Fille d'Antoine Bourgeois, travailleur journalier de 31 ans, et de Jeannette Debray, couturière de 21 ans, Jeanne Florentine Bourgeois naît au 5 de la rue du Chemin-de-Fer (actuelle rue Gaston Israël) à Enghien-les-Bains. La famille travaillant comme garde-barrière déménage à Soisy-sous-Montmorency où elle passe son enfance[3].
Après avoir suivi des cours de danse, de théâtre, de chant et de maintien avec l'actrice de vaudeville Alice Ozy, elle commence sa carrière en 1885 : dans le train qui l'amène à Paris pour ses leçons de violon avec Boussagol, de l'Opéra de Paris, elle rencontre Saint-Marcel, responsable de revue au Casino de Paris, qui l'engage pour le lever de rideau : le , elle monte sur scène avec le trac, entonnant son air La Môme du Casino[4].
Origine du pseudonyme
Elle cherche sa vocation, sa voix et son nom de scène. Saint-Marcel lui donne le surnom de Miss Hélyett (s'inspirant du nom de l'héroïne de Miss Helyett, l'opérette en vogue de Maxime Boucheron et Edmond Audran alors à l'affiche aux Bouffes-Parisiens depuis fin 1890), déformé peut-être phonétiquement par le caprice de ses employeurs en Miss Tinguette, Mistinguette, et pour simplifier, elle supprime le e final afin de donner plus de force au graphisme[5]. Selon un article paru en 1939, son pseudonyme de Miss Tinguette aurait été inspiré à Saint-Marcel alors qu’elle chantait l'air de La Vertinguette, une de ses chansons à succès du moment[6]. Selon un entretien rapporté en 1912[7], la chanteuse aurait déclaré :
« Un jour, j'ai rencontré un « auteur » qui m'a dit : « Toi, tu as le genre anglais, tu devrais t'appeler Miss… J'ai justement une chanson La Mistinguo. » Et c'est en chantant : Ô la Mistinguo, Ô la Mistinguette ! que je devins Miss Tinguette, puis Mistinguett tout court, court comme mes cheveux. »[8]
Elle entre en 1894 au Trianon-Concert où elle lance Max, Ah c'que t'es rigolo, mais sans grand succès[9].
De 1897 à 1907, elle se produit à l'Eldorado en chanteuse comique, en « gommeuseépileptique[10] », en gigolette, et découvre petit à petit l'art de tenir la scène. Après avoir appris à pallier son insuffisance vocale par un brin de comédie, une mimique unique, une voix gouailleuse et des pas de danse, elle en sort vedette consacrée. Le public commence à l'aimer[11].
Accès à la notoriété
Après sa rencontre avec Jacques-Charles (1882-1971) — considéré comme le « père de la revue moderne » — elle fait ses débuts sur la scène du Moulin-Rouge, le , dans « La Revue de la Femme ». Très vite, son talent éclate au grand jour. L'année suivante Max Dearly la choisit comme partenaire pour créer « La Valse chaloupée », toujours au Moulin-Rouge, et c'est un nouveau triomphe. Mistinguett, née dans une famille modeste, a un sens indéniable de la repartie. Elle a voulu construire sa vie et dit « La banlieue, n’en sort pas qui veut. J’avais un don : la vie. Tout le reste, reste à faire, à penser. Je n’ai pas pu me permettre d’être un bel animal, il a fallu penser à tout. » Puis, dans la revue La Revue[12], c'est La Valse renversante avec Maurice Chevalier aux Folies Bergère en 1912, qui donnera lieu à une histoire d'amour longue de dix ans. Le couple est surnommé par la presse « les danseurs obsédants »[13].
Elle se rapproche de sa tante, qui était matelassière à Montlignon, en achetant une maison, dans le même village, où elle donne naissance, le , à un enfant naturel, Léopold-Marcel-Jean Bourgeois (décédé en 1971). Le père, Léopold de Lima, reconnaît son fils le [14],[15].
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Maurice Chevalier est blessé au front et fait prisonnier en Allemagne. Voulant le faire libérer, elle se porte volontaire pour jouer le rôle d'espionne. Elle offre ses services au général Gamelin[16] et est autorisée à circuler librement en Europe : elle récolte de nombreux renseignements du prince allemand de Hohenlohe[17] alors à Berne ou du roi Victor-Emmanuel III en Italie. Elle parvient à faire libérer son amant en 1916 grâce à ses relations avec le roi d'Espagne Alphonse XIII[18].
En 1918, elle succède à Gaby Deslys au Casino de Paris, sous la direction de Léon Volterra, dont elle reste la vedette incontestée jusqu'en 1925. Dans les années 1920, elle enchaîne les opérettes à succès : Paris qui danse, Paris qui jazz, En douce, Paris qui Brille!, Ça, c'est Paris. Durant cette période, avec successivement Harry Pilcer, Earl Leslie, Jean Gabin, Lino Carenzio, Georges Guétary, elle est la Miss des grandes revues qui feront accourir le Tout-Paris.
À partir de 1916, elle s'entiche d'un tout jeune affichiste de 16 ans nommé Charles Gesmar. Jusqu'à ce qu'il meure en 1928, il lui dessine nombre d'affiches et de costumes qui font sa gloire dans les années 1920. Il est son confident au point d'habiter sur son palier et de la surnommer « Maman ».
En 1923, 1924 et 1925, elle fait les tournées sud-américaines avec la troupe du Ba-Ta-Clan de Madame Rasimi. Elle et son partenaire et amant le chorégraphe Earl Leslie arrivent le [19] à Buenos Aires. Elle apparaît avec Maurice Chevalier.
Devenue une gloire nationale, elle chante Ça c'est Paris composé par Jose Padilla, Mon homme[21] sur les paroles d'Albert Willemetz, qui écrit aussi pour elle de nombreuses chansons et revues pour les Folies Bergère et jusqu'aux États-Unis. Image type de la Parisienne, elle fut en concurrence avec Joséphine Baker. En 1937, elle tourne son premier film parlant, Rigolboche.
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Valencia, La Java de Doudoune, Fleur d'Amour, Le Fado, Tout ça c'est pour vous, Moineau de Paris, ... de Jose Padilla, compositeur qu'elle considère comme « son favori ».
C'est vrai… On dit que j'ai de belles gambettes (1933) faisant référence à ses jambes magnifiées par les plumes, les « plus belles jambes de Paris », qu'elle fait assurer pour 500 000 francs en 1919[23] (l'équivalent de 777 458,94 euros d'aujourd'hui).
Quelques affiches de spectacles
Dans Marjolaine, jouant Hélyett (affiche de Georges de Feure, 1896).
Le compositeur Jose Padilla rend hommage à Mistinguett dans plusieurs œuvres, parmi lesquelles : Miss Tanguett et Le Tango de Miss, tango acrobatique dansé par elle-même.
Dalida fait référence à Mistinguett dans l'une de ses chansons qui s'intitule Comme disait Mistinguett (Jean-Jacques Debout). Cette chanson française est connue également sous le titre C'est vrai.
À Montpellier, une allée a été baptisée Jeanne Bourgeois Dite Mistinguett[28].
En 2006, la ville d'Enghien-les-Bains rend un hommage à Mistinguett[29]. Des festivités multiples sont organisées, réunissant de multiples formes d'expression artistique. Les activités du festival incluent la projection du film Mistinguett : mon Enghien[30], produit pour l'occasion par Gaumont Pathé Archives et réalisé par Christian Lamet. Ce documentaire inédit constitué d'archives et de documents rares a également fait l'objet d'un DVD en série limitée[réf. nécessaire].
Sa chanson Il m'a vue nue peut être entendue dans le film La Môme, sorti en 2007.
Charlène Duval propose, en , un nouveau spectacle entièrement consacré au répertoire oublié de Mistinguett dans Mistinguett, Et puis c'est tout !
↑Ce chef de cabinet du maréchal Joffre rédigera d'ailleurs une note pour rassembler ses souvenirs en 1956, note dans laquelle il détaille le parcours d'espionne de Mistinguett.
↑Elle prévient notamment les services secrets que les Allemands prévoient une offensive dans la Champagne et non dans la Somme.
↑Bruno Fuligni, Dans les archives inédites des services secrets : Un siècle d'histoire et d'espionnage français (1870-1989), L'Iconoclaste, 2010, chapitre « mistinguett, un cœur au service de la france ».
↑Thierry Malandain, « Danse à Biarritz#80 », Numéro 85, , p. 22 (lire en ligne, consulté le ).
↑Le Figaro Magazine, 31 juillet 2010, livret détachable, page III.
André Bernard et Martin Pénet, Mistinguett, la légende du music-hall, préface de Line Renaud, Omnibus, 2014.
(it) Gianni Lucini, Luci, lucciole e canzoni sotto il cielo di Parigi - Storie di chanteuses nella Francia del primo Novecento, Novara, Segni e Parole, 2014, 160 p. (ISBN978-88-908494-4-2).