu'il s'agit de la dernière, dans le sillage de l'historien contemporain et acteur des événements, Prosper-Olivier Lissagaray, qui affirme : « La dernière barricade des journées de Mai est rue Ramponneau. Pendant un quart d'heure, un seul Fédéré la défend. Trois fois, il casse la hampe du drapeau versaillais arboré sur la barricade de la rue de Paris. Pour prix de son courage, le dernier soldat de la Commune réussit à s'échapper[11]. » Au contraire, Louise Michel, dans son livre La Commune, tendrait à situer la dernière barricade rue de la Fontaine-au-Roi : « La barricade de la rue Saint-Maur vient de mourir, celle de la rue Fontaine-au-Roi s’entête, crachant la mitraille à la face sanglante de Versailles. On sent la bande furieuse des loups qui s’approchent, il n’y a plus à la Commune qu’une parcelle de Paris, de la rue du Faubourg-du-Temple au boulevard de Belleville. Rue Ramponeau, un seul combattant à une barricade arrêta un instant Versailles. Les seuls encore debout, en ce moment où se tait le canon du Père-Lachaise, sont ceux de la rue Fontaine-au-Roi. Ils n’ont plus pour longtemps de mitraille, celle de Versailles tonne sur eux[12]. » L'emplacement de la dernière barricade Ramponeau a été situé à l'angle de la rue de Tourtille par une carte postale de l'illustrateur Albert Robida[13]. XXe siècleLe 8 mars 1918, durant la première Guerre mondiale, une bombe lancée d'un avion allemand explose au no 27 rue Ramponneau[14]. Belleville, terre d'asileBelleville a une ancienne et forte tradition de terre d'asile. Le quartier, après avoir accueilli au XIXe siècle les Auvergnats, Alsaciens et Bourguignons exilés du centre de Paris ou de province, a vu affluer plusieurs vagues de main-d'œuvre étrangère. Les juifs ashkénazes arrivent dès la fin du XIXe siècle. Après la Première Guerre mondiale, les Arméniens et les Grecs posent leurs valises à Belleville, suivis vers la fin des années 1930 par les juifs d'Allemagne, les Espagnols et les Algériens. La communauté juive ashkénaze de Belleville a payé un lourd tribut à la Seconde Guerre mondiale. Le Mémorial des enfants juifs déportés de France de Serge Klarsfeld recense 28 enfants habitant la seule rue Ramponeau[15]. Après la Seconde Guerre mondiale, une communauté juive d'Afrique du Nord (principalement de Tunisie) s’y installe, rejointe par des musulmans du Maghreb. Tandis que les anciens déménagent progressivement pour les nouveaux HLM de banlieue, les immigrés d'Afrique du Nord et de Yougoslavie s'installent dans les vieux immeubles ainsi que quelques travailleurs célibataires de l'Afrique de l'Ouest. Puis, dans les années 1980, une vague importante d'immigration chinoise prend pied à son tour à Belleville et investit les commerces. Turcs (principalement Kurdes) et Africains de l'Ouest de la deuxième vague (Mali, Sénégal etc.) font partie des derniers arrivants. Ces migrations façonnent durablement la rue Ramponeau. Le film Les Garçons Ramponeau[16] témoigne, à travers le destin croisé de trois amis d'enfance depuis les années 1920, d'un Belleville ouvrier et immigré traversé par la grève générale et les manifestations de 1936, la guerre et l'engagement dans la Résistance puis dans les combats sociaux d’après-guerre. Dans l'immeuble de style Art déco, construit en 1929 aux nos 27-29, vécurent les grands-parents Fryszman du cinéaste diariste Joseph Morder, auquel il consacra un film tourné dans leur appartement et dans le quartier, Avrum et Cypojra. Après leur décès, Joseph Morder y habita jusqu'en 2000[réf. nécessaire]. Autre célébrité bellevilloise, Lassana Diarra, footballeur français, fils d'un manutentionnaire et d'une femme de ménage d'origine malienne, a grandi rue Julien-Lacroix, sa famille ayant déménagé ensuite rue Ramponeau[17]. Le temps de la réhabilitationCet asile a un prix, celui de l'insalubrité. L'habitat, souvent de piètre qualité, est également très dégradé. Le quartier est inscrit dans la liste des îlots insalubres dès 1918. À partir des années 1960, la rénovation du quartier se traduit dans des tours et barres caractéristiques des « cités radieuses » de Le Corbusier dont témoigne le quartier voisin du Nouveau-Belleville. Le côté impair de la rue Ramponeau échappe de justesse au même sort grâce à l'action de ses habitants réunis dans l'association La Bellevilleuse fondée en 1989, lorsque la ville de Paris lance un projet de rénovation du Bas-Belleville. « Ce projet consiste à quasiment raser au moins 4 îlots sur le secteur Ramponeau-Belleville pour y construire un quartier neuf, en ignorant purement et simplement, non seulement les immeubles existants mais également la population y résidant[18]. » En 1996, le projet de ZAC est annulé devant un tribunal administratif. Un nouveau projet, faisant une grande part à la réhabilitation et au maintien des habitants, est finalisé (plan d'aménagement et de mise en valeur dit « plan de référence[19] »). Les constructions neuves (uniquement des logements sociaux) sont en harmonie avec les bâtiments anciens, les immeubles vétustes sont réhabilités soit par l'OPAC (logement sociaux) ou, pour les copropriétés ou les propriétés privées, subventionnées dans le cadre de l'OPAH. Début 2007, les travaux ont déjà largement façonné la rue Ramponeau. À cette date, il ne reste que deux grands chantiers à réaliser : la construction de l'immeuble précédant la Forge et la restauration du relais des Postes à l'angle du boulevard de Belleville. Côté numéros pairs, la partie aval de la rue Ramponeau a fait l'objet d'une reconstruction quasi intégrale avec des programmes novateurs sur le plan architectural qui se sont achevés au début des années 1990. La rénovation du secteur Ramponeau-Bisson-Tourtille a fait appel à des architectes de renom : Borel, Montès, Delorme, Ripault et Sarfati. Une gentrification contrariéeÀ partir des années 1980, s'installent à Belleville deux nouvelles populations : des classes moyennes françaises à qui l'on a attribué un logement social sans qu'elles aient choisi Belleville et qui souhaitent une « banalisation »[C'est-à-dire ?] du quartier et des commerces, et des jeunes artistes et cadres moyens qui s'y installent justement pour la diversité culturelle et l'aspect ancien du bâti. Rue Ramponeau, contrairement à d'autres quartiers de Paris, cette gentrification est contrariée par la très faible part de logements privés dans le foncier par rapport au logement social (probablement moins de 10 %, voir l'inventaire des bâtiments). De plus, des faits graves encore récents (règlements de compte dans la rue, trafic de drogue, incendie de voiture, etc.) maintiennent la mauvaise réputation que les Parisiens ont de la rue Ramponeau. Bâtiments remarquables et lieux de mémoirePlan détaillé sur le site de Paris à la carte de la Mairie de Paris[20]. Note : en gras sont indiqués les numéros faisant l'objet d'une plaque sur rue. Seuls les immeubles ayant façade sur la rue Ramponeau sont cités. Les nombreuses constructions des cours intérieures ne sont pas mentionnées.
Notes et références
AnnexesArticles connexesLiens externes
|