L'objectophilie ou objetsexualité est l'orientation sexuelle ou sentimentale d'une personne vers un ou des objets inanimés.
Description
Le terme, inventé par Eija-Riitta Eklöf, une des personnes concernées, est employé depuis 2002. Il désigne probablement une réalité bien antérieure[1],[Note 1].
Ce penchant est assimilé à un désordre mental par la plupart des psychologues et les médias, parfois présenté comme statistiquement lié au syndrome d'Asperger ou aux traumatismes de l'enfance[1] : ainsi une évaluation sur une vingtaine de personnes concernées en 2010 conclut qu'environ la moitié présente des troubles du spectre de l'autisme[2][source insuffisante]. Pour les psychologues, il entre dans la catégorie des paraphilies (« Désordres paraphiliques non spécifiés » du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux - DSM-5)[3]. Des sociologues expliquent l'attachement à certains objets humanoïdes (poupées au Japon, etc.) par un mécanisme d'adaptation à une société en pénurie de maris ou d'épouses[3] ; il pourrait être induit par la solitude ou par la peur de l'inconnu[4].
L'objectophilie est tenue pour un simple « goût érotique divergent » de ceux de la majorité par l'anthropologue et militante LGBT Gayle Rubin en 1984[1]. La chercheuse en études de genre et sexualité Jennifer Terry estime aussi en 2010[5] qu'il faut tout aussi peu pathologiser cette sexualité inhabituelle que d'autres[1]. Selon elle, les réactions à l'objetsexualité relèvent de la « répression conservatrice », car elle dérange « les ordres dominants du sexe »[2]. D'autres sexologues rappellent qu'évidemment « les objectophiles ne blessent ni ne maltraitent ou ne traumatisent personne »[4].
La communauté Objectum Sexuality (OS) s'est organisée en réseau social à partir de 1996 : site internet dédié, forum, etc.[1]. Ses membres affirment sentir en eux ce type d'attirance depuis toujours. Récusant l'accusation de fétichisme, ils évoquent une « connexion spirituelle » et un désir réciproque avec un objet qui selon eux est doté de conscience[1].
Un questionnaire soumis par la sexologue Amy Marsh à une vingtaine de personnes objectophiles lui a permis de conclure dans un article publié en 2010 sur l'Internet Electronic Journal of Human Sexuality[2] que celles-ci déclaraient[4] :
des nouvelles technologies (radios, téléviseurs, ordinateurs...) : 19 %
L'anthropologue Agnès Giard pointe cependant qu'en reprenant à leur compte les concepts d'amour exclusif et de mariage romantique et en se livrant à une classification (« mécasexuel », « mobiliersexuel »...) elles valident le système bourgeois qui fait un idéal de la monogamie conjugale et perpétuent l'apposition d'étiquettes qu'ils reprochent à un certain discours médical[1].
Le Marsh Spectrum of Human/Object Intimacy[Quoi ?] vise à décrire l'éventail des interactions homme - objet : il suggère un continuum qui va de l'utilisation occasionnelle de jouets sexuels à l'objetsexualité, en passant par le fétichisme[2].
Exemples
la Suédoise Eija-Riitta Eklöf (1954-2015) est à l'origine du terme. Elle change (légalement) son patronyme en Berliner-Mauer après qu'elle a, en 1979, épousé le mur de Berlin qu'elle aurait considéré depuis l'âge de 7 ans comme particulièrement « sexy ». Très affligée par sa chute en 1989, elle se dit veuve et finit par se remarier avec une barrière de bois rouge — qui sert depuis de logo au groupe OS[1],[6].
Erika LaBrie, athlète américaine spécialiste du tir à l'arc, est attirée par les objets galbés. Elle tombe amoureuse de la tour Eiffel lors d'un voyage à Paris, et organise en novembre 2007 une cérémonie d'union sur un étage de la tour. Elle demande depuis qu'on la nomme Erika Eiffel[1]. Le film de 2020 Jumbo, de Zoé Wittock, est inspiré de son histoire[7].
le Britannique Edward Smith se prévaut de relations sexuelles avec « plus de sept cents voitures et un hélicoptère d’attaque », et dit avoir connu ses premiers émois avec une Volkswagen Coccinelle en 1965[1],[8] ;
les psychothérapeutes De Silva et Pernet ont publié en 1992 les conclusions de la thérapie d'un « jeune homme timide » qui entretenait une relation érotique avec une voiture[9],[2] ;
en 2010 Lee JinGyu, Coréen, épouse son dakimakura (oreiller orné d'une représentation de manga) lors d'une cérémonie religieuse[10],[4] ;
en 2013, l'Australienne Jodi Rose célèbre son union avec le Pont du Diable, dans le département français de l'Hérault[11] ;
en janvier 2022 Kitten Kay Sera, une américaine de Las Vegas, a « épousé la couleur rose » — ce qui constitue une première[12].
Voir aussi
Articles connexes
Mécanophilie (les personnes qui s'identifient comme méchasexuelles sont presque toujours des hommes, tandis que qui se présentent comme des objetsexuels sont majoritairement des femmes[2]).
↑Amy Marsh souligne par exemple que la relation décrite par Victor Hugo entre Quasimodo et les cloches de Notre-Dame de Paris est de nature objetsexuelle : « Il les aimait, les caressait, leur parlait, les comprenait. Du carillon du clocher du transept à la grande cloche au-dessus de la porte, ils ont tous partagé son amour. », plus loin « Claude Frollo en avait fait le sonneur de Notre-Dame, et donner la grosse cloche en mariage à Quasimodo, c'était donner Juliette à Roméo. »