Ranavalona Ire
Ranavalona Ire, née vers 1788 et décédée le , est une reine malgache issue des hautes terres de l'île (en Imerina). Elle règne sur le royaume de Madagascar de 1828 à 1861. Elle est d'abord désignée du nom de Mavo (ou Ramavo) et ensuite Rabodonandrianampoinimerina (ce qui signifie « la petite fille ingénue d'Andrianampoinimerina »), en référence à son oncle, le roi Andrianampoinimerina. Elle devient reine de Madagascar après la mort de son mari et deuxième cousin, Radama Ier. On la désigne également par le titre de Ranavalo-Manjaka Ire (« Ranavalona régnante »). Cette période est marquée par une prise de distance vis-à-vis des Européens. Considérée comme une souveraine autoritaire, elle n'en reste pas moins une souveraine dotée d'une envergure certaine, qui reste une référence dans l'imaginaire indépendantiste national. BiographieEnfance et accession au trôneRabodonandrianampoinimerina naît entre 1788 et 1790 d'une cousine du roi Andrianampoinimerina et est ensuite adoptée par Ralesoka, sœur aînée de ce dernier. C'est à ce titre qu'elle devient membre de la très haute aristocratie malgache, ce qui amène Andrianampoinimerina à en faire l'épouse principale de son fils et successeur immédiat, Radama, futur Radama Ier. La lignée royale perdure ainsi, fruit de nobles ascendances. Lorsque Radama meurt le , laissant derrière lui une princesse héritière Razafinimanjaka Raketaka, son unique fille qu'il a eu avec la reine Sakalava Rasalimo. selon la coutume locale, l'héritier légitime est Rakotobe, le fils aîné de la sœur aînée de Radama. Jeune homme intelligent et aimable, Rakotobe est le premier élève à avoir étudié dans la première école créée par le London Missionary Society à Antananarivo, sur les terrains du palais royal. Radama meurt en compagnie de deux courtisans de confiance qui étaient favorables à la succession de Rakotobe. Cependant, ils hésitent pendant plusieurs jours à rapporter les nouvelles de la mort du roi, craignant des représailles possibles contre eux pour avoir été impliqués dans la dénonciation de l'un des rivaux du roi, dont la famille avait un intérêt dans la succession après Radama. Pendant ce temps, un autre courtisan, un officier militaire de haut rang nommé Andriamamba, a découvert la vérité et a collaboré avec d'autres agents puissants — Andriamihaja, Rainijohary et Ravalontsalama — pour appuyer la demande de Ramavo d'accession au trône. Ces officiers ont caché Ramavo et un de ses amis dans un endroit sûr ; ils ont ensuite obtenu le soutien de plusieurs courtisans influents et puissants, y compris les juges et les gardiens de la sampy (des idoles royales). L'armée se rallie derrière Ramavo, de telle sorte que le , quand elle se nomme successeur de Radama sous prétexte qu'il l'avait lui-même décrété, il ne peut y avoir aucune résistance immédiate. Ramavo prend le nom de trône de Ranavalona, puis suit la coutume royale en capturant systématiquement et en mettant à mort ses rivaux politiques, y compris Rakotobe, sa famille et d'autres membres de la famille de Radama, autant que Radama l'a fait à la propre famille de la reine lors de sa succession au trône de cette dernière. Son couronnement a lieu le [1],[2]. Diplomatie et lutte contre l'expansionnisme militaire et religieux européenElle poursuit, avec moins de succès que ses prédécesseurs, l'expansion territoriale de son royaume et mène de nombreuses expéditions pour pacifier les territoires conquis, tels le Ménabe méridional, le Boina et les régions du nord-est de l'île. Fervente nationaliste, elle combat l'influence étrangère, notamment celle des missionnaires chrétiens dont les fidèles sont martyrisés. La puissance de certaines castes s'accroît, comme celle des andriana de la famille royale et celle des chefs militaires hova. Dans un premier temps, Ranavalona Ire cherche à poursuivre l'œuvre de modernisation du royaume commencée par son prédécesseur. Très vite cependant, elle doit faire face à l'hostilité des Français qui, en 1829, entreprennent par l'intermédiaire de l'amiral Gourbeyre d'attaquer divers points de la côte orientale de l'île. Cette agression inopinée aiguise la méfiance de la reine contre les ambitions européennes, d'autant plus que l'œuvre d'évangélisation des missionnaires britanniques, installés au cœur du royaume depuis 1820, commence à porter ses fruits. Redoutant par-dessus tout la perte de l'indépendance pour son pays, elle dénonce le traité anglo-malgache de 1820 et demande donc aux Britanniques de renoncer à la propagation religieuse pour se contenter des travaux d'éducation auxquels elle tient beaucoup. Mais ces derniers refusent et, en 1835, la reine les fait expulser de l'île[3]. Elle se contente ensuite de recourir à la contribution de techniciens indépendants, tels notamment que l'aventurier Jean Laborde, pour l'aider à poursuivre les travaux de modernisation (il lui fait notamment construire une maison de repos). Celui-ci accomplit sans l'aide d'aucun technicien une œuvre considérable, en dotant Madagascar d'une industrie métallurgique et chimique et en introduisant un grand nombre de nouveautés techniques. Il fait aussi fabriquer des canons alors qu'elle missionne un Français, Napoléon de Lastelle, afin qu'il lui fournisse des fusils[4]. Pour contrebalancer l'influence européenne, les dirigeants malgaches envisagent des contacts entre le port de Majunga et Zanzibar. Par la suite, pour essayer d'éradiquer le christianisme chez ses sujets, dans lequel elle distinguait avant tout un moyen d'infiltration au service des ambitions coloniales européennes, elle fait pourchasser les autochtones convertis, considérés comme des traîtres à la patrie (mpivarotra tanindrazana, littéralement « vendeurs de la terre ancestrale »). Elle déclare d'ailleurs dans un discours en 1849 : « Miala amiko ka mba ialako, mahafoy ahy ka mba foiko ! » (« Ils (les chrétiens) m'ont reniée [en tant que symbole vivant de leur patrie], aussi je les renie ; ils ont renoncé à moi, je renonce à eux ! »). Elle adresse ainsi la lettre suivante aux Européens présents sur l'île[5], révélant ainsi avec pragmatisme une tolérance modérée pour ceux qui ont amélioré le système éducatif malgache mais aussi une fermeté prononcée vis-à-vis des ambitions que pourraient avoir ces derniers :
Une économie qui souffre de cette diplomatieSous Ranavalona Ire, le royaume merina continue donc à se moderniser tant bien que mal, tout en poursuivant la consolidation de son statut en tant que royaume de Madagascar. Des nouvelles régions côtières sont soumises, afin notamment d'empêcher les Français de s'y établir. En 1845, ses troupes doivent même repousser des attaques conjointes des marines françaises et britanniques (dirigées respectivement par l'amiral Romain-Desfossés et le commandant Kelly), ce qui l'amène à fermer davantage encore l'île au commerce européen durant huit ans et d'imposer aux commerçants des deux pays une indemnité de 15 000 piastres, pour réparer les dégâts matériels subis à Manerinerina. Mise à part cette parenthèse, l'aversion prononcée de la reine Ranavalona envers les Européens s'exerce surtout dans le domaine idéologique et religieux, son pragmatisme l'amenant toutefois à revoir ses positions, surtout par rapport aux revenus substantiels que le commerce international peut apporter au royaume de Madagascar[5]. Malheureusement, ces campagnes ne manquent pas d'affecter lourdement les maigres ressources du royaume, que ce soit du point de vue financier ou militaire. Entre autres conséquences, il en a résulté un développement du commerce interne des esclaves (et également externe, clandestinement, par l'intermédiaire des trafiquants swahilis et arabes). Cela entraîne un afflux considérable de déportés étrangers jusqu'au cœur du pays merina, à l'origine ensuite du développement de la communauté des Mainty. Un bilan globalement positif dans le développement et l'indépendance du royaumeRanavalona Ire agit dans la continuité de l'œuvre d'Andrianampoinimerina et de Radama Ier. Du point de vue national, elle apparaît comme une grande souveraine, symbole même du patriotisme et de la fierté nationale. On a aussi retenu d'elle cette phrase, en réponse aux prétentions des missionnaires chrétiens : « ny fomban-drazako tsy mba mahamenatra ahy na mampatahotra ahy ! » (« Je ne ressens ni honte ni crainte au sujet des coutumes de mes ancêtres ! »). Cela permet de comprendre pourquoi, dans l'historiographie coloniale et dans l'historiographie chrétienne traditionnelle, elle a été présentée, à l'inverse, comme un symbole d'obscurantisme et de cruauté[6],[7],[8]. La reine Ranavalona a fait préparer un dictionnaire anglais-malgache. L'école de langue compte quarante élèves qui joueront un rôle diplomatique de premier plan dans la seconde moitié du siècle. Fin de vie et successionÀ son décès, le , son fils Radama II lui succède. Après 33 ans de règne, Ranavalona laisse derrière elle un pays puissant et autoritaire. Elle est enterrée à la basilique royale qu'elle fit construire. Son tombeau est couvert de bijoux, de perles et de la couronne de la reine. Radama II mourra assassiné 20 mois plus tard. Ascendance
AnnexesNotes et références
Bibliographie
Articles connexesLiens externes
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