Maurice GodelierMaurice Godelier
Maurice Godelier, né le à Cambrai (Nord), est un anthropologue français. Il est l'un des tout premiers partisans de l'intégration du marxisme à l'anthropologie. Son expérience du terrain est riche des sept années passées parmi les Baruyas en Papouasie-Nouvelle Guinée entre 1967 et 1988. Il intervient sur de nombreux sujets au cœur de la compréhension du monde contemporain : les relations hommes/femmes, l'économie, l'imaginaire, entre autres. Il demeure engagé sur la scène intellectuelle et affirme le besoin d’une reconstruction des sciences sociales, afin de comprendre le monde contemporain dans lequel les pays émergents se modernisent sans s’occidentaliser. Il compte parmi les chercheurs en sciences humaines les plus influents et ses apports à l’anthropologie lui ont valu de nombreuses distinctions. BiographieMaurice Godelier a grandi « au sein d'une famille de condition très modeste dont aucun des membres n'avait dépassé le niveau de l'école primaire ». Bon élève, il entre au collège Notre-Dame de Grâce à Cambrai : « ses parents estimaient que les riches allaient au lycée, et les pauvres chez les catholiques »[1]. Le soir du baccalauréat, son destin semble tracé : il va intégrer l'université catholique de Lille. L'enseignement lui plaît. Être professeur de philosophie dans un lycée lui conviendrait. Mais le président du jury du bac en décide autrement. Il le recommande auprès du proviseur du lycée Faidherbe à Lille. Celui-ci, sans l'avoir consulté, l'inscrit en hypokhâgne, alors que le jeune Maurice ne connaît pas même le terme, et lui fait obtenir une bourse[2] Il rencontre Michel Foucault, maître assistant en psychologie à l'université de Lille. Ils se lient d'amitié. Foucault intervient de la même manière, l'inscrivant au Lycée Henri-IV à Paris pour augmenter ses chances d'intégrer l'École normale supérieure de Saint-Cloud. Porté par les idéaux politiques du temps, Maurice Godelier adhère au Parti communiste français en 1952 : il le quitte en 1968, à la suite de l'intervention militaire soviétique en Tchécoslovaquie du 20 au 21 août 1968[3]. Cet engagement politique irrigue les trois articles : « Les structures de la méthode du Capital » (I, II, III) que la revue du Parti communiste Économie et politique publie entre 1960 et 1961. En 1955, il intègre effectivement l'École normale supérieure de Saint-Cloud[4] (aujourd'hui ENS LSH) où il étudie la philosophie, la psychologie[réf. souhaitée] et les lettres modernes. En 1959, il est reçu à l'agrégation de philosophie[5] mais il affirme ne pas souhaiter « philosopher sur la philosophie »[6]. Il cherche alors un autre domaine d'études par le biais duquel il puisse appliquer celle-ci. L'année d'étude supplémentaire à l'ENS-LSH accordée lui permet d'étudier l'économie au Centre d'Etudes et de Programmation Economique (Cepe) où il suit le séminaire d'Edmond Malinvaud, ainsi que celui de Charles Bettelheim, centré sur la planification et le développement dans le Tiers monde. Il ressent rapidement le besoin d'étudier des rapports économiques concrets, différents de ceux des sociétés occidentales. L'approche interdisciplinaire de Fernand Braudel – géographie, économie, ethnologie, sociologie et archéologie – lui est recommandée. Sollicité en 1960 par Maurice Godelier, l'historien lui accorde un entretien parce que, dit-il « il y a tant de personnes qui m'ont écrit à votre propos que je ne peux pas vous dire ‘non' sans vous avoir vu ». À la fin du rendez-vous, il est engagé comme chef de travaux. Il se rend compte alors que l'histoire ne l'intéresse pas : « Le seul domaine qui permet d'aller étudier de l'économie subordonnée, mais qui n'est pas, justement, la copie de nous-même, c'est l'anthropologie »[7]. L'Unesco lui fournit l'occasion d'une mission au Mali destinée à étudier les effets de la planification sur les économies des communautés villageoises. « Il y avait un ministre du Plan, des Land-Rover marquées ministère du Plan, tout ça... Mais je n'ai pas eu les moyens de faire mon enquête »[8] raconte Maurice Godelier. À son retour, il rédige une synthèse intitulée "Objets et méthodes de l'anthropologie économique". « Elle a fait un tabac, mais je n'avais pas fait de terrain », conclut-il. Il entre à l'École pratique des hautes études (VIe section) en qualité de chef de travaux auprès de Fernand Braudel mais il va s'éloigner de ce dernier. Il est transféré en 1963 comme maître-assistant dans le Laboratoire d'Anthropologie Sociale de Claude Lévi-Strauss, alors titulaire de la chaire d'anthropologie au Collège de France. Il a enfin la possibilité de se concentrer sur l'anthropologie. La même année, il s'apprête à se rendre sur le premier terrain de l'anthropologue américain d'origine suisse Alfred Métraux avec lequel il s'est lié d'amitié, mais dont la disparition brutale met fin au projet[9]. Consulté, Claude Lévi-Strauss décrète : « - Il y a beaucoup de Français en Amérique. Si je me permets de vous donner un conseil, le paradis aujourd'hui, c'est la Nouvelle-Guinée. C'est là que se trouvent les Américains et les Australiens, etc. » [10]. Suivant son conseil, Maurice Godelier prépare soigneusement son voyage pour la Nouvelle-Guinée et se concerte avec des collègues américains : ceux-ci lui fournissent une liste de tribus qui ne sont pas encore étudiées. Il apprend le pidgin mélanésien, langue de contact partagée dans cette partie de l'Océanie[11]. Après une série de hasards, il arrive en 1967 chez les Baruyas qui ne figuraient pas sur la liste. « Je ne connaissais pas les Baruyas, ils m'ont fasciné. En plus, ils faisaient de la monnaie. Moi qui m'intéressais à l'économie primitive, j'apprends sur place que c'était les fabricants d'une monnaie de sel. Ils étaient aussi de bons guerriers, ils avaient un peu résisté aux Blancs. Tout ça, ça me plaisait beaucoup. En plus, ils vivaient dans des villages de 200-250 personnes. Or je voulais faire venir ma femme et mes deux enfants »[12]. Il étudie ce peuple au cours de plusieurs voyages, le caractérisant comme étant sans classe et sans État. Dans la parenté, il éclaircit le lien entre la conception envisagée et le système de transmission lignagère. De Lévi-Strauss, il a retenu l'emploi de la méthode structurale, qu'il a tenté de combiner avec une approche marxiste[13]. Sur cette base en particulier, il est parvenu à une critique des approches « formalistes » et « substantivistes » des économies primitives. Il a distingué les concepts de « fonctions » et d'« institutions ». Organisation de la rechercheEn 1981, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Recherche, l'appelle à ses côtés pour contribuer à la réforme de la recherche en sciences humaines et sociales au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Maurice Godelier organise des réunions mobilisant l'ensemble des disciplines (l'histoire, l'anthropologie, la linguistique, la psychologie et l'économie) afin de réaliser un bilan. Cette réflexion aboutit à un volumineux rapport en deux volumes, Les sciences de l'homme et de la société en France : analyses et propositions pour une politique nouvelle. Il y envisage la création au CNRS d'un département « Sciences de l'Homme et de la Société » et de deux nouvelles commissions (linguistique et sciences politiques), propositions acceptées et aussitôt mises en œuvre. En revanche, ses tentatives pour créer une commission pour la psychanalyse n'ont pu déboucher sur des réformes durables. Afin de concrétiser ce rapport, Jean-Pierre Chevènement le nomme en 1982 directeur scientifique du premier département des Sciences de l'Homme et de la Société du CNRS, poste qu'il occupe jusqu'en 1986. Ensuite, après être retourné animer de multiples recherches à l'EHESS, il est nommé de 1997 à 2000, directeur scientifique du musée de l'Homme. En 2001, il reçoit la médaille d'or du CNRS pour l'ensemble de son œuvre[14]. Il préside la Société des océanistes de 2001 à 2016[15]. Il est le père de l'universitaire et historien Éric Godelier[16]. Ouvrages
Prix et distinctions
Notes et références
AnnexesBibliographie
Articles connexesLiens externes
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