Madame Diogène
Madame Diogène est le premier roman d'Aurélien Delsaux, paru le 20 août 2014 aux éditions Albin-Michel. Premier roman de l'auteur, le livre de 138 pages raconte en 12 chapitres la journée d'une vieille femme (dont on ne connaît pas l'identité) atteinte par le syndrome de Diogène. Dans son appartement dévasté, elle entend la vie des différents voisins de son immeuble, qui, dérangés par la puanteur et les insectes qui s'échappent de son appartement, veulent tous la déloger; elle observe aussi la vie de la rue, marquée par des manifestations quotidiennes et des violences policières, dans le cadre d'une grève générale. Le roman est remarqué par la critique à sa sortie et reçoit un accueil favorable. Il est notamment finaliste du prix du Premier roman[1], ainsi que du Prix Murat «Un roman français pour l'Italie» de l'université de Bari. RésuméLe roman commence par les tambourinements d'un voisin (Zaraoui, «le Gros») à la porte de l'appartement d'une vieille femme qui, du fond de son «terrier», n'ouvre pas. On la suit toute une journée, dans son appartement dont le désordre et la saleté sont régulièrement décrits. La vieille est prise de visions, cherche son chat, écoute, observe la rue, reçoit diverses visites: «l'Assistante», qu'elle refuse de faire entrer, et qu'elle mord, et «la Nièce», qui lui apporte des courses et la gronde. Ses souvenirs ne nous donnent que peu de renseignements sur son passé ni sur comment elle en est arrivée là. À plusieurs reprises cependant, on croise la figure de «Georges», petit frère handicapé, qui, enfant, se serait noyé dans une mare. À la fin du roman, son appartement a pris feu; avant l'arrivée des pompiers qui devaient initialement venir la déloger, les voisins tentent de la sauver. AnalysePortrait d'une personne atteinte par le syndrome de Diogène, l'intérêt du roman réside aussi dans le portrait qui est fait d'une société violente: les habitants de l'immeuble font preuve d'intolérance, de racisme, de lubricité, de consumérisme, de folie. À l'instar du philosophe Diogène qui une lanterne à la main en plein jour cherchait un homme dans Athènes, le roman interroge sur l'identité humaine. Si le personnage de Mme Diogène fait d'abord figure de monstre, de chapitre en chapitre elle incarne davantage une sorte de dernier membre de l'espèce humaine, au regard de la monstruosité morale de ceux qui l'entourent, comme de leur dépendance à la technique. RéférencesLe livre s'ouvre sur une mention du verset 24 du chapitre 6 de l'évangile selon Luc, condamnation, dans la suite des Béatitudes, par Jésus, des riches:
Le plan de l'appartement et les meubles qu'il contient correspondent pour partie à ceux décrits au conditionnel dans le premier chapitre du roman les Choses de Georges Perec. Delsaux en cite par exemple le "gros divan de cuir noir" et les "bibliothèques en merisier pâle"[2]. Par ailleurs, le chapitre 11 de Madame Diogène rédigé au conditionnel rappelle là aussi l'incipit des Choses. Dans un dialogue de monsieur Jean avec l'Assistante, au chapitre 4, figure une référence quasi explicite à la Métamorphose de Kafka, œuvre avec laquelle le roman présente d'autres similitudes :
Au chapitre 8, Mme Diogène a la vision du fantôme de son père qui lui offre un exemplaire de Robinson Crusoé. Suivent une description de l'ouvrage et une traduction française de la première phrase du roman de Defoe:
Comme Robinson, Mme Diogène apparaît solitaire et naufragée, ayant dans son chaos à refaire le monde. CritiquesLe Figaro mentionne l'auteur parmi les dix primoromanciers «dont il faudra retenir le nom». Pour Astrid de Larminat, comparant le roman à un «conte de Kafka», son monde «semble surgi d'une vision et d'un vertige, d'un sentiment abyssal d'étonnement, d'effroi et de nostalgie.». Elle souligne aussi la «poésie puissante» du roman[5]. Au Canada, dans le quotidien de Montréal La Presse Sylvain Sarrazin dans son article intitulé «Madame Diogène: poétique du chaos» écrit:
Adaptation théâtraleEn 2016, la compagnie L'Arbre présente une adaptation du roman à la Manufacture des Abbesses à Paris. La pièce est reprise ensuite à Lyon, Grenoble, Tarbes. Seule en scène, Jeanne Guillon y incarne «avec subtilité et conviction», selon la critique dramatique lyonnaise Trina Mounier[7], Mme Diogène, la voix narratrice, ainsi que tous les personnages (Zaraoui, monsieur Jean, la Nièce, etc.). La mise en scène est assurée par l'auteur, par ailleurs co-directeur artistique avec Jeanne Guillon de la compagnie L'Arbre. Notes et références
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