Rocher du Débarquement

Rocher du Débarquement
Le rocher du Débarquement, à l'extrémité nord-est de l'archipel de Pointe-Géologie.
Le rocher du Débarquement, à l'extrémité nord-est de l'archipel de Pointe-Géologie.
Géographie
Pays Drapeau de la France France
Archipel Pointe-Géologie
Localisation Mer Dumont-d'Urville
Coordonnées 66° 36′ 19″ S, 140° 03′ 48″ E
Point culminant 19 m
Géologie Île continentale
Administration
Territoire d'outre-mer Terres australes et antarctiques françaises
District Terre Adélie
Démographie
Population Aucun habitant
Autres informations
Découverte 1840
Fuseau horaire UTC+10:00
Géolocalisation sur la carte : Antarctique
(Voir situation sur carte : Antarctique)
Rocher du Débarquement
Rocher du Débarquement

Le rocher du Débarquement est une petite île rocheuse de l'archipel de Pointe-Géologie (terre Adélie), situé en mer Dumont-d'Urville (océan Austral) au large du continent antarctique. C'est l'une des principale îles Dumoulin, où eut lieu la prise de possession de la terre Adélie par la France le .

Description

Cette petite île rocheuse mais aussi très englacée fait 175 m de long pour 50 de large[1]. Elle est orientée dans une direction WSW–ENE, et atteint 19 mètres de haut[1],[2]. C'est l'une des principales et la plus septentrionale des îles Dumoulin. À 7 km au nord-est de l'île des Pétrels, elle constitue également l'extrémité nord-est de l'archipel de Pointe-Géologie[3].

Histoire

Rocher du Débarquement, . On dénombre treize personnes, dont une plantant un drapeau, et une autre brandissant une bouteille de vin. (Dessin de Louis Le Breton.)

Deux jours après avoir aperçu les falaises de glace bordant le continent antarctique, c'est dans la fin d'après-midi du [4] que les équipages des deux corvettes de l'expédition menée par Jules Dumont d'Urville repèrent enfin des îlots rocheux. Joseph Duroch, enseigne de vaisseau sur l'Astrolabe, et le lieutenant de vaisseau Joseph Dubouzet, second de la Zélée, embarquent sur deux canots avec Pierre-Marie Dumoutier, préparateur d'anatomie, et Louis Le Breton, chirurgien et dessinateur. Accompagnés d'une dizaine de matelots qui rament durant deux heures et demie pour parcourir 7 milles sur une mer semée d'« îles de glace », ils abordent par l'ouest le « rocher du Débarquement »[5], l'un des plus élevés et le plus septentrional du groupe d'îles qui sera ultérieurement dénommé îles Dumoulin. Ils y prennent pied à 21 h. En une demi-heure, ils y prélèvent des échantillons de roches et un fucus desséché, capturent quelques manchots, boivent une bouteille de bordeaux, et prennent possession des lieux en plantant le drapeau français. Ils ne s'attardent guère, et sont de retour à bord à 23 h, poussés par un vent d'est favorable.

Adrien Vincendon-Dumoulin, hydrographe de l'expédition, réalise un levé détaillé de l'îlot[6], mais sans lui-même y débarquer : adepte du « lever sous voiles », il procède à la longue-vue à plusieurs milles de distance, et en utilisant probablement le témoignage de Dubouzet, qui commandait le petit groupe débarqué. Étonnamment, son levé reproduit assez fidèlement le tracé actuel[1].

En janvier 1912, John King Davis, capitaine de l'Aurora, le voilier à vapeur de l'expédition antarctique australasienne de Douglas Mawson, longe les côtes de la terre Adélie après avoir déposé un groupe d'hivernants — dont Mawson — au cap Denison. Il fait voile vers l'ouest pour déposer un autre groupe en terre de la Reine-Mary, à plus de 2 000 km de distance. Passant devant les îles Dumoulin, il procède à une cartographie grossière depuis le large. Il boit à cette occasion du bourgogne dont Jean-Baptiste Charcot l'a muni, en souvenir des libations faites au bordeaux en 1840[7],[8].

Trente-cinq ans plus tard (1946-1947), le rocher est repéré sur des photos aériennes prises lors de l'opération Highjump de l'US Navy[9]. En octobre 1950, un groupe de trois hommes de la 3e expédition antarctique française en terre Adélie effectue un raid en traîneaux sur la banquise depuis la base de Port-Martin, 65 km plus à l'est. Ils identifient le rocher comme le lieu probable du débarquement[9],[10].

Échantillons de roches rapportés par l'expédition en 1840 (Muséum de Toulouse).

La comparaison entre les spécimens de roches déposés en 1840 au Muséum national d'histoire naturelle de Paris et des échantillons prélevés sur le terrain en 1993 et 2004 confirme que le débarquement a bien eu lieu à cet endroit[11].

Le rocher, qui s'allonge dans une direction WSW–ENE, a deux caps, la pointe Dubouzet à l'ouest, et la pointe Duroch à l'est[1]. Ce sont les noms des deux officiers de marine qui commandaient le détachement lors de la prise de possession de 1840.

Patrimoine

En 2006, le rocher du Débarquement a été inscrit comme site et monument historique de l'Antarctique (SMH 81), officiellement répertorié par le secrétariat du traité sur l'Antarctique[12].

Notes et références

  1. a b c et d « Terre Adélie / Archipel de Pointe Géologie / Rocher du Débarquement / 1:500 », sur archives-polaires.fr, Expéditions polaires françaises, (consulté le ).
  2. Paul-Émile Victor, Pilote de Terre Adélie : guide pour la navigation maritime, Paris, Expéditions polaires françaises, (1re éd. 1963) (lire en ligne), p. 66.
  3. « Terre Adélie / Pointe Géologie / Carte de travail dressée d'après les renseignements fournis par les expéditions 1950-1951, 1951-1952 et 1952-1953 / Édition provisoire », sur archives-polaires.fr, Expéditions polaires françaises, (consulté le ).
  4. Vincendon-Dumoulin 1845, p. 138, se fondant sur le journal de Dumont d'Urville, conserve pour cet événement la date du . Mais Dumont d'Urville, dans sa circumnavigation d'est en ouest à travers le Pacifique sud, a négligé d'ajouter un jour en passant le 180e méridien le . Une note de bas de page du volume « Physique » du Voyage au pôle Sud indique, à la date du et alors que l'Astrolabe est à l'ancre dans la baie de Coupang (Timor) : « Nous reprenons la date d'Europe. » (Voir François Barlatier-Demas, Louis Tardy de Montravel, Charles Kosmann et al., « Routes des corvettes, déclinaisons de l'aiguille aimantée et observations météorologiques faites à bord de l'Astrolabe », dans Clément-Adrien Vincendon-Dumoulin et Aimé Coupvent-Desbois, Voyage au pôle Sud et en Océanie – Physique, t. 1er, Paris, Gide, , xxi-387 (lire en ligne), p. 342) C'est donc seulement cinq mois après la découverte de la terre Adélie que la date correcte a été rétablie, et donc toutes les dates des livres de bord comprises entre le et le sont à incrémenter d'un jour. Ce problème de date est particulièrement difficile à démêler en raison d'erreurs typographiques jalonnant le volume « Physique » cité en référence, en particulier en haut du tableau de la p. 342 où il faut lire « juin » à la place de « mai ».
    Autre preuve irréfutable de ce décalage d'un jour tout au long de la relation du voyage de découverte de la terre Adélie : dans son rapport daté de mars 1840, Charles Wilkes indique que le brick Porpoise a aperçu l'Astrolabe et la Zélée le (Vincendon-Dumoulin 1845, p. 201-202) alors que Vincendon-Dumoulin conserve la date du 29 pour cette rencontre (Vincendon-Dumoulin 1845, p. 171-173). Un épisode similaire se déroule à la fin du roman de Jules Verne de 1872 Le Tour du monde en quatre-vingts jours, mais en oubliant cette fois de soustraire un jour depuis l'Ouest.
  5. Vincendon-Dumoulin 1845, p. 148-153. Voir aussi, à la fin du même tome, la note 19 de César Desgraz, secrétaire de Dumont d'Urville (p. 336-337).
  6. Voir encart sur la « Carte de la Terre Adélie. Régions circum-polaires », sur Gallica (consulté le ).
  7. (en) Janet Martin-Nielsen, A Few Acres of Ice: Environment, Sovereignty, and Grandeur in the French Antarctic, Ithaca (New York), Cornell University Press, , 276 p. (ISBN 978-1-5017-7210-8), p. 60.
  8. « L'entente cordiale dans l'Antarctique : des marins anglais boivent du bourgogne là où des marins français en burent voici 72 ans », Le Matin,‎ (lire en ligne).
  9. a et b (en) « Débarquement Rock », sur SCAR Composite Gazetteer of Antarctica, (consulté le ).
  10. Madeleine Liotard, Yves Vallette, Pierre Couesnon et Serge Kahn, Journal d'A.-F. Liotard, chef d’expédition Terre Adélie 1950, M. Liotard, , 276 p. (ISBN 978-2-95137411-9), p. 191-194.
  11. (en) Gaston Godard, Julien Reynes, Jérôme Bascou, René-Pierre Ménot et Rosaria Palmeri, « First rocks sampled in Antarctica (1840): Insights into the landing area and the Terre Adélie craton », Comptes Rendus Geosciences, vol. 349, no 1,‎ , p. 12-21 (lire en ligne).
  12. (en) « List of Historic Sites and Monuments approved by the ATCM » [PDF], sur Antarctic Treaty Secretariat, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Adrien Vincendon-Dumoulin, Voyage au pôle Sud et dans l'Océanie sur les corvettes l'« Astrolabe » et la « Zélée » : Histoire du Voyage, t. 8, Paris, Gide et Cie, , 295 p. (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes