Obligation in solidum (droit français)

En droit français, une obligation in solidum (différente de l'« obligation conjointe » ou encore de l'« obligation solidaire ») est une obligation de plusieurs personnes tenues chacune responsable pour le tout envers un créancier.

Cette obligation est d'origine jurisprudentielle.

Il y a donc un créancier avec sa créance, et plusieurs codébiteurs avec chacun sa propre dette. N'importe lequel des codébiteurs peut être enjoint de payer l'intégralité de la dette à l'égard du créancier car, tous ensemble, ils sont à l'origine d'un même préjudice. Il importe peu qu'il n'y ait entre ces codébiteurs aucun lien de représentation.

C'est une application concrète de la « théorie de l'équivalence des conditions ».

Historique

En droit français, la première mention de l'obligation « in solidum » serait un arrêt du 29 février 1836, publié au recueil Sirey 1836, partie I, page 293.

Cette dénomination vient du latin « solidus » qui signifie « solide », « entier », « total ». C'est une condamnation « en totalité », « au tout », « pour le tout ».

Distinction théorique entre obligation solidaire et obligation in solidum

En matière d'obligation solidaire, il y a un lien fictif de représentation de chacun des débiteurs pour tous les autres auprès du créancier. Il y a une seule créance et seule dette qui est commune aux codébiteurs. Il s'agit donc de dettes nées d'une même source et ayant le même objet mais qui tendent à donner au créancier la même satisfaction. Il y a une seule dette commune aux co-débiteurs.

Dans l'obligation « in solidum », il n'existe aucun lien de représentation entre les débiteurs. Il y a plusieurs dettes nées de sources différentes et elles sont globalement communes aux codébiteurs. On a pu parler de « solidarité imparfaite ». Il y a une seule créance et plusieurs dettes. La distinction obligation solidaire/obligation « in solidum » est fondée sur la légalité pour l'obligation solidaire car il n'y a pas de solidarité sans texte, et fondée sur la causalité ou la garantie pour obligation « in solidum » (chaque débiteur est débiteur de sa part et garant de celle des autres).

Que ce soit pour l'obligation solidaire ou l'obligation in solidum, trois idées identiques sous-tendent les deux obligations :

  • indivisibilité des causes : chacun a contribué à réaliser l'entier préjudice car sans son fait ou sa faute, le dommage ne se serait pas produit ;
  • insolvabilité : il y a une garantie de paiement pour la victime qui s'adresse au débiteur le plus solvable ;
  • simplicité : pas de division des poursuites (la victime créancière ne s'adresse qu'à un seul débiteur, le plus solvable, pour être indemnisée).

Matières dans lesquelles il y a obligation solidaire et obligation « in solidum »

Obligation solidaire

  • Quand la loi le prévoit expressément. Exemple : solidarité en matière pénale.
  • Quand il y a un titre juridique commun. Exemples : cotitulaires du contrat de bail, coemprunteurs, etc.

Obligation « in solidum »

Elle a été créée par la jurisprudence :

  • en matière de responsabilité délictuelle (anciens articles 1382 et 1383 du code civil, articles 1240 et suivants du code civil actuel). Exemple : deux navires entrant en collision et causant un dommage à un tiers. Il y a une créance et un fait générateur unique (collision) mais plusieurs fautes qui entrent en concours.
  • en matière de responsabilité contractuelle, quand les codébiteurs ne sont pas liés par le même contrat au créancier. Exemple : un architecte dans le cadre d'un contrat de construction d'une maison et un entrepreneur dans le cadre d'un contrat de prestation de services ont commis des fautes distinctes à l'égard d'un même maître de l'ouvrage.
  • en matière d'obligation alimentaire : chaque codébiteur d'une obligation alimentaire à l'égard du même créancier est tenu de subvenir à la totalité de ses besoins. Exemple : Cour de cassation, chambre civile, 27 novembre 1935, Dalloz Périodique, 1936, partie I, page 25, note Rouast.

Effets de l'obligation « in solidum »

Mêmes effets que la solidarité

L'obligation « in solidum » a les mêmes effets que l'obligation solidaire :

  • droit de poursuite du créancier sur le tout, même si certains débiteurs sont inconnus ou insolvables ;
  • effets du paiement : le paiement fait par l'un des débiteurs met les autres à l'abri des poursuites du créancier ;
  • recours subrogatoire entre les codébiteurs : le débiteur qui a payé la dette dispose d'un recours contre les autres débiteurs.

Effets amoindris par rapport à la solidarité

Dans quatre séries de domaines, l'obligation « in solidum » est plus faible que la solidarité et ne produit aucun effet :

  • l'obligation « in solidum » n'interrompt la prescription qu'à l'égard de la personne poursuivie (en revanche la solidarité entraîne le fait que la prescription interrompue à l'égard d'un seul créancier l'interrompt pour tous les autres) ; l'idée de représentation réciproque ne s'applique pas.
  • l'obligation « in solidum » permet de faire courir les intérêts moratoires qu'à l'égard de la seule personne poursuivie ;
  • la mise en demeure faite à un seul codébiteur ne transfère pas les risques aux autres (exemple : la chose périt par la faute d'un des codébiteurs non mis en demeure).
  • pas d'opposabilité de la chose jugée aux autres codébiteurs non mis en demeure.

Exemple de jurisprudence

  • Civ. [1] : les coauteurs d'un dommage sont responsables in solidum lorsqu'il est impossible de déterminer la part de chacun dans la production du dommage.

Source bibliographique

Document utilisé pour la rédaction de l’article : source utilisée pour la rédaction de cette page.

  • Yvaine Buffelan-Lanore, « Droit civil - Deuxième année », 2e édition, éd. Sirey, paragraphes n°568 à 574, et n°1432 à 1436. Document utilisé pour la rédaction de l’article

Notes et références