Manon Lescaut

Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut
Image illustrative de l’article Manon Lescaut
Gravure de Gravelot pour la première page de Manon Lescaut, 1753.

Auteur Antoine François Prévost
Pays France
Genre Roman-mémoires
Date de parution 1731

Manon Lescaut, publié pour la première fois en 1731 sous le titre de La véritable histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, est un roman-mémoires de l’abbé Prévost, septième et dernier volume des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde, rédigés de 1728 à 1731. Le livre étant jugé scandaleux à deux reprises (1733 et 1735), saisi et condamné à être brûlé, l’auteur en publie en 1753 une nouvelle édition revue, corrigée et augmentée d’un épisode important.

Malgré ce mauvais premier accueil critique, le roman séduit rapidement le public, jusqu'à nos jours. De nombreuses adaptations (théâtre, opéra, cinéma, etc.) contribuent encore à sa célébrité.

Résumé

Première partie

Le narrateur qui s’appelle Renoncour revient de Rouen. Il arrive pour dîner à Pacy. Il règne dans la ville une grande agitation. Les habitants sont regroupés devant le cabaret où se sont arrêtés deux chariots. Il s’agit d’un convoi d’une douzaine de filles de mauvaise vie, condamnées à s’embarquer pour l’Amérique. L’une d’elles, Manon, l’intrigue par sa beauté et sa distinction. L’auteur interroge donc le chef des gardes à son sujet, mais n’obtient pas de réponse. À sa demande, un archer invite l’homme à questionner un jeune homme qui se tient à l’écart et qui ne peut être « que son frère ou son amant ». Ce dernier qui a suivi le convoi depuis Paris semble souffrant. Il refuse de livrer son secret et l’identité de la jeune fille, mais avoue sa passion pour celle-ci et qu’il a tout essayé pour la faire libérer, au point d’être à présent ruiné. Ému, le narrateur paie alors le chef des gardes pour que le jeune homme puisse parler à sa guise avec Manon et donne une petite somme d'argent à l'inconnu.

Deux années s’écoulent. L'homme de qualité revient de Londres et compte séjourner un jour et une nuit à Calais. En se promenant dans la ville, il croit reconnaître le même jeune homme que celui rencontré deux ans auparavant. Il l’aborde donc. Les deux hommes ont plaisir à se retrouver. Heureux de cette rencontre et remerciant encore le narrateur pour ses dons, le jeune homme précise qu'il rentre d’Amérique. Le soir même, le narrateur accueille le jeune homme à l'hôtel du Lion d'Or où il séjourne. Le mystérieux jeune homme commence le récit de ses aventures.

La rencontre de Des Grieux et Manon Lescaut.

Des Grieux, jeune homme de dix-sept ans, est issu d’une bonne famille. Il s’est montré un élève exemplaire au collège d'Amiens et son père souhaitait qu’il devînt chevalier de l'ordre de Malte, d'où son titre de noblesse. Tiberge, son meilleur ami, est généreux et compréhensif. De retour dans sa ville natale à la veille des vacances, des Grieux rencontre dans une auberge où il fait escale Manon Lescaut dont il tombe éperdument amoureux. Malgré sa jeunesse et son manque d'expérience amoureuse, il est fasciné par elle. C’est le coup de foudre. Des Grieux apprend que Manon est envoyée par ses parents au couvent. Quand ils se retrouvent seuls, elle lui avoue très vite qu’elle est « flattée d’avoir fait la conquête d’un amant » tel que lui. La fuite étant l’unique solution pour que Manon échappe à l’avenir qui lui est destiné et qu’ils puissent vivre leur amour, ils se donnent rendez-vous le lendemain à l’auberge de Manon, avant le réveil du conducteur de carrosse.

Malgré les efforts de Tiberge pour le détourner de son projet, des Grieux est décidé à s’enfuir avec Manon. Il parvient à rassurer son ami et à estomper sa vigilance.

Avant la nuit, les deux jeunes gens sont à Saint-Denis. Les projets de mariage sont oubliés : « Nous fraudâmes les droits de l’Église ». À Paris, les deux amants logent dans un appartement meublé et filent le parfait amour, pendant trois semaines. Mais le jeune homme, ayant des remords, veut renouer avec sa famille. Il envisage de demander à son père l’autorisation d’épouser Manon, mais la jeune fille est réticente à cette idée : elle a peur de perdre des Grieux si le père de celui-ci s’oppose à leur mariage. Des Grieux redoute également de connaître des difficultés financières, mais Manon le rassure et se charge de la gestion de leurs finances. Confiant, le jeune homme accepte. Un soir, il rentre plus tôt qu’à son habitude. La porte est fermée et Manon met beaucoup de temps à lui ouvrir. Après avoir interrogé la servante, des Grieux s'aperçoit que le vieillard M. de B…, riche fermier général, vient de quitter furtivement leur logis. Le soir même, pendant le souper, des Grieux espère des explications spontanées de Manon, mais celle-ci les évite et éclate en sanglots.

Quelqu'un frappe alors à la porte. Après un baiser à son amant, Manon s'enfuit. Les laquais du père des Grieux viennent « enlever » son fils. Dans le carrosse qui le ramène au logis familial, le jeune homme essaie de comprendre qui a pu les trahir, Manon et lui.

À la maison paternelle, l’accueil est plutôt indulgent. Le jeune homme se fait cependant railler par son père qui dénonce sa crédulité : « Tu as tant de disposition à faire un mari patient et commode. » Il avoue alors à son fils que c’est M. de B… qui a séduit Manon : « Tu sais vaincre assez rapidement, chevalier ; mais tu ne sais pas conserver tes conquêtes. » Des Grieux est désespéré, sans pour autant oser imaginer la moindre trahison de Manon. Pour empêcher qu’il ne prenne encore une fois la fuite, son père prend la décision de le séquestrer dans sa chambre.

Pendant six mois, des Grieux se montre donc désespéré mais progressivement et avec l’aide de son ami Tiberge, il reprend goût à la vie en lisant et en étudiant. Tiberge qui a vu Manon lui apprend qu’elle vit à Paris et qu’elle est entretenue par son vieil et riche amant. Des Grieux décide alors de renoncer au monde et entre avec Tiberge au séminaire de Saint-Sulpice.

Il trouve l’apaisement dans ses études, ne pense plus à Manon et retrouve la notoriété lorsqu’un exercice public, soutenu en Sorbonne, le remet en présence de Manon.

Envoûté, des Grieux lui pardonne et quitte immédiatement le séminaire. Après une nuit à l’auberge, les deux amants, plus que jamais amoureux l’un de l’autre, s’installent au village de Chaillot.

Grâce à l’argent que Manon a soutiré à M. de B…, le couple vit à l’abri du besoin. Pourtant Manon s’ennuie à Chaillot et convainc des Grieux de louer un appartement à Paris. Le frère de Manon qui habite la même rue qu’eux s’invite rapidement chez eux et vit à leurs dépens, achevant de gaspiller leurs ressources.

Un matin, alors que les deux amants ont passé la nuit à Paris, des Grieux apprend que leur maison de Chaillot a brûlé. Cet incendie achève de les ruiner. Mais le jeune homme souhaite préserver Manon et ne pas l’en informer.

Visite à Manon Lescaut à la Salpêtrière.

Cherchant une solution, des Grieux se confie au frère de Manon qui lui propose d’abord d’exploiter les charmes de Manon, puis les siens, ce que des Grieux refuse. La dernière solution évoquée par le frère Lescaut est de tricher au jeu. Mais, peu rassuré, des Grieux préfère s’abstenir.

Le jeune homme décide finalement d’en appeler à nouveau à la générosité de son ami Tiberge. Après une entrevue, des Grieux s’excuse de son ingratitude. Tiberge, lui, fait preuve d’une amitié indéfectible et offre de l’argent à son ami.

Des Grieux réalise ensuite que même si son amour est sincère, Manon semble avide de plaisirs, aime à dépenser sans compter et ne peut se résoudre à une vie médiocre.

Par peur d’être abandonné par Manon, des Grieux se rapproche à nouveau de Lescaut (le frère de Manon). Ce dernier le fait admettre dans un cercle de jeu. En peu de temps, devenu un grand tricheur, il retrouve la richesse. Son ami Tiberge s’inquiète de la légitimité de ses actes et le met en garde. La vie facile unit encore davantage les deux amants.

Mais, jaloux de leur bonheur, un soir qu’il dîne chez le frère Lescaut, les domestiques en profitent pour dépouiller leurs maîtres et piller la maison. Manon et des Grieux sont désespérés et à la rue.

Lescaut conseille donc à sa sœur de nouer une liaison lucrative avec le vieux M. de G… M…. Manon part donc à la recherche d’argent. Grâce à ses charmes elle amène M. de G… M… à lui offrir une maison et à l’entretenir.

Lescaut, plus machiavélique que jamais, propose à des Grieux de s’associer au stratagème en lui proposant d’escroquer le vieil amant de Manon. Un souper est organisé. Le vieillard offre à Manon de superbes bijoux et lui propose la moitié de sa pension. Le trio se moque du vieil homme tout au long de la soirée avant de s’éclipser en carrosse.

Se rendant compte de la tromperie, le vieil homme retrouve leur trace et les fait arrêter par la police au petit matin. Manon est enfermée à la Salpêtrière ; son amant, lui, est emmené à Saint-Lazare, prison pour jeunes aristocrates débauchés.

Des Grieux réussit à échafauder un plan d’évasion avec la complicité involontaire de son ami Tiberge. Grâce à des contacts, il renoue avec Lescaut qui lui procure une arme. Des Grieux, sous la menace, force alors le père supérieur à se faire ouvrir les portes de la prison. Dans sa fuite, il abat un portier. Des Grieux veut alors libérer Manon. Il parvient à s’introduire dans l’Hôpital et revoit Manon. Un valet fait sortir Manon, déguisée en homme.

Alors que, pour éviter des ennuis, des Grieux et Manon quittent rapidement les lieux en compagnie de Lescaut, celui-ci croise un homme qu’il a jadis ruiné au jeu. Cet homme tire sur lui et s’évanouit dans la nuit. Les deux amants, dans leur fuite, retournent à l’auberge de Chaillot. Une nouvelle fois Tiberge vient en aide à des Grieux en lui proposant de l’argent. Par chance, le scandale est étouffé. Les deux amants retrouvent alors un semblant de tranquillité. Ici, des Grieux s’interrompt dans le récit de son aventure, pour le souper.

Seconde partie

Manon Lescaut s’embarquant pour l’Amérique.
La mort de Manon Lescaut.

Les deux amants s’installent alors dans l’auberge de Chaillot. Des Grieux recommence à jouer et à tricher. De son côté, Manon reste fidèle et s’amuse à mystifier un prince italien qui la courtise.

Le destin pourtant semble les poursuivre. Le fils de M. de G… M… débarque et vient alors partager leur repas. Il s’éprend de Manon. Celle-ci monte un plan pour lui extorquer une énorme somme d’argent, en vengeance du père. Elle le rencontre donc mais Manon ne parvient pas à se libérer de ce rendez-vous galant. Tant de cynisme révolte le chevalier qui décide de se venger. Il fait enlever le jeune G… M…, s’introduit dans son hôtel, fait à l’infidèle une scène de jalousie qui se termine par de tendres effusions.

Mais des Grieux pressent « une catastrophe ». Un laquais de M. de G… M… a donné l’alarme. Pour la deuxième fois, Manon et son amant sont incarcérés. Au Petit-Châtelet, des Grieux reçoit la visite de son père. Celui-ci lui reproche vigoureusement sa conduite mais lui pardonne et va tout faire pour le libérer, il veut également éloigner Manon et obtient qu’elle soit exilée en Amérique.

Libéré, des Grieux apprend l’horrible nouvelle. La rupture entre le père et le fils semble définitive.

Désespéré après de vaines démarches pour libérer Manon, des Grieux obtient, moyennant finance, la permission de suivre Manon. Quand il rencontre l’Homme de qualité à Pacy, il n’a plus d’argent et est séparé de sa maîtresse.

Des Grieux s’embarque comme volontaire à bord du vaisseau de la compagnie du Mississippi, qui emporte Manon en Amérique. Il sous-entend être marié avec Manon et, grâce à la confiance du capitaine, il peut l'entourer de ses soins.

Après deux mois de traversée, le bateau arrive à La Nouvelle-Orléans. Le capitaine renseigne le gouverneur sur la situation de Des Grieux et de Manon. L’accueil du gouverneur est sympathique et il leur trouve un logement.

Manon rend grâce à la gentillesse de Des Grieux et lui promet qu’elle a changé. Assuré de la sincérité et de la fidélité de Manon, des Grieux est plus heureux que jamais, et les deux amants vivent plusieurs mois dans le bonheur et la vertu, si bien qu'ils décident d'officialiser leur union devant l'église.

Des Grieux va donc trouver le gouverneur pour lui avouer que Manon et lui ne sont en réalité pas encore mariés, et lui demander d'approuver leur union, celui-ci accepte de prime abord. Or, le neveu du gouverneur, Synnelet, aime Manon. Apprenant qu’elle est libre, il la réclame pour lui à son oncle qui prend sa défense. Il se bat secrètement en duel avec des Grieux qui le blesse. Croyant avoir tué son adversaire, des Grieux s’enfuit dans le désert avec Manon où elle meurt (la cause de sa mort n'est pas énoncée, on peut supposer qu'elle succombe d'épuisement ou de maladie infectieuse). Des Grieux l’ensevelit et se couche sur sa tombe pour mourir.

Retrouvé par le gouverneur, il est soigné et survit. Tiberge, parti à sa recherche, arrive en Amérique pour convaincre des Grieux de revenir en France. Ils partent neuf mois après la mort de Manon. De retour en France, il apprend la mort de son père, due au chagrin. C’est là que se situe la deuxième rencontre avec l’Homme de qualité, à Calais.

Analyse

Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la fortune à la misère, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue.

C'est ainsi que Montesquieu comprend, peu après sa publication, le succès de ce roman : « J'ai lu le , Manon Lescaut, roman composé par le P. Prévost. Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l'héroïne une catin qui est menée à la Salpêtrière, plaise, parce que toutes actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l'amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse[1]. »

Le roman a d'abord scandalisé et a été interdit de publication. On[Qui ?] se plaignait que de mauvaises conduites ne fussent pas assez clairement condamnées[réf. nécessaire] et semblassent justifiées par le sentiment de l'amour[réf. nécessaire]. Beaumarchais (1731), puis surtout Pallissot (1767) et Sade en feront l'éloge. Le troisième admire la façon dont l'abbé Prévost a maintenu constant l'intérêt du lecteur pour le sort de Manon (peinte, dit-il, avec tant de naturel) et fait d'elle le précurseur de la Julie de Jean-Jacques Rousseau[2].

Réalité et fiction

Lors de la parution de Manon Lescaut en 1731, septième tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité, Antoine-François Prévost a trente-quatre ans. Il a été ordonné prêtre cinq ans auparavant et vit à Amsterdam où il vient d’avoir un enfant avec Marianne Néaulme[réf. nécessaire], la femme de son éditeur, et entretient une relation passionnée avec Lenki : la courtisane Hélène Eckhardt.

Si le personnage de Des Grieux semble être de fiction, ses allers et retours entre la religion et une vie aventureuse, sinon pécheresse, rappellent bien l’existence mouvementée de l’auteur (au point qu’il s’attribue à lui-même le titre de Prévost d’Exiles), et le roman contient probablement des éléments autobiographiques. L’abbé a lui-même trempé à l’occasion dans des activités douteuses et sera incarcéré à Londres pour escroquerie deux ans après la publication de Manon[3]. Par ailleurs, son nom rappelle celui de Jean Gaston de Grieu, commandant du Comte de Toulouse, navire de la Compagnie d'Occident en Louisiane au début de la colonisation[4].

Pour Manon, Prévost se serait inspiré d’une part de l’histoire d’une de ces « femmes de mauvaise vie » que John Law, qui dirige à partir de 1717 la Compagnie d'Occident, devenue en 1719 Compagnie perpétuelle des Indes, envoie de force peupler la Louisiane aux côtés de forçats, mais aussi des « filles de la Cassette » qui sont, elles, dotées par la Régence. Une Marie-Anne Lescau, surnommée Manon, de plus amiénoise, est en effet débarquée à l’île Dauphin (avant-port de Fort Louis de la Mobile) en 1719[5],[6]. D’elle, sauf erreur[Quoi ?], nous [Qui ?] ne savons rien de plus : eut-elle le destin tragique de « notre » Manon ? À vrai dire, Prévost a sous les yeux une autre inspiratrice toute trouvée, en la personne de Lenki. Prévost ne parle-t-il pas d’elle avec la noblesse d’âme d’un des Grieux évoquant Manon : « une demoiselle [à qui] un homme d’honneur faisait tenir une pension modique sans autre motif que sa générosité » (!)[7]

Ces différentes sources d’inspiration se traduisent dans le télescopage de dates qui perce dans le roman. Les premières lignes de Manon, dans lesquelles l’homme de qualité situe sa première rencontre avec des Grieux « six mois avant [son] départ pour l’Espagne », indiquent que les amants sont conduits en Louisiane vers février 1715 : le roman s’étend de juillet 1712 (le coup de foudre de Des Grieux en partance pour Paris) à janvier 1717 (son retour en France et son récit à Renoncour)[8].

Cette chronologie renforce le caractère autobiographique de l’œuvre, ces dates étant à peu de chose près celles de la jeunesse de Prévost, qui découvre Paris en 1711-1712, entreprend son noviciat en 1714, en est chassé, déserte et s’exile en 1715 et bénéficie d’une amnistie qui lui permet de revenir en 1716[3].

Seulement, l’exil louisianais des amants ne cadre pas avec cette première chronologie. La colonisation forcée de la Louisiane par Law s’étale de 1717 à 1720, et l’arrivée de Marie-Anne « Manon » Lescau se situe bien à cette période. Mieux, Prévost ne la fait pas arriver à l’île Dauphin, mais « au Nouvel-Orléans », dont la fondation ne remonte qu’à 1718, qui, en 1723, ne compte que 200 âmes et qui ne deviendra une ville qu'à partir de 1722[5]. Et il fournit une précision qui achève de bousculer la chronologie : à l’arrivée de Manon et des Grieux, « ce qu’on [leur] avait vanté jusqu’alors comme une bonne ville n’était qu’un assemblage de quelques pauvres cabanes. Elles étaient habitées par cinq ou six cents personnes. » Sachant qu’en 1726 la population de la ville atteint 900 habitants[5], cette arrivée ne peut avoir lieu qu’en 1724 ou qu'en 1725.

Il y a donc trois datations différentes de l’arrivée de Manon en Louisiane : vers 1719 pour la réalité historique, en 1715 selon ce qu’en dit l’homme de qualité, vers 1725 en suivant le tableau, d’ailleurs bien documenté, qu’en dresse l’auteur. Prévost, bourreau de travail pressé par l’exigence des plaisirs de Lenki, écrivait plusieurs livres en même temps : il pouvait attacher peu d’importance à la cohérence chronologique de son roman, il a pu se couper en sautant d’un projet à l’autre, et sans doute y a-t-il eu un peu des deux[réf. nécessaire].

Éditions

Il existerait, d'après Jean Sgard, trente-deux éditions du roman au xviiie siècle, soixante-douze au xixe et cent trente au xxe. Voici quelques exemples :

Bibliographie

  • Jean Desobrie, L’Abbé Prévost : un amour de moine. Essai., Roger Éditeur, Viroflay, 2018 (ISBN 978-2-903880-08-8).
  • Sylviane Albertan-Coppola, Abbé Prévost : Manon Lescaut, Presses universitaires de France, Paris, 1995 (ISBN 978-2-13046-704-5).
  • André Billy, L’Abbé Prévost, Flammarion, Paris, 1969.
  • (en) Patrick Brady, Structuralist perspectives in criticism of fiction : essays on Manon Lescaut and La Vie de Marianne, Peter Lang, Berne ; Las Vegas, 1978.
  • (en) Patrick Coleman, Reparative realism : mourning and modernity in the French novel, 1730-1830, Droz, Genève, 1998 (ISBN 978-2-60000-286-8).
  • Maurice Daumas, Le Syndrome Des Grieux : la relation père/fils au XVIIIe siècle, Seuil, Paris, 1990 (ISBN 9782020113977).
  • René Démoris, Le Silence de Manon, Presses universitaires de France, Paris, 1995 (ISBN 978-2-13046-826-4).
  • (en) R. A. Francis, The abbé Prévost’s first-person narrators, Voltaire Foundation, Oxford, 1993.
  • Paul Hazard, Études critiques sur Manon Lescaut, The University of Chicago Press, Chicago, 1929.
  • Pierre Heinrich, L’Abbé Prévost et la Louisiane ; étude sur la valeur historique de Manon Lescaut, E. Guilmoto, Paris, 1907.
  • Claudine Hunting, La Femme devant le “tribunal masculin” dans trois romans des Lumières : Challe, Prévost, Cazotte, Peter Lang, New York, 1987 (ISBN 978-0-82040-361-8).
  • Jean-Luc Jaccard, Manon Lescaut, le personnage-romancier, A.-G. Nizet, Paris, 1975 (ISBN 2707804509).
  • Jules Janin, Introduction à Manon Lescaut, Paris, Garnier Frères, 1877.
  • Eugène Lasserre, Manon Lescaut de l’abbé Prévost, Société Française d’Éditions Littéraires et Techniques, Paris, 1930.
  • Roger Laufer, Style rococo, style des Lumières, J. Corti, Paris, 1963.
  • Vivienne Mylne, Prévost : Manon Lescaut, Edward Arnold, London, 1972.
  • René Picard, Introduction à l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Garnier, Paris, 1965, p. CXXX-CXXXXVII.
  • (en) Naomi Segal, The Unintended Reader : feminism and Manon Lescaut, Cambridge University Press, Cambridge ; New York, 1986 (ISBN 9780521307239).
  • Victor Schroeder, L’Abbé Prévost, sa vie, ses romans, Paris, Hachette et cie, 1898.
  • Jean Sgard, L’Abbé Prévost : labyrinthes de la mémoire, PUF, Paris, 1986 (ISBN 2130392822).
  • Jean Sgard, Prévost romancier, José Corti, Paris, 1968 (ISBN 2714303153).
  • Alan Singerman, L’Abbé Prévost : L’amour et la morale, Droz, Genève, 1987.
  • Loïc Thommeret, La Mémoire créatrice. Essai sur l'écriture de soi au XVIIIe siècle, L’Harmattan, Paris, 2006, (ISBN 978-2-29600-826-7).
  • (en) Arnold L. Weinstein, Fictions of the self, 1550-1800, Princeton University Press, Princeton, 1981 (ISBN 978-0-69106-448-2).
  • Carole Dornier commente Manon Lescaut de l'abbé Prévost, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1997, 208 p. (ISBN 2-07-038642-2).

Adaptations

Le roman de l’abbé Prévost a donné lieu à des opéras, des ballets, des pièces de théâtre et à plusieurs films :

Théâtre

Vladimír Šmeral et Marie Burešová (cs) dans Manon Lescaut mis en scène par Vítězslav Nezval au D 41
  • 1940 - Manon Lescaut, pièce de Vítězslav Nezval en tchèque jouée au D 41. Le même auteur a également publié en 1945 Les Ballades à Manon, recueil de poèmes.

Danse

Musique

Cinéma

Télévision

Postérité littéraire

  • L'écrivaine française George Sand publie en 1835 Leone Leoni, un roman qui s'inspire de Manon Lescaut mais en échangeant le sexe des deux personnages principaux : une femme, Juliette, qui joue un rôle équivalent à celui de Des Grieux, est entraînée dans des aventures tour à tour grandioses et sordides par le noble Vénitien Leone Leoni, sorte de Manon Lescaut masculin[9].
  • L'écrivain français Alexandre Dumas fils, dans son roman la Dame aux camélias, rédigé en 1848, dresse un parallèle explicite entre son héroïne, Marguerite Gautier, et Manon Lescaut. Le récit de l'Abbé Prévost apparaît à plusieurs reprises dans l'oeuvre de Dumas fils : les personnages s'y réfèrent tout au long du roman, à des moments importants de l'intrigue. La critique considère souvent La Dame aux Camélias comme une réécriture de l'œuvre de Prévost[10].
  • L'écrivain russe Vsevolod Petrov a écrit La Jeune Véra. Une Manon Lescaut russe en 1946, mais cet ouvrage n'a été publié qu'en 2006 dans la magazine russe Novy Mir. En langue française, la publication date de 2019, aux éditions Gallimard, le texte du roman russe est traduit par Véronique Patte et est suivi d'une postface de Luba Jurgenson.

Notes et références

  1. Jean Sgard, Labyrinthes de la mémoire, Paris, PUF, , 239 p. (ISBN 2-13-039282-2), p. 169.
  2. Carole Dornier, Manon Lescaut de l'abbé Prévost, Paris, Gallimard, , 208 p. (ISBN 2-07-038642-2), p. 169-175.
  3. a et b Jean Sgard, Vie de Prévost, 1697-1763, Presses de l’université Laval, 2006.
  4. Charles Verlinden, « Marcel Giraud, Histoire de la Louisiane française. Tome III. L'époque de John Law (1717-1720) (compte-rendu) ». In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 46, fasc. 3, 1968. Langues et littératures modernes. Moderne taal- en letterkunde. pp. 905-907 [1].
  5. a b et c « Louisiane française (Nouvelle-France) », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le ).
  6. Jean Pérol, La Nouvelle-Orléans, Champ-Vallon, 1992, p. 33.
  7. Henri Roddier, « La “véritable” histoire de “Manon Lescaut” », Revue d’Histoire littéraire de la France, 1959.
  8. « PREVOST : MANON LESCAUT », sur www.site-magister.com (consulté le ).
  9. George Sand, Notice de Leone Leoni dans les Œuvres illustrées, Paris, Hetzel, 1853. [lire en ligne].
  10. Eliane Lecarme-Tabone, « Manon, Marguerite, Sapho et les autres », Romantisme,‎ , p. 23-41.

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