Fille de Maurice Gailhoustet, comptable puis directeur adjoint du journal L'Écho d'Oran, Renée Gailhoustet suit des études littéraires à Paris, en classe préparatoire, ensuite à la Sorbonne où elle obtient une licence de lettres. Militante aux Jeunesses communistes à l'université, c'est par conviction qu'elle décide de se diriger vers l'architecture[3].
Elle entre à la fin de l'année 1952 à l'École nationale supérieure des beaux-arts, dans l'atelier de Marcel Lods, André Hermant et Henri Trezzini, le seul qui à l'époque accepte les femmes[3]. Elle y fait la rencontre de Jean Renaudie, avec qui elle entame une relation qui durera jusqu'en 1968 et dont elle a deux filles. Fin 1958, elle quitte cet atelier pour intégrer l'atelier extérieur de Jean Faugeron. Elle est diplômée en 1961 sur un projet de tour de logements en semi-duplex : dès cette époque, elle est une des rares architectes à s'intéresser aux problématiques du logement social[4].
Elle entre dans l'agence de Roland Dubrulle en 1962 et se voit confier le projet de rénovation d'Ivry-sur-Seine[5]. En 1968, la Tour Raspail est édifiée. Elle conçoit ensuite les tours Lénine, Casanova et Jeanne Hachette, ainsi que la cité Spinoza[6],[7], puis le Liégat, grand ensemble mêlant 140 logements sociaux et des locaux d'activités, garnis de terrasses végétalisées et de patios plantés[8]. Elle devient finalement architecte en chef de la ville en 1969. C'est dans ce cadre qu'elle invite Jean Renaudie à réfléchir avec elle sur le plan masse de la rénovation. Il obtient ici ses premières commandes en tant qu'architecte indépendant après son départ de l'atelier de Montrouge. La coopération entre les deux architectes a été intense, presque fusionnelle, entraînant des divergences de vue sur l'attribution[9],[10]– certains commentateurs affirment que Renaudie a été son « mentor »[11], tandis que d'autres y voient une tendance, dans le passé, à attribuer trop de crédit à Renaudie pour les projets sur lesquels ils ont travaillé en tant que partenaires égaux[12].
Dans ses réalisations, Gailhoustet rejette le principe de séparation des fonctions qui règne dans les grands ensembles sans pour autant vouloir revenir à la ville traditionnelle. S'appuyant sur les réflexions des architectes du Team X, notamment l'équipe de Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods chez qui elle a travaillé, et sur les propositions inédites de Renaudie construites à Ivry, elle préconise au contraire la différenciation et l'imbrication des espaces[13],[14]. Le logement, le commerce et les services publics sont entrelacés dans son modèle d'urbanisation. Les piétons ne sont pas canalisés en parallèle avec les automobiles ; ils se déplacent à travers des zones piétonnes, des ponts et des escaliers[15].
Les résidences qu'elle a créées étaient non conventionnelles et non standardisées[10]. En mettant l'accent sur les terrasses individuelles et les plans d'étage à plusieurs niveaux et ouverts, elle a offert aux résidents une qualité d'architecture qui n'est généralement pas associée au logement social[16],[10]. Son matériau de construction préféré était le béton brut mais elle l'a complété par un espace suffisant pour la végétation[10],[17].
Elle fonde sa propre agence en 1964 et collabore avec de nombreuses municipalités communistes de proche banlieue[18] parisienne ainsi qu'à La Réunion. Elle est nommée architecte-conseil de l'État pour le département de la Nièvre.
En 1999, Gailhoustet doit fermer son cabinet d'architecture faute de mandats. À partir des années 1980, son style d'architecture idiosyncrasique n'était plus à la mode. Le postmodernisme était la tendance dominante à l'époque et la rentabilité la préoccupation dominante[19].
En résumant sa carrière, l'architecte britannique d’origine iranienne Farshid Moussavi, présidente du jury 2022, souligne :
« Les réalisations de Renée Gailhoustet vont bien au-delà de ce qui est produit partout aujourd’hui en tant que logement social ou abordable. Son travail fait preuve d’un fort engagement social qui rassemble la générosité, la beauté, l’écologie et l’inclusion. »
Gailhoustet meurt le à l'âge de 93 ans à Ivry-sur-Seine, dans son appartement HLM au 5ᵉ étage du Liégat[20],[17]. Dans son élégie à Gailhouster, le ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, déclare ː
En choisissant d’organiser l’espace suivant des parcours diversifiés, variées, surprenants et complexes comme la vie, Renée Gailhoustet aura su montrer qu’il existe mille et une façons d’habiter notre monde et que les murs des logements peuvent libérer plus qu’enfermer[10].
1963-1968 : tour d'habitation Raspail, avec commerces et atelier municipal, Inscrit aux Monuments Historiques
1966-1970 : tour d'habitation Lénine, avec commerces et atelier
1966-1973 : ensemble Spinoza, avec bibliothèque enfantine, centre médico-psycho-pédagogique, foyer pour jeunes travailleurs, locaux d’activités et crèche
1968-1970 : kiosques Lénine et Raspail
1971-1982 : Le Liégat, ensemble de logements à terrasses, locaux d’activités. Labellisé Architecture contemporaine remarquable
1971-1973 : tour d'habitation Casanova, avec foyer pour personnes âgées, locaux d’activités
1972-1975 : tour d'habitation Jeanne Hachette, avec commerces, locaux d’activités,
1971-1986 : ensemble de logements à terrasses Marat, avec commerces, supermarché
Autres
1975-1986 : quartier de la Maladrerie à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) avec logements à terrasses, résidence pour personnes âgées, ateliers d’artistes, commerces, labelisé « patrimoine du XXe siècle »[23],[24]
1977-1986 : Îlot 8 avec logements à terrasses, galerie commerciale, locaux d’activités, ZAC Basilique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
1978-1985 : ensemble de logements, locaux d’activités de la ZAC Paul Bert à Villejuif (Val-de-Marne)
1985- 1993 : ensemble de logements et supermarché à Gentilly (Val-de-Marne)
1985-1994 : maison de quartier Jacques Brel à Romainville (Seine-Saint-Denis)
1986-1989 : logements à terrasses et varangues de Sainte-Thérèse, Baudelaire, La Possession (La Réunion)
1986-1989 : ensemble Rico-Carpaye de logements à terrasses et varangues, école maternelle, ZAC de la Plaine des Galets, Le Port (La Réunion). Associée avec Serge Renaudie.
1988-1991 : réhabilitation et extension des ateliers de la ZAC Montjoie à la Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
1989-1993 : collège Jean Jaurès de Montfermeil (Seine-Saint-Denis)
1993-1995 : logements, ZAC du centre-ville à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis)
Publications
Des racines pour la ville, éd. de l'Épure, 1998, 151 p.
Éloge du logement, éd. Massimo Riposati, 1993, 95 p.
Le Panoramique et l'observatoire de la ville, éd. Ne Pas Plier, 2000
Renée Gailhoustet et Gérard Grandval : le , conférence animée par Bruno Vayssière, éd. du Pavillon de l'Arsenal, coll. « Architectes repères, repères d'architectures », 1998, 59 p.
Expositions
Plusieurs expositions ont été consacrées à son œuvre (ainsi qu'à celle de Jean Renaudie) à Ivry-sur-Seine, dont une à l'occasion du festival d'architecture La tête dans les étoiles[25],[26] en 2016.
↑Isabelle Rey-Lefebvre, « Les immeubles des années 1970, et leurs avantages, sont revenus en grâce pendant le confinement », Le Monde, (lire en ligne).
↑ a et bPhilippe Trétiack, « Renée Gailhoustet reçoit le Grand Prix de Berlin », Le Quotidien de l'art, no 1649, (lire en ligne).
Bénédicte Chaljub, « Renée Gailhoustet » in Architectures expérimentales 1950-2000, collection du Frac Centre, HYX, , Orléans
Filmographie
L'Art de faire la ville : Renée Gailhoustet, architecte urbaniste, documentaire de Jean-Pierre Lefebvre et Christian Merlhiot, 1996, 23 min, couleur, vidéo, prod. Périphérie production et conseil général de la Seine-Saint-Denis ; [présentation]