En peinture, il cite ses grandes références: il admire Nicolas Poussin, se passionne pour les paysages de Gustave Courbet, aime James Ensor mais, plus encore, se sent artistiquement étroitement lié avec la matière d'Eugène Leroy: « Si je devais être comparé à un confrère, que ce soit à Eugène Leroy, un artiste extraordinaire » dit-il[3].
A l'instar de ses œuvres sur papier, Michel Frère aime placer ses toiles sous vitre et s'en justifie par l'attirance à regarder celles-ci de près ainsi stimulée, par l'alliance de l'opacité et de la lumière également provoquée en même temps que l'alliance de la matière de la peinture et du reflet du spectateur qui devient ainsi partie intégrante du tableau. Et, s'il aime d'abord la simple brillance de la vitre, Michel Frère perçoit celle-ci comme une membrane qui protège l'intime de l'art de la perception qui en est proposée[3].
Après sa première exposition à Charleroi en 1984, il expose à Bruxelles, New-York, Paris, Amsterdam et Munich[1]. Dans les années 1990, outre un séjour à Rome et en Toscane, il partage sa vie entre Bruxelles (où il partage un temps un atelier avec Pascal Courcelles[4]) et New-York[Note 1].
Comme s'il avait de lui-même choisi une vie fulgurante, Michel Frère, âgé de 38 ans, s'éteint le [5].
« Il laisse des paysages abstraits monumentaux, infiniment murmurants et habités par un sentiment très actuel de l'art et du monde. » - Danièle Gillemon[5]
« Ce Leroy du paysage abstrait œuvre dans la matérialité, la monumentalité et la modulation chromatique. » - Jean-Pierre Delarge[15]
« Chez Frère, le sujet disparaît pratiquement sous d'épaisses couches de pigment traitées avec une grande énergie et dans lesquelles les couleurs semblent parfois faire une apparition fugace. Sa façon de peindre est fort proche de celle du peintre bien connu du Nord de la France Eugène Leroy... » - Joost de Geest[16]
« Les œuvres peintes par Michel Frère présentent un sens de l'informel faisant écho, de façon volontaire ou non, aux performances picturales des membres de CoBrA. Ce phénomène de réception place les artistes en position de débiteurs à l'égard de leurs devanciers belges: lyrisme du geste, éloquence des couleurs, frémissement de la matière sont autant d'éléments traduisant une relecture de l'héritage des maîtres du genre. » - Denis Laoureux[2]
« L'un des événements de février 2015 à Bruxelles est sans conteste le retour à la Galerie Albert Baronian des peintures réalisées à Rome, il y a vingt ans déjà, par Michel Frère. Cinq grands formats de peintures "abstraites"[Note 2] à la pâte sombre et lourde et trois sculptures composent un ensemble qui n'a rien perdu de son actualité et qui s'impose par sa puissance picturale et son travail sur la matière. » - Bernard Marcelis[17]
« Caractérisée par des sédimentations, des superpositions de couches de peinture, le travail de Michel Frère vise l'alliance de l'opacité et de la lumière. Son œuvre transforme la réalité, balayant par la matière les éléments figuratifs. C'est une impression de massivité monochrome qui émane de ses peintures et sculptures, pétries et toujours matiéristes. Sa peinture ne s'inscrit ni dans une tendance ni dans une mode. Elle transcende son temps tout en y étant ancrée, elle questionne l'histoire de la peinture. » - Albert Baronian
« De ces textures épaisses, mouvantes, sans commencement ni fin, la nature semble surgir pour y mourir. Elles constituent, au point de rencontre de la physique et de la métaphysique, de la science et de l'imaginaire, une synthèse et un dépassement de la peinture moderne. » - Danièle Gillemon[12]
↑L'entretien de Michel Frère avec Richard Milazzo (voir liens externes ci-dessous) est illustré de photos prises dans le studio-atelier de l'artiste à New-York.
↑La mise entre guillemets de l'adjectif abstraites est de Bernard Marcelis qui énonce ainsi la difficulté de classer objectivement Michel Frère, entre Denis Laoureux qui dans Art actuel et peinture le situe parmi les peintres abstraits et Michel Frère lui-même qui refusait formellement cette épithète pour son œuvre: les entretiens de Michel Frère avec Richard Milazzo à New-York ont été publiés sous le titre Briser le terrorisme de l'art abstrait (voir liens externes ci-dessous).
Références
↑ a et bEmmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999.
↑ a et bDenis Laoureux, Peinture et fonctionnement idéologique en Belgique: jeu et enjeu du matiérisme dans l'abstraction, Presses Universitaires de Namur, 2009.
↑Joost de Geest, 500 chefs-d'œuvre de l'art belge du XVe siècle à nos jours, Racine Lannoo, 2006, voir le tableau Barbizon 5 reproduit et commenté en page 196.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol.5, Gründ, 1999.
Damien de Lepeleire, Michel Frère, textes de Pierre Sterckx, Michel Baudson, Richard Millazo, Stefan Liberski et Albert Baronian, collection "Art et photographie", Éditions La Lettre volée, 2000.
Richard Milazzo, Caravaggio on the beach, essais sur l'art des années 1990, Edge wise Press, New-York, 2001 (présentation en ligne).
Sous la direction de Joost de Geest (préface de Michael Palmer), 500 chefs-d'œuvre de l'art belge du XVe siècle à nos jours, Racine Lannoo éditions, 2006.
Denis Laoureux et Camille Brasseur, Cobra passages: collection Thomas Neirynck, La Renaissance du Livre, 2008.
Denis Laoureux, professeur d'histoire de l'art contemporain à l'Université libre de Bruxelles, Peinture et fonctionnement idéologique en Belgique: jeu et enjeu du matiérisme dans l'abstraction, dans l'ouvrage collectif Art actuel et peinture, Presses Universitaires de Namur, 2009.