MegacephalosaurusMegacephalosaurus eulerti Megacephalosaurus
Vue sous plusieurs angles du crâne catalogué FHSM VP-321, représentant le spécimen holotype de M. eulerti. 2 collections
Megacephalosaurus est un genre fossile de grands pliosaures ayant vécu durant le début du Crétacé supérieur (Turonien) dans ce qui est aujourd’hui l'Amérique du Nord. Une seule espèce est connue, Megacephalosaurus eulerti, décrite en 2013 à partir de fossiles découverts dans des formations géologiques du Kansas. Le nom scientifique de l'animal, qui signifie « lézard à grande tête », fait référence à la taille du crâne qui est la plus grande connue de tous les pliosauridés du continent américain, pouvant atteindre jusqu'à 1,75 m de longueur. Megacephalosaurus est l'un des plus grands reptiles marins de son temps, avec une taille estimée entre 6 et 9 m de long. Son museau allongé et la forme de ses dents suggèrent qu'il préférait se nourrir de proies de petite taille. Les seuls fossiles actuellement connus de Megacephalosaurus sont deux crânes, trois côtes et une vertèbre. Les sites où ils furent trouvés et leur datation montrent que l'animal a vécu dans la voie maritime intérieure de l'Ouest, une ancienne mer qui divisait en deux le continent nord-américain du nord au sud durant une grande partie du Crétacé. Les premiers fossiles connus furent d'abord interprétés comme provenant d'un grand spécimen du pliosaure étroitement apparenté Brachauchenius lucasi, avant que des révisions ultérieurs ne confirment que les restes appartiennent en fait à un taxon distinct. Daté entre 94 et 93 millions d'années, Megacephalosaurus figure parmi les derniers pliosaures connus avant leur extinction. Découverte et historiqueIdentification initiale comme BrachaucheniusLe , au cours d'une collecte de dents de requins fossiles, deux frères adolescents, nommés Frank et Robert Jennrich, découvrent le premier crâne fossile de Megacephalosaurus, près de la localité de Fairport (en), située dans le Kansas, aux États-Unis. Le crâne est retrouvé à l'envers et complètement écrasé au sein d'une mince couche. Reconnaissant l'importance de leur découverte, les deux frères contactent le paléontologue George F. Sternberg et le conduisent au fossile à l'automne 1950. Sternberg identifie la formation géologique comme étant probablement la formation de Greenhorn ou celle de Graneros (en), à l'aide d'un fossile voisin de Xiphactinus. Les trois hommes, avec l'aide d'un éleveur de vaches local nommé Jim Rouse, exhument le crâne vers la fin octobre de la même année. Otto C. Eulert, le propriétaire du terrain sur lequel le fossile a été trouvé, fait don du spécimen au Muséum d'histoire naturelle de Sternberg. Ce fossile est par la suite catalogué sous le nom de code FHSM VP-321. Sternberg écrivit à Eulert le qu'il pensait initialement que le fossile provenait d'un grand mosasaure, avant de rapidement changer d'avis en faveur d'un plésiosaure. Après s'être entretenu avec Samuel Paul Welles et d'autres paléontologues lors de la réunion de 1950 de la Société de paléontologie des vertébrés à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, Sternberg identifie FHSM VP-321 comme étant un spécimen de Brachauchenius lucasi, une espèce de pliosauridé datant du début du Crétacé supérieur. Bien que d'autres éléments fossiles du même spécimen aient été collectés lors des fouilles, Sternberg n'exposait en 1951 dans son musée que le crâne et la partie gauche de la mandibule, montés sur un même support[1],[2]. L'identification du supposé crâne de Brachauchenius, catalogué FHSM VP-321, resta incontestée durant des décennies. Même une étude réalisée en 1996 par Kenneth Carpenter sur le crâne monté l'identifiait toujours comme tel, car les caractéristiques des côtés dorsaux du crâne, qui étaient alors les seules parties visibles, restaient des caractéristiques de Brachauchenius[3]. Réexamen et réidentificationEn novembre 2003, Robert Jennrich conduit des paléontologues du musée Sternberg au lieu d'origine où lui et son frère ont découvert le fossile en 1950[1]. Les scientifiques s'aperçoivent alors que ce site n'appartient pas à la formation de Greenhorn ou à celle de Graneros, comme Sternberg le supposait initialement, mais plutôt au membre Fairport Chalk des schistes de Carlile, daté d'environ 92,9 millions d'années[1],[4]. Les paléontologues commencent à douter de l'identification de FHSM VP-321 lorsqu'en 2007, le conservateur du musée Sternberg, Mike Everhart, découvre des photos du dessous du crâne prises avant son montage, qui révèlent des caractéristiques du dessous différentes de celles trouvées sur d'autres crânes de Brachauchenius. Pour résoudre cette question, FHSM VP-321 est retiré de son support, et Everhart collabore avec les paléontologues Bruce A. Schumacher et Kenneth Carpenter dans une étude incluant l'examen du dessous du crâne. Publiée en 2013, elle révèle que le crâne présente plusieurs caractéristiques uniques qui le distinguent de Brachauchenius et les chercheurs en concluent que FHSM VP-321 appartient à un genre distinct de pliosaures. L'étude réattribue le fossile au nouveau taxon Megacephalosaurus eulerti, le nom générique étant formé sur le grec ancien μέγας / mégas, « grand », κεφαλή / kephalḗ, « tête », et σαῦρος / saûros, « lézard », pour donner « lézard à grande tête », en référence à la taille imposante du crâne. L'épithète spécifique rend hommage à Otto C. Eulert pour le don du spécimen fossile[1]. L'histoire du crâne paratype catalogué UNSM 50136 ne fut pas claire lorsqu'il a été examiné pour la première fois par Schumacher dans une étude publiée en 2008. Lorsqu'il est récupéré des collections du musée de l'université du Nebraska à Lincoln pour étude, il n'y a étrangement aucune information contextuelle, ni aucun enregistrement concernant le fossile. L'une des seules informations sur le crâne est que le spécimen provient du Kansas, conduisant Schumacher à supposer qu'il proviendrait peut-être du musée Sternberg, d'où il aurait été obtenu par l'université du Nebraska au cours d'un échange de fossiles[5]. Aucune donnée stratigraphique n'est enregistrée pour USNM 50136, mais des analyses sur un morceau de matrice extrait du fossile identifient des assemblages de nannofossiles qui sont associés aux dépôts de calcaires de la formation de Greenhorn, datées probablement d'environ 93,9 millions d'années au plus tôt[4]. Schumacher en conclut qu'USNM 50136 représenterait une espèce ayant des affinités avec Brachauchenius et qu'il pourrait soit élargir la définition du taxon, soit appartenir à une espèce entièrement nouvelle, et attribua provisoirement le fossile à l'appellation aff. Brachauchenius lucasi[5]. Lorsque le spécimen FHSM VP-321 est attribué à un genre distinct, USNM 50136 est alors jugé conspécifique et considéré comme paratype du nouveau taxon[1]. D'autres fossiles actuellement attribués à Brachauchenius pourraient en fait appartenir à Megacephalosaurus. Par exemple, Everhart exprime la possibilité qu'UNSM 112437, un crâne partiel collecté dans les schistes de Graneros, soit en fait un autre représentant possible de Megacephalosaurus[2]. DescriptionDeux spécimens fossiles sont attribués à Megacephalosaurus à ce jour. Le spécimen holotype est FHSM VP-321, qui se compose d'un crâne presque complet, de trois côtes cervicales et d'une vertèbre cervicale. Le deuxième spécimen, le paratype USNM 50136, se compose d'un crâne partiel contenant des parties de l'os maxillaire et de certains os crâniens[1],[2]. Le crâne de Megacephalosaurus est le plus grand connu parmi les pliosaures d'Amérique du Nord. Le crâne de FHSM VP-321 mesure 1,5 m de long sur la ligne médiane et la longueur du côté gauche de la mandibule mesure 1,71 m[2],[3]. UNSM 50136, bien qu'incomplet, est encore plus grand que FHSM VP-321 et on estime qu'il devait atteindre jusqu'à 1,75 m. D'après les fossiles connus d'autres pliosaures, le crâne représente probablement un cinquième à un quart de la longueur totale de l'animal, ce qui permet d'estimer celle-ci entre 6 et 9 m pour Megacephalosaurus[1],[2]. Le museau est très allongé, représentant environ les deux tiers de la longueur totale du crâne. Il se rétrécit en largeur à son extrémité et comporte un petit rostre de 3 cm situé avant les premières dents. L'os dentaire, qui supporte les dents inférieures, occupe environ les deux tiers de la longueur totale de la mandibule. Le maxillaire comporte 22 dents fonctionnelles du côté droit et 23 dents du côté gauche. Quatre des paires les plus en avant sont situées sur le prémaxillaire tandis que les autres sont situées sur le maxillaire. Contrairement à certains pliosaures tels que Liopleurodon ou Pliosaurus, les dents du maxillaire de Megacephalosaurus ne diminuent pas en taille vers la base du crâne et sont toutes de grande taille. Une paire de petites fosses mesurant moins de 1 cm de long est présente juste avant la paire de dents fonctionnelles la plus en avant. Les chercheurs pensent que ces fosses représentent des alvéoles dentaires résiduelles qui contenaient autrefois une paire de dents supplémentaire chez les taxons ancestraux mais qui ont été perdues chez Megacephalosaurus. Presque tous les pliosaures ont cinq paires de dents sur le prémaxillaire et cette caractéristique de réduction à quatre paires est rare parmi les pliosaures[N 1], ce qui laisse penser que cette réduction aurait été un caractère dérivé des pliosaures du Crétacé. Les mandibules portent vingt-trois paires de dents fonctionnelles. Seules les cinq paires les plus en avant sont relativement grandes, toutes les dents suivantes devenant progressivement plus petites à mesure qu'elles se rapprochent de la base du dentaire. Les sixième à quinzième dents de la mandibule sont considérées comme de taille intermédiaire, et toutes les dents postérieures sont considérées comme petites[1],[7]. Les dents sont de forme conique, se terminant par une extrémité pointue. Elles sont légèrement incurvées vers la langue et sont éloignées de la ligne médiane de la mâchoire. Elles sont de grande taille : les plus grandes connues chez Megacephalosaurus mesurent jusqu'à environ 4,5 cm en hauteur de couronne. L'émail dentaire présente de petites crêtes longues, fines et convexes, appelées crêtes apicobasales, qui vont de la base de la couronne à la pointe. Environ la moitié de ces crêtes, au nombre de 13 à 16 par cm sur toute la circonférence de la couronne, atteignent toute la longueur de celle-ci[7]. La fonction des crêtes apicobasales sur les dents serait d'améliorer la préhension et la perforation des proies lors de la morsure[8]. Les côtes ont une forme similaire à celles des pliosaures typiques du Jurassique. Cependant, les côtes de Megacephalosaurus sont à double tête, ce qui signifie que la tête de la côte est structurée pour se fixer en deux points d'une vertèbre. Il s'agit d'une caractéristique unique parmi les pliosaures du Crétacé. Des côtes à double tête sont toutefois présentes chez certains pliosaures du Jurassique et on pensait auparavant que cette caractéristique avait disparu avec leur extinction[1]. ClassificationMegacephalosaurus appartient à la sous-famille des Brachaucheninae, qui rassemble les Pliosauridae du Crétacé. Les analyses phylogénétiques des pliosaures du Crétacé connus les ont systématiquement attribués à cette sous-famille, ce qui laissait penser qu'elle était la seule à avoir survécu après le Jurassique. Cependant, cela peut être l'effet des lacunes du registre fossile, très discontinu à ce jour pour les pliosaures au Crétacé inférieur. Les découvertes récentes de dents de pliosaures du Crétacé inférieur, présentant des caractéristiques distinctes des Brachaucheninae, remettent maintenant en question l'hypothèse et suggèrent qu'au moins une autre lignée aurait traversé la limite Jurassique-Crétacé[7],[9]. Les genres de Brachaucheninae sont variables et une seule caractéristique commune est connue, à savoir la possession de dents de forme quelque peu circulaire plutôt que de dents pleines ou trièdres observées chez certains pliosaures du Jurassique. Parmi les caractéristiques dérivées partagées par la plupart des Brachaucheninae, on trouve la forme du crâne adaptée à la saisie de proies plus petites (comme un museau allongé, un rostre gracile et des dents de taille constante). Cependant, il existe des exceptions notables comme Kronosaurus, qui possède des dents ayant chacune une forme différente[9]. Sur la base de ces divergences, une étude réalisée en 2018 émet l'hypothèse que le trait des dents de taille constante aurait évolué indépendamment trois fois au sein des Brachaucheninae : chez Luskhan, chez Stenorhynchosaurus, et dans un clade comprenant Megacephalosaurus et Brachauchenius[7]. Une première tentative de classification phylogénétique comprenant un spécimen de Megacephalosaurus avait été réalisée dans une étude publiée en 2012. Le spécimen FHSM VP-321 (alors non encore réattribué) était placé dans un clade en position basale par rapport à Brachauchenius et Kronosaurus[10]. En 2013, Benson produisit une étude qui tentait une autre analyse phylogénétique prenant en compte la nouvelle description de FHSM VP-321 faite peu avant par Schumacher et al., étant désigné sous le nom de Brachauchenius eulerti. Cette fois, l'étude plaçait FHSM VP-321 dans un clade polytomique partagé avec Brachauchenius et un spécimen de pliosaure catalogué DORK/G/1-2 (douteusement désigné sous le nom de « Polyptychodon »), avec un groupe externe constitué de Kronosaurus. Dans une autre analyse de consensus strict, l'étude plaçait FHSM VP-321 dans un clade polytomique qui comprenait Pliosaurus et Gallardosaurus[11]. Une autre étude publiée en 2015 donnait des résultats phylogénétiques similaires sous une méthode de consensus strict[12]. Madzia et al. ont tenté en 2018 de multiples analyses phylogénétiques avec différentes méthodes de consensus. Toutes les méthodes de consensus strict placent Megacephalosaurus dans un clade polytomique partagé avec Brachauchenius, Kronosaurus et le spécimen DORK/G/1-2, tandis que certaines méthodes de consensus majoritaire placent Megacephalosaurus dans un clade partagé avec DORK/G/1-2, en position dérivée par rapport à Kronosaurus et basale par rapport à Brachauchenius[7]. Le cladogramme du clade Thalassophonea ci-dessous est basée d'après Madzia et al. (2018)[7] :
PaléoécologieMegacephalosaurus figure parmi les derniers pliosaures connus avant leur extinction[7]. Il vivait dans la voie maritime intérieure de l'Ouest, une mer qui s'étendait sur les grandes plaines de l'Amérique du Nord et qui la séparait en deux du nord au sud au cours du Crétacé supérieur[1]. Le registre fossile indique que l'animal était présent lors de l'évènement de la limite Cénomanien-Turonien, un épisode marqué par une importante extinction de la faune mondiale, peut-être causée par une forte augmentation du volcanisme sous-marin. L'émission massive de CO2 aurait provoqué une forte hausse des températures et une acidification des océans, provoquant un événement anoxique mondial et une extinction massive à hauteur de 26 % de la faune marine[13]. Malgré cela, les assemblages de vertébrés de la voie maritime intérieure de l'Ouest restent stables tout au long de l'évènement, car de nombreux taxons ont été trouvés aussi bien dans les dépôts qui précèdent que dans ceux qui suivent l'épisode[14]. Les assemblages fossiles des parties d'âge Turonien du membre Fairport Chalk et des schistes de Greenhorn sont considérés comme modestes au regard du nombre d'espèces répertoriées, mais présentent néanmoins une grande diversité écologique. Les requins constituent la majorité des vertébrés, dont les genres Cretoxyrhina et Squalicorax sont les plus courants. Les autres types de requins présents incluent de nombreux lamniformes, comme Cretolamna, Cardabiodon, Cretodus, Archaeolamna, l'énigmatique durophage Ptychodus et l'odontaspididé Johnlongia (en). Plusieurs poissons osseux sont également connus. Beaucoup de leurs fossiles sont trop fragmentaires pour pouvoir être correctement identifiés, mais les taxons du Turonien connus incluent, sans être exhaustif, Enchodus, Pachyrhizodus et les ichtyodectidés Ichthyodectes et Xiphactinus. Bien que cohérente dans la faune, l'abondance de fossiles de poissons de la formation de Fairport et des schistes de Greenhorn de l'âge Turonien est nettement inférieure à celle des gisements plus anciens, comme un gisement antérieur des schistes de Greenhorn, situé sous la limite Cénomanien-Turonien, qui contient des centaines, voire des milliers de fossiles de poissons. Cependant, il pourrait s'agir d'un cas de biais de collecte[14]. Parmi les reptiles marins figurent les plésiosaures (incluant le polycotylidé Trinacromerum, des pliosauridés tels que Megacephalosaurus lui-même, Brachauchenius et des élasmosaures indéterminés), les tortues marines, le crocodylomorphe Terminonaris, le squamate marin Coniasaurus et des mosasaures plioplatecarpinés, qui ont été trouvés dans le membre Fairport Chalk et/ou dans les schistes de Greenhorn[14],[15],[16]. Le Turonien marque également le début de la radiation évolutive des mosasaures, chevauchant la période d'existence de Megacephalosaurus, lesquels auraient donc cohabité[2],[14]. Megacephalosaurus a traversé la limite Cénomanien-Turonien et a donc survécu à l'évènement anoxique[4],[1]. Seuls trois taxons de pliosaures connus sont dans ce cas : Megacephalosaurus, Brachauchenius et Polyptychodon. Ces trois genres disparaissent au cours du Turonien, marquant ainsi l'extinction des pliosaures[7],[17]. Les chercheurs pensent que cette disparition pourrait être liée à la montée des polycotylidés, qui se diversifient rapidement à peu près au même moment[16]. Notes et référencesNotes(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Megacephalosaurus » (voir la liste des auteurs).
Références
Voir aussiArticles connexesLiens externes
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