Scarlatti est alors âgé de soixante ans et compose en ce début de XVIIIe siècle, dans un style moderne de l'époque, caractérisé par le brio et la séduction[1], qui a culminé avec les grandes messes de Bach et Beethoven et « paraît prophétiser les dernières messes de Haydn »[2]. Cette œuvre remarquable, « couronnement de toute sa musique d'église »[3], presque contemporaine du Magnificat de Bach (1723), n'a rien a lui envier, « tant sur le plan de l'intérêt musical que sur le plan de la synthèse stylistique des courants du début du XVIIIe siècle »[4].
La durée d'exécution des 923 mesures[1] est d'environ 52 min. Le Gloria est le plus développé, dépassant les 23 min et le Credo qui suit atteint les 14 min.
Analyse
L'écriture de Scarlatti dès le Kyrie est vive côté cordes, proche de Vivaldi et des Bolognais ; les interventions du chœur alternent ou se superposent au chant orné des solistes[3]. Le compositeur termine le Gloria à la structure complexe, par une fugue impressionnante à cinq voix sur « Cum Sancto Spirito », dont le sujet est fourni par l'intonation grégorienne de la messe à Sainte-Cécile, Dilecisti[3]. Le Credo, dans son style regarde plus l’avenir est proche de l'écriture de son propre Stabat Mater, mais de celui de Pergolèse dix-sept ans plus tard. La précipitation joyeuse du « Et resurenxit » qui « s’intensifie jusqu'au tumulte », contraste avec l'arrêt brusque sur « et mortuos » en un effet saisissant[3]. Le mouvement se conclut d'une fugue qui reprend le sujet du Gloria dans un tout autre développement. Dans l’Agnus Dei, Scarlatti fusionne les styles ancien (voix) et nouveau (cordes), jusqu'à une inversion.
Outre la messe, toujours en 1720, Scarlatti a composé des Vêpres presque aussi longues (40 min), découvertes plus récemment, les deux partitions étant destinées à la basilique sainte-Cécile de Trastevere. En 1708, il avait composé Il martirio di santa Cecilia, inspiré par la même figure, Cécile de Rome, patronne des musiciens.
St. Cecilia Mass (1720) for SSATB soli and chorus, string orchestra, and organ continuo, éd. John Steel, Novello 1968 (OCLC679576508) — d'après le Ms. de Rome.
↑Diapason, Dictionnaire des disques et des compacts : guide critique de la musique classique enregistrée, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 3e éd., xiv-1076 (ISBN2-221-05660-4, OCLC868546991, BNF34951983), p. 775–776 : « Dans cette messe pour un jour de fête, on admire par-dessus tout la qualité et la pureté du style que manifeste toute l'équipe réunie autour de George Guest. […] Tout est parfaitement réglé dans un accord intime des voix et des instruments ».
Carl de Nys, « Messe et Vêpres pour la fête de sainte-Cécile, d'Alessandro Scarlatti », dans Marc Honegger et Paul Prévost (dir.), Dictionnaire des œuvres de la musique vocale, t. II (G-O), Paris, Bordas, , 2367 p. (ISBN2040153950, OCLC25239400, BNF34335596), p. 1291–1292.
Alessandro Scarlatti et Ferdinand III de Médicis (trad. de l'italien par Patrick Hersant et Xavier Carrère, préf. et notes Xavier Carrère), « Mon respectueux, mon profond silence parle pour moi » : Correspondance d'Alessandro Scarlatti et de Ferdiand de Médicis, Toulouse, Ombre, coll. « Petite bibliothèque Ombre » (no 53), , 115 p. (ISBN2-84142-016-7, OCLC1033722311, BNF36687452)
Sylvie Buissou, « Messa di Santa Cecilia (1720) », dans Edmond Lemaître (dir.), Guide de la musique sacrée et chorale, l'âge baroque 1600–1750, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 828 p. (ISBN2-213-02606-8, OCLC708322577, BNF36654339), p. 668–669.