Un point chaud est, en géologie, une région à la surface d'une planète, d'étendue limitée et dont l'activité volcanique intense est due à des remontées chaudes de manteau nommées panaches[1]. Actuellement[Quand ?], les connaissances sur les points chauds et les phénomènes internes à leur origine sont encore incomplètes.
Au sein de la Terre, certaines zones du manteau particulièrement chaudes et donc moins denses sont à l'origine d'une remontée de roches sous l'effet de la poussée d'Archimède. Il s'ensuit la formation d'un diapir mantellique qui remonte sous la forme d'un panache. Ce dernier, s'approchant de la surface de la Terre, commence à fondre par décompression (vers une profondeur de l'ordre de 100 km), engendrant un magmabasaltique qui, dès qu'il est en proportion suffisante, traverse la lithosphère jusqu'à la percer, engendrant la formation de volcans dits de point chaud. Le déplacement des plaques tectoniques par rapport à la remontée mantellique est à l'origine d'alignements volcaniques à la surface de la Terre, dont seul le dernier volcan est en activité, comme les îles Hawaï, les îles Marquises ou l'archipel de la Société.
Les raisons pour lesquelles certains endroits du manteau sont relativement plus chauds demeurent incertaines. L'accumulation de matériaux réintroduits au sein du manteau à la faveur des subductions, et potentiellement enrichis en éléments radioactifs (potassium, uranium, thorium) donne une explication cohérente avec la mesure de signatures isotopiques particulières dans leurs matériaux épanchés en surface. L'évacuation de la chaleur du noyau terrestre, que ce soit sa chaleur résiduelle de formation, la chaleur latente de cristallisation de la graine ou la chaleur de radioactivité, est un autre moteur invoqué pour l'instabilité de la couche limite entre le noyau et le manteau, couche limite dont le subodoré statut de cimetière des plaques subduites depuis la ceinture de feu du Pacifique depuis environ 500 Ma, fait un bon candidat pour certains points chauds, comme celui d'Hawaï.
Historique du concept
La découverte des points chauds s'est effectuée parallèlement à celle de la tectonique des plaques.
En 1963, John Tuzo Wilson fait le constat que des chaînes volcaniques océaniques pouvaient avoir été « tracées » sur la plaque lithosphérique les supportant par une source magmatique fixe, située sous cette plaque, qui se meut avec le temps.
En 1971, William Jason Morgan suggère que cette source fixe sous la plaque est alimentée par un panache chaud montant au travers du manteau[3].
Depuis la fin des années 1990, d'autres hypothèses émergent qui font de la tectonique des plaques le moteur et du manteau l'origine des points chauds. Ceux-ci sont d'ailleurs plutôt nommés anomalies de fusion dans ces théories.
En 2003, Vincent Courtillotet al. proposent l'existence de trois types de points chauds en fonction de l'origine du panache mantellique : les points chauds dits primaires, à panache profond provenant sans doute de la limite inférieure du manteau (îles Hawaï, La Réunion), les points chauds dits secondaires, à panache intermédiaire provenant sans doute du toit de la zone de transition du manteau (îles Canaries, îles Galápagos), les points chauds dits superficiels liés aux zones de contrainte dans la lithosphère (Açores, Comores)[4].
Modèle
Le volcanisme de point chaud est dû à un magmatisme ayant percé la lithosphère jusqu'à sa partie supérieure, la croûte terrestre. Il est causé par des panaches de matériaux chauds qui remontent du manteau, ce qui conduit à la création de volcans :
Les roches de ces points chauds sont des basaltes d'îles océaniques (OIB). Leur nature chimique particulière, dans la famille des basaltes, signe une origine différente des basaltes des dorsales océaniques (MORB). Les points chauds sont des témoins des déplacements des plaques lithosphériques, car le panache de matériaux chauds qui est à leur origine est, en première approximation, fixe.
On peut ainsi suivre le déplacement de la plaque pacifique, à travers l'alignement des îles Marshall, et l'archipel des îles Empereur, par exemple. Ces archipels sont issus d'un même point chaud qui provoque la naissance d'un volcan. La plaque se déplaçant régulièrement, le volcan finit par s'éteindre et un autre apparaît au-dessus du point chaud[5]. Par la datation des âges des basaltes constituant ces îles, on peut en déduire la vitesse de la plaque.
Les points chauds sont responsables d'épanchements de magmas en très grandes quantités, par exemple, les trapps du Deccan, de Sibérie, d'Éthiopie, ainsi que d'immenses plateaux océaniques (Ontong Java, plateau de Kerguelen, plateau caraïbe, plateau des Malouines/Falklands, etc.). Les matériaux sources des points chauds sont issus de couches limites dans le manteau, notamment celle située au-dessus de la limite entre manteau inférieur et manteau supérieur (à la profondeur de 670 km), et celle située au-dessus de la limite entre manteau et noyau (2 900 km). Outre ces couches limites, l'asthénosphère traversée et la lithosphère locale contribuent à la composition des magmas produits, ainsi que le tracent différents éléments chimiques étudiés par la géochimie.
L'activité des points chauds a probablement profondément modifié l'histoire de la Terre, d'une part en modifiant le climat de la planète et d'autre part, parce qu'on suppose qu'ils peuvent être associés à l'ouverture de certains océans :
le climat mondial est modifié par les éruptions volcaniques, notamment lorsqu'elles ont une importance telle que celles à l'origine des trapps et des plateaux océaniques. Les effets sont différents selon l'échelle de temps considérée :
à l'échelle de l'année voire de la décennie selon l'importance de l'éruption, la projection dans l'atmosphère de particules très fines (cendres) provoque la création d'un voile qui diminue le rayonnement solaire à la surface du globe. Ceci entraîne donc une baisse des températures moyennes,
à l'échelle du millier voire du million d'années la libération de CO2 et d'autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère qui accompagne les éruptions volcaniques est à l'origine d'une augmentation de celui-ci et donc d'un réchauffement des températures moyennes,
à l'échelle de plusieurs millions d'années l'altération des basaltes produits en grande quantité par les éruptions consomme du CO2. À long terme on observe donc une baisse de l'effet de serre et donc une baisse des températures moyennes à la surface du globe ;
les points chauds sont suspectés d'intervenir aussi dans le phénomène de rifting actif. La remontée de matériel chaud depuis le manteau profond provoque l'amincissement de la lithosphère qui s'accompagne d'un bombement et souvent de tectonique en extension (c'est le cas dans l'Afar par exemple). Cet amincissement de la lithosphère la fragilise et peut conduire à la formation d'une zone de moindre résistance au sein d'une plaque lithosphérique. Selon les contraintes à l'échelle de la plaque on peut alors assister à son déchirement et à l'ouverture d'un nouvel océan. Ce scénario est proposé pour l'ouverture de l'océan Indien de l'ouest (trapps du Deccan), de l'Atlantique central (Province magmatique centre atlantique) et du sud (province du Parana et point chaud de Tristan da Cunha).
L'hypothèse point chaud est intéressante à plus d'un titre :
elle est simple et explique la plupart des observations,
les points chauds semblent rester fixes pendant que les plaques se déplacent en tous sens,
la chimie de leur magma suggère une origine différente du manteau supérieur et de la croûte,
les panaches apparaissent comme la contrepartie de la subduction des plaques,
le phénomène est reproductible en laboratoire et par des modèles numériques,
et l'hypothèse est fructueuse.
C'est même ce dernier point qui a retardé l'apparition d'explications alternatives. L'hypothèse était trop productive pour être abandonnée.
Néanmoins, les recherches stimulées par cette hypothèse, tout en confirmant certains points, ont mis en évidence que certaines preuves n'en étaient pas[6] :
la tomographie sismique montre bien ce qui pourrait être des panaches, mais seulement dans le manteau supérieur (ce qui n'est pas décisif, la précision étant en général insuffisante à grande profondeur),
pour certains points chauds, on a pu déterminer que l'anomalie est superficielle (sous les Marquises il peut s'agir d'une anomalie de densité, sous le Yellowstone la zone de transition est froide et non chaude, sous l'Islande l'anomalie semble s'arrêter à 400 km de profondeur seulement),
les anomalies de température et de fluidité et les anomalies chimiques entrent dans la variabilité normale du manteau supérieur.
Liste des points chauds
La liste suivante recense les points chauds bien caractérisés par une ligne de volcans ou une grande province magmatique[a]. Le numéro de point chaud de la colonne 2 fait référence à celui sur la carte ci-contre. Sauf indication contraire, les positions et déplacements des points chauds proviennent de l'ouvrage Plate velocities in hotspot reference frame de W. J. Morgan et J. P. Morgan[8].
Légende de la colonne « Déplacement » :
p : précision de l'azimut, sur une échelle de 0,2 (très peu précis) à 1 (très précis). Quand la précision n'est pas quantifiée, elle est représentée par une lettre :
A s'il existe presque certainement un point chaud, mais qu'il n'y a pas d'alignement volcanique visible,
B s'il y a peut-être un point chaud, mais sans certitude,
C s'il n'y a probablement pas de point chaud, même si certaines caractéristiques sont présentes ;
Sur les 45 points chauds « primaires » trouvés dans la plupart des compilations, 22 (soit 49 %) forment des paires antipodales (dans la limite des dérives observées, moins de 20 mm/an). Quant ils sont connus, les âges ou plages d'âge des deux points chauds d'une paire se chevauchent ou sont inférieurs à 10 Ma. Les paires comprennent toutes au moins un point chaud océanique, systématiquement opposé à un point chaud lié à une grande province ignée. Ce volcanisme continental pourrait être dû à la focalisation au point antipodal de l'énergie sismique générée par un impact cosmique particulièrement violent, en domaine océanique[14].
Notes et références
Notes
↑Des points chauds plus anciens sont caractérisés par des morceaux de lignes de volcans ou de provinces magmatiques, séparés aujourd'hui par l'expansion des fonds océaniques. Le plus ancien actuellement reconnu date d'environ 1,8 Ga[7].
Références
↑André Brahic, Sciences de la Terre et de l'Univers, Vuibert (ISBN2711752801)
↑Reproduite d'après Adolphe Nicolas, Les Montagnes sous la mer, BRGM, 1990, 188 p.
↑(en) William Jason Morgan, « Convection plumes in the lower mantle », Nature, vol. 230, no 5288, , p. 42–43
↑(en) V. Courtillot, A. Davaille, J. Besse & J. Stock, « Three distinct types of hotspots in the Earth's mantle », Earth and Planet Sci. Lett, vol. 205, nos 3-4, , p. 295–308 (lire en ligne).
↑(en) Ian H. Campbell, Andrew C. Kerr, « The Great Plume Debate: Testing the plume theory », Chemical Geology, vol. 241, no 3, , p. 149–152 (DOI10.1016/j.chemgeo.2007.01.013, lire en ligne).
↑(en) Peng Peng, Huiru Xu, Ross N. Mitchell, Wilson Teixeira, Uwe Kirscher et al., « Earth's oldest hotspot track at ca. 1.8 Ga advected by a global subduction system », Earth and Planetary Science Letters, vol. 585, , article no 117530 (DOI10.1016/j.epsl.2022.117530).
↑(en) J. M. O'Connor et A. P. le Roex, « South Atlantic hot spot-plume systems : 1: Distribution of volcanism in time and space », Earth and Planetary Science Letters, vol. 113, no 3, , p. 343–364 (DOI10.1016/0012-821X(92)90138-L, Bibcode1992E&PSL.113..343O).
↑(en) Søren B. Nielsen, Randell Stephenson et Erik Thomsen, « Letter:Dynamics of Mid-Palaeocene North Atlantic rifting linked with European intra-plate deformations », Nature, vol. 450, no 7172, , p. 1071–1074 (PMID18075591, DOI10.1038/nature06379, Bibcode2007Natur.450.1071N).
↑(en) Robert B. Smith, Michael Jordan, Bernhard Steinberger, Christine M. Puskas, Jamie Farrell, Gregory P. Waite, Stephan Husen, Wu-Lung Chang et Richard O'Connell, « Geodynamics of the Yellowstone hotspot and mantle plume : Seismic and GPS imaging, kinematics and mantle flow », Journal of Volcanology and Geothermal Research, vol. 188, nos 1–3, , p. 26–56 (DOI10.1016/j.jvolgeores.2009.08.020, Bibcode2009JVGR..188...26S, lire en ligne, consulté le ).