Damia (chanteuse)Damia
Louise Marie Damien, dite Damia ou Maryse Damia, est une danseuse, chanteuse et actrice française née le dans le 13e arrondissement de Paris et morte le à La Celle-Saint-Cloud. Très célèbre dans l’entre-deux guerres et surtout dans les années 1930, elle reste l’interprète inoubliable qui chantait les bras en croix ou posés sur la poitrine[1] de chansons qu’elle a transformées en succès. Citons « Les Goélands», « Mon Matelot », « Le Grand Frisé », « Les deux Ménétriers », « La Veuve », « La Mauvaise Prière », « Le ciel est par-dessus le toit » (un poème de Verlaine mis en musique par Reynaldo Hahn)[1] et de « Sombre Dimanche », chanson un temps interdite d’interprétation en public en Hongrie, en raison de son caractère supposé suicidogène. BiographieLouise Marie Damien naît le dans le 13e arrondissement de Paris[2]. Sa famille est originaire des Vosges : Son grand-père maternel, Louis Claude, était ouvrier en fer, et sa grand-mère maternelle, Marie-Catherine Larcher, était brodeuse[3]. Son père, Nicolas Damien[2] (1853-1903) est journalier[2] originaire de Nonville et sa mère également journalière, Marie Joséphine Louise Claude[2], dite « Fifine » (1858-1916) de Darney. Louise Marie va souvent en vacances chez ses grands-parents maternels à Darney où ils possèdent une ferme, avant que ses parents ne s'installent à Paris où son père devient agent de police. Peu de temps après la mort de son père, la jeune Louise Marie Damien âgée de 15 ans, fuit la demeure parentale de Rueil pour échapper à la maison de correction[4]. « Je bourlinguais déjà ! », expliquera-t-elle plus tard[4]. Très jeune, elle frôla, semble-t-il, à plusieurs reprises, la maison de correction et trouve finalement un rôle de figuration au théâtre du Châtelet, puis à la Cigale où, affublée de robes ridicules, elle danse en chantant une ritournelle acidulée « c’est nous les bonbons anglais. »[4]. Premiers spectacles sur scène à l'âge de 18 ansDamia apprend à jouer à l’école du Théâtre libre. Dès 1909, elle obtient enfin un vrai rôle[4] comme partenaire de Max Dearly dans La Valse chaloupée[1], un spectacle qui rendra populaire la valse chaloupée. En 1908, Max Dearly et Mistinguett jouent au Moulin-Rouge avec ce nouveau spectacle humoristique de danse qui remporte un franc succès[4] et qu’ils projettent de jouer sur la scène du fameux Savoy de Londres[4]. Cependant, avant leur représentation à Londres, Mistinguett est déclarée persona non grata sur le territoire britannique[4] pour cause d’ « indécence », au motif principal qu’elle chantait les jambes écartées[4]. On demande alors à la jeune Louise Marie de la remplacer au pied levé dans ce rôle de « Gigolette, fleur de printemps »[4]. La Valse chaloupée reprendra ensuite vers 1909 de nouveau avec Mistinguett au Théâtre des Variétés[5]. Damia est alors remarquée par Roberty, le mari de la « grande » Fréhel qui lui donne des cours de chant et avec lequel elle aura beaucoup plus tard une liaison. Débuts dans la chanson françaiseÀ son retour d’Angleterre en 1911, elle débute comme chanteuse et commence à se produire sur la scène de cafés-concerts tels que la Pépinière-Opéra, le Petit Casino et l'Alhambra[4]. Elle fait aussi quelques représentations à Tabarin[1]. Elle devient la tête d'affiche[1] d’un spectacle du « caf' conc' » de Félix Mayol, de la Gaieté-Montparnasse, du Casino de Paris, de Bobino, de l'Européen, de l'Étoile[1]. Sacha Guitry prétend qu'il lui a conseillé le fourreau noir, dessiné sa silhouette et imposé un style aux chanteuses réalistes qui lui succéderont, telles qu'Édith Piaf et Juliette Gréco. Mais dans une entrevue radio, elle dit que l'idée de la robe noire est venue de Max Dearly. Elle impose une rupture scénique en abandonnant les décors au profit du seul rideau noir. Elle chantait sans micro, robe noire, rideau noir, elle fut la première chanteuse en noir[6]. Son esthétique scénique s'inscrit dans l'expressionnisme et la rénovation dramatique de Jacques Copeau[7]. Durant la guerre de 1914-1918, elle chante au front. Après l’armistice, Damia mène parallèlement une carrière de chanteuse et de comédienne cinématographique[1] où elle joue souvent des rôles proches de sa situation personnelle et d’artiste. Elle fréquente le cercle littéraire féminin et lesbien autour de la poétesse et salonnière Natalie Barney. Elle y côtoie Romaine Brooks, Gabrielle Bloch dite Gab Sorère et la danseuse Loïe Fuller avec laquelle elle part en tournée et qui lui enseigne la science des éclairages et de la lumière mais surtout celle de la mise en scène. Elle fera ainsi encore sa première apparition cinématographique dans Le Lys de la vie, le premier film de Loïe Fuller et Gab Sorère. C’est dans ce contexte, qu’elle fait la rencontre de l'architecte, décoratrice et designer Eileen Gray, avec laquelle elle noue une relation amoureuse. Eileen Gray crée pour la chanteuse son premier fauteuil dit « à la sirène »[8]. L’originalité de ses chansons et la force avec laquelle elle chante son répertoire (en robe noire, sans manches, éclairée par un seul projecteur) vont rapidement en faire une vedette du monde de la chanson[9] et sa technique de présentation scénique sera reprise ultérieurement par des artistes français comme Piaf. Certes, la voix de Damia est râpeuse et irrégulière, mais on[Qui ?] lui reconnait de donner le frisson[9]. « La voix ample profonde, prête à se briser pleine "de sanglots et de révolte mêlés" », selon l'expression du romancier Henri Béraud[1], qui écrit de nombreux textes à mettre en musique, Damia dans un fourreau noir stylisé, s’illustre en chantant et en interprétant les mélodrames, les rengaines des faubourgs et ce, avant l'époque du micro, de la radio et de la télévision[1]. Premiers enregistrements sonores de ses chansonsEn , après avoir refusé plusieurs fois et pendant de nombreuses années les propositions au prétexte que sa voix gravée sur cire était déformée[10], elle prend conscience que le public demande à posséder ce nouvel objet de fétichisme musical[10] qu’est le disque enregistré. Son succès sur scène à l’époque est tel qu’on voulait avoir un bout de Damia chez soi[10]. Elle se laisse donc finalement convaincre par la maison de disque Odeon d’enregistrer ses premiers disques EP 78 tours qui sortiront début 1927[10]. À cette époque , la firme de disques Odeon inaugure l’enregistrement électrique fraichement importé des États-Unis[10], une innovation fondamentale qui va révolutionner le marché du disque et la carrière de Damia[10]. Dès 1927, elle va enregistrer la plupart de ses nouvelles créations, comme le confirme Francesco Rapazzini, auteur de la biographie « Damia, une diva française »[10]. Après deux années passées chez Odeon, elle va signer brièvement pour quelques disques chez Pathé et Perfectaphone[10], puis Damia fait son entrée chez Columbia, une marque angloaméricaine nouvellement implantée en France avec une filiale française et dont « la qualité d’enregistrement surpasse toutes ses concurrentes »[10]. Si les premiers enregistrements sont jugés décevants : sa voix est nasillarde et les orchestrations sont mauvaises[10], en revanche à partir de 1930, elle devient la compagne du directeur artistique de la Columbia, Jean Bérard et elle devient une fervente adepte des enregistrements de disques[10]. Succès populaires dans les années 1930Elle deviendra petit à petit l’interprète inoubliable qui chantait les bras en croix ou posés sur la poitrine[1] de chansons à texte qu’elle transforme en succès publics : « Mon Matelot », « Le Grand Frisé », « Les Ménétriers », « La Veuve », « La Mauvaise Prière », « Le ciel est par-dessus le toit », (un poème de Verlaine mis en musique par Reynaldo Hahn)[1]. « Les Goélands» de Lucien Boyer restera sa chanson fétiche sur scène jusqu’à la fin de sa carrière. Au début du cinéma parlant, nombre de producteurs de cinéma français font naturellement appel aux grandes gloires du music hall, pour jouer dans des films agrémentés de chansons. La technique sonore est hélas encore rudimentaire, et le résultat s’avère rarement réussi[9]. Pourtant en 1930, Damia enchaîne quelques rôles tragiques marquants très proches de sa destinée personnelle et d’artiste. Elle joue une chanteuse mourante, rôle principal de «Tu m’oublieras»[9] puis le rôle principal de Sola (1931), deux films d’Henri Diamant Berger. Dans ce film, elle y joue le rôle d’une chanteuse déchue qui finit sa carrière dans un cabaret minable de Singapour. Elle préfère renoncer au jeune homme qui l’aime follement, mais celui-ci, va la tuer et se suicider après[9]. Sa prestation cinématographique fut bien jugée par la critique, même si on la trouva trop âgée pour le rôle[9]. Elle fait aussi une apparition remarquable dans l’excellente adaptation d’un roman de Simenon, La Tête d’un homme (1932) réalisée par Julien Duvivier, encore en chanteuse camée, égrainant une « complainte » désespérée[9]. Dans les années 1930, elle poursuit encore sur sa lancée discographique en enregistrant « C'est mon gigolo» de L. Casucci, A. Mauprey, J. Lenor ; « Le grand frisé» de L. Daniderff, E. Ronn ; « Tu m'oublieras» de J. Lenoir, H. Diamant Berger ; « La chaîne» de L. Daniderff, E. Ronn ; « La ginguette a fermé ses volets» de L. Montagné, C. Zimmer ; « Johnny Palmer» de C. Pingault, C. Webel ; « Tout fout l'camp» de Juel, R. Asso… En 1935, la « tragédienne de la chanson » confiera à Maurice Verne, auteur du livre guide Les amuseurs de Paris (1932) : « Tu t’expliques maintenant que j’peux être prise d’une envie de chialer comme une idiote quand un musicien vient me donner l’audition d’une de ces goualantes un peu cul-cul qu’on fabrique à mon intention, avec ces histoires de bonnes prostituées, la saoulerie des larmes d’amour, tous les trucs quoi ! (…) Il y a quelquefois plus romance que la romance, c’est la vie. »[4]. Le , Damia enregistre la chanson suicidogène Sombre Dimanche, une complainte hongroise[4] titrée Szomorú Vasarnap signée Laszlo Javor et Rezső Seress, remise en version française par Jean Marèze et François-Eugène Gonda[11]. Son compositeur, pianiste de Budapest, est accusé d’avoir engendré par sa tristesse mélodramatique plusieurs suicides[1] , la chanson est ainsi interdite d'interprétation au public dès sa création[12] en Hongrie[4]. Georgius ne manqua pas de la parodier avec son « Triste Lundi ». Mais la chanson continuera son destin tantôt maudit puisqu'on la retrouvera bientôt sous le titre de Gloomy Sunday chanté par Billie Holiday[4]. Déclin artistique depuis l'après-guerreAdulée par le public durant l'entre-deux-guerres, elle est occultée après l'Occupation par de plus jeunes idoles, notamment Édith Piaf[13]. Elle triomphe cependant dans un récital à Pleyel en 1949 mais elle recueille de mauvaises critiques : on lui reproche de ne pas se renouveler[9]. En 1953, elle fait une tournée au Japon où elle obtient un succès aussi considérable qu’inattendu[9], le public japonais raffole de sa version de Sombre dimanche[9]. Elle modernise son répertoire avec des titres de jeunes auteurs et remonte sur les planches à Paris en 1954 à l’Olympia[1], avec en première partie Jacques Brel, alors débutant, puis Marie Dubas. Mais la chanteuse réaliste, alors sexagénaire, cantonnée à une figure de la Belle Époque égarée dans une autre modernité est jugée comme n’étant plus au goût du jour[4]. Lorsqu’elle interprétera des chansons modernes du jeune Léo Ferré sur la scène de l’Olympia, le public irrespectueux cria « À la retraite ! », considérant à juste titre qu’elle en faisait trop[4]. Elle tombe malade et tire sa révérence de la scène en 1955[4] , elle se retire définitivement du métier[1]. En 1963, l’Académie Charles-Cros[14] lui décerne son Grand Prix pour son disque Les Belles Années du Music Hall[15], une compilation. Cette consécration tardive sonne un peu comme un repentir d’oubli de la part de l’académie, mais aussi comme une occasion unique de lui rendre le plus beau des hommages puisque la remise des prix se fait sous le haut patronage du président de la République Française et alors que cela fait huit années qu’elle s’est retirée du Music-hall. Baptisée « la tragédienne de la chanson »[1], elle est aussi admirée par des écrivains de tous bords, de Jean Cocteau à Robert Desnos. Plus tard, des cinéastes comme Jean Eustache, Aki Kaurismäki ou Claude Chabrol refont entendre ses chansons. Durant les dernières années de sa vie, il se disait que Damia était très aigrie et cinglante quand on lui parlait de nouvelles vedettes comme Mireille Mathieu « qui n’avaient pas mangé comme elle de la vache enragée »[9]. Damia décède brutalement le [2] dans une clinique à La Celle-Saint-Cloud[1] d’une mauvaise chute accidentelle sur les voies du métro parisien. Bien qu’à l’époque une thèse volontairement polémiste du suicide fut avancée, on notera simplement une mort presque en conformité avec un répertoire d’œuvres musicales consacré principalement aux mutilés, blessés de la vie et victimes de la malchance. Elle est inhumée au cimetière parisien de Pantin dans la 55e division, dans le même caveau que l'actrice Ginette Maddie (1898-1980). Apparitions cinématographiquesParallèlement à son activité scénique, elle tourne dans quelques films[16]. Elle débuta apparemment devant la pellicule en 1920 dans Le Lys de la vie de Loïe Fuller et de Gabrielle Sorère[17], elle joue le rôle de la femme de la mer aux côtés de René Clair, Margery Meadows, Jean-Paul Le Tarare et Flora Hart. Le film sort en 1921. C'est aussi elle, La Marseillaise dans le Napoléon Bonaparte d'Abel Gance (en 1927). Elle est de la distribution de Tu m'oublieras en 1930 et de Sola en 1931 où elle tient le rôle titre, 2 réalisations sous la direction de Henri Diamant-Berger. On la voit brièvement dans La tête d'un homme de Julien Duvivier en 1933 et dans Les Perles de la couronne de Sacha Guitry (et de Christian-Jaque) en 1937 et dans Remontons les Champs-Élysées (1938)[1]. On la revoit ensuite, vieillie, en 1956, en mendiante dans le cent soixantième remake de Notre-Dame de Paris, celui de Jean Delannoy en 1956 avec Gina Lollobrigida et Anthony Quinn, puis dans Goubbiah, mon amour de Robert Darène où elle joue la mère d’une jeune gitane dont Goubbiah (Jean Marais) est éperdument amoureux. Postérité et hommagesDamia est sans doute l’une des plus célèbres vedettes du music hall français d’avant guerre[9]. Avec Fréhel, Berthe Sylva, Suzy Solidor, Lys Gauty et Édith Piaf, celle qu’on a surnommé « la tragédienne de la chanson » est l’une des grandes représentantes de « la chanson réaliste »[9]. Ses refrains et couplets tragiques et sordides dans le même esprit qu’Eugène Sue ou Émile Zola, sonnent durement et esquissent à grands coup de crayons des histoires d’amours désespérées, les misères matérielles et morales des milieux les plus pauvres et miséreux[9].
Chansons et discographieChansons (répertoire sélectif)
Discographie
Les 78 tours ci-dessus mentionnés : C'est dans un caboulot - Café-chantant (Columbia CF 2377 enregistré le 5 avril 1938) a été commercialisé en juin 1938, Je crois n'avoir jamais aimé - Du soleil dans les yeux (Columbia CF 2364 enregistré le 5 avril 1938) a été commercialisé en mai 1938. source : Catalogue Supplément Columbia Chansons non disponibles en Ep 78 RPM
de Reale-Deutsch-Altman- orchestre Pierre Chagnon disque 78 tours échantillon invendable CL.4512-1 le 23/10/1933 Filmographie
Théâtre
Notes et référencesNotices et mentions dans les bases de données, partitions et pochettes
Références
AnnexesBibliographiePublications, livres et articles de presse
Documentaire
Radio-biographieUne série de quatre émissions de trente minutes de l’émission hebdomadaire Tour de chant (consacrée à l'histoire de la chanson francophone) radiodiffusée sur France Musique, présentée par le journaliste historien musical Martin Pénet et réalisée par Christine Amado. Cette radio-biographie faite de nombreux extraits d’interviews provenant des archives de l’INA, de l’émission La joie de vivre qui lui fut consacrée en 1956, est émaillée de nombreuses chansons plus ou moins courantes de son répertoire, mais aussi de perles d’enregistrements plus ou moins oubliés voire quasi introuvables.
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