RacailleLe terme racailleÉcouter désigne un groupe craint et méprisable au comportement antisocial, issus des catégories les plus pauvres de la population[1],[2].Cette définition se référant à « une masse méprisable » ne reconnaît pas de distinction individuelle, son utilisation est donc invariable au singulier féminin : « La racaille » ; parfois couplée à un partitif : « de la racaille ». « Racaille » désignant en général les franges médiatisées de la société, à l'intelligence, aux motifs et aux privilèges nombreux pour les ceux les désignant ainsi. Ce terme peut être utilisé de manière étendue, pour définir une partie qui ne se conforme pas aux règles et usages standards, par exemple « la racaille de la finance » désignerait une partie des individus travaillant dans ce domaine et adoptant un comportement déviant, assimilable dans ce cas à de la délinquance financière. ÉtymologieL’étymologie du terme « racaille » n’est pas clairement définie mais a été rapprochée, sur la base homophonique indo-européenne rack soit « tueur », de l’anglais rascal (« canaille ») et du russe raskol (« rebelle, dissident »). Le radical rack est d’origine germanique (racker en allemand pour désigner un « équarrisseur ») et on en trouve trace dans le vieil anglais rack soit « chien ». Cependant que l'anglais rascal provient directement du racaille français, mot formé sur le même principe que canaille qui dérive indirectement du latin canis (« chien ») et que l’on propose souvent en synonyme[3]. Racaille pourrait aussi être une forme normano-picarde ayant la même racine que l’ancien français rasche ou rache (« teigne ») du latin vulgarisé rasicare (« gratter »). Ainsi trouverait-on une trace de ce terme dans le provençal rascar (« racler ») ou raca (« rosse », « chien »), et même dans la Bible en français où il tient lieu d’insulte sous la forme raca (Matthieu, 5, 22 : « Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère contre son frère mérite d’être puni par les juges ; que celui qui dira à son frère : « Raca » ! mérite d’être puni par le sanhédrin »). En provençal, l’utilisation du suffixe -alha, prononcé « aille », est très courante pour désigner un amas informe, et on peut aussi remarquer l’existence du verbe racar (« vomir »)[4]. Racaille n’a donc pas une étymologie basée sur l’italien razza, qui a donné « race » en français, bien que certaines utilisations de ce terme prêtent à confusion. Si on fait abstraction de la similitude phonétique entre race et racaille, le problème reste entier car les définitions que l’on donne du mot racaille nous renseignent peu, voire pas du tout, sur les groupes ou les personnes qu’il entend qualifier. L’utilisation du terme pour désigner des individus et non plus des groupes a par métonymie créé le passage du singulier « la racaille » désignant un groupe, au pluriel « les racailles », désignant des individus : « Ils ont mis une machine derrière le mur, ces racailles ! »[5]. LittératureL'utilisation du terme racaille dans la littérature permet de rendre compte de l'évolution de sa signification au fil du temps.
« … de mon naturel je haïs & je déteste cette racaille d'esprits malins, qui voyans paroître quelque esprit relevé, comme un Astre nouveau, au lieu de lui savoir bon grès de ses labeurs, & nouvelles inventions, s'enflent d'envie contre lui, et n'ont d'autre but que d'offusquer ou éteindre son nom, sa gloire & ses mérites; bien qu'ils soient par lui tirez de l'ignorance des choses dont libéralement il leur donne la connaissance. »
Ces auteurs utilisent le terme pour désigner une grande diversité d’individus (respectivement un « laquais », des « rats », un « chapon » et la « bourgeoisie »). Plus tard, le mot caricature la bourgeoisie à travers la plume de divers auteurs :
Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que le vocable semble se radicaliser dans les dictionnaires :
La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle s’inscrivent dans cette continuité. Des auteurs tels que Émile Zola (L'Assommoir, 1877, p. 788) avec « Ils ont mis une machine derrière le mur, ces racailles ! », Alphonse Daudet (Tartarin de Tarascon, 1902, p. 145), François Coppée (Œuvres complètes, 1909, p. 133) ou Saint-Exupéry (Citadelle, 1944, p. 537) utilisent ce vocable. En 1944, Elsa Triolet l'emploie dans son recueil de nouvelles sur la Résistance. La « racaille » est aux côtés du « ramassis de vauriens » et des « bandits ». Le terme est utilisé pour montrer la déshumanisation d'un ennemi contre lequel son personnage recourt à la violence. Une fois l’ennemi déshumanisé, le poids de la culpabilité se fait moins lourd[7] :
Albert Camus dans La Peste (1947, pp. 56-57) utilise le terme pour qualifier un agresseur qu'on ne peut nommer soit par peur de représailles, soit parce que la ou les personnes n’ont pas été reconnues. Dans ce cas, le mot est utilisé comme exutoire de ses propres peurs dont la cause reste indéterminée :
ControversesPolémique : France, 2005En France, le terme a connu un regain d’intérêt après les déclarations de Nicolas Sarkozy, le mardi , alors qu’il s’exprimait comme ministre de l'Intérieur à Argenteuil (Val-d'Oise). Ce n'est que le qu'on précise qu'il s'agissait d'une réponse à une habitante de la cité qui avait employé la première ce terme. Interrogé par différents journalistes, Nicolas Sarkozy s'est lui-même justifié à plusieurs reprises en confirmant la version du témoin, tout en dénonçant la récupération politique de l'anecdote, notamment lors d'un entretien avec Loïc Le Meur à l'hôtel de Beauvau le .
La phrase a immédiatement soulevé une vive polémique en France. Une équipe de journalistes de Arrêt sur images a enquêté à Argenteuil, une semaine après l'incident, pour déterminer le contexte exact de la « petite phrase ». Daniel Schneidermann, le présentateur de l’émission, a cherché à mettre en évidence le parti pris médiatique que constitue à ses yeux le flou laissé sur le contexte exact, la reprise du terme, l'accent sur la phrase et l'accueil hostile et spectaculaire du ministre sans que soient diffusées les images complémentaires : « toutes les caméras ont filmé ces discussions mais aucune ne les a montrées »[8]. Certains observateurs considèrent même que la phrase aurait participé (avec l’utilisation concomitante de l’expression « nettoyer les cités au Kärcher » et l’électrocution de deux jeunes) à provoquer les émeutes des banlieues françaises du 1er au [source insuffisante]. Le ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag, dénonça cette phrase du ministre de l'Intérieur dans le journal Libération le 1er novembre[9]. Il répond :
Même après les précisions apportées, l'utilisation que le ministre avait fait de mots comme « racaille » en public, l'expression reste perçue par certains comme une attaque envers tous les jeunes des quartiers populaires[10]. Le journal L'Humanité a même considéré l'emploi de le terme comme une provocation délibérée[11]. De manière plus générale, les analystes du discours de Nicolas Sarkozy, tel le politologue Damon Mayaffre, estimeront que l'arrivée de Sarkozy à l'Élysée constitue une rupture discursive avec le passé, avec l'apparition d'un vocabulaire polémique, d'une syntaxe relâchée voire a-grammaticale et du « dissensus » social[12]. Enfin, le , le président de la République, Jacques Chirac, fait connaître par voie de presse son sentiment sur la terminologie en politique et clôt le débat de manière péremptoire[13] :
Voir aussiSynonymie
Articles connexesBibliographie
Liens externes
Notes et références
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