Le nom de cette « curiosité » est dû au physicien Richard Feynman, qui la tient d'un ami d'enfance, Morrie Jacobs.
Cette identité est intrigante parce qu'aucun des facteurs du produit n'est rationnel, mais que le produit l'est[1],[2],[3].
Histoire
Dans son enfance, Richard Feynman avait l'habitude d'échanger des anecdotes mathématiques avec ses amis. C'est l'un d'eux, nommé Morrie Jacobs, qui lui a fait connaître cette égalité. Il s'en est ensuite souvenu toute sa vie, de même que les circonstances dans lesquelles il en a appris l'existence (dans le magasin de cuir du père de Morrie). Il y fait référence dans une lettre à Morrie datée du [4].
Après la mort de Feynman en , James Gleick raconte cet épisode en dans Genius, la biographie qu'il a écrite du physicien[5].
En , Beyer et al. appellent cette égalité « Morrie Jacobs's identity »[6] (litt. « identité de Morrie Jacobs »). En , Anderson l'appelle « Morrie's Law » (litt. « loi de Morrie »)[7]. En , Nahin l'appelle « Jacobs-Feynman equality »[8] (litt. « égalité de Jacobs-Feynman »).
Elle utilise la fonction cosinus, mais des identités similaires existent pour d'autres fonctions trigonométriques, sans toutefois que le membre de droite soit rationnel comme avec le cosinus :
La curiosité tient au fait que si on choisit , le membre de droite vaut ±1 (on le montre en remplaçant le dénominateur par ou ), et l'égalité devient alors[11] :
qui permet de trouver l'expression de et, par suite, de , ... [6],[15] :
En multipliant toutes ces expressions les unes avec les autres, on obtient :
.
Dans la partie droite de l'expression, les numérateurs et dénominateurs intermédiaires s'éliminent deux à deux, ne laissant que le premier dénominateur et le numérateur final (on dit qu'il s'agit d'un produit télescopique[12]), ainsi qu'une puissance de 2 au dénominateur ( car il y a termes) ; il vient alors :
,
ce qui est équivalent à la première généralisation de l'identité.
Ainsi, pour démontrer la loi de Morrie ( et ), une telle preuve utilisant un ennéagone régulier (9 côtés) a été publiée en [17], puis une autre en [18].
Cette dernière s'appuie sur l'ennéagone ci-contre, de côté 1. Soient , , et les milieux de , , et , respectivement.
est rectangle en , donc . Or car est milieu de , donc :
.
est rectangle en , donc . Or car est milieu de , donc :
.
est rectangle en , donc . Or car est milieu de , donc :
.
Or car ce sont des côtés de l'ennéagone, et en remplaçant et par les expressions ci-dessus, on obtient :
, d'où la loi de Morrie.
Les auteurs de cette preuve ont par la suite publié, en , une preuve géométrique de l'identité où et , en utilisant un heptagone régulier (7 côtés)[19].
De même, l'identité où et peut être prouvée en utilisant un pentagone régulier (5 côtés)[20].
↑Gleick 1992, p. 450 [lire en ligne] : « [p. ]47 IF A BOY NAMED MORRIE JACOBS: Feynman to Morris Jacobs, 27 January 1987, CIT ». Le sigle CIT signifie que la lettre est conservée dans les archives du California Institute of Technology à Pasadena (cf. « Acknowledgments », p. 441 [lire en ligne], et « Notes - Abbreviations », p. 445 [lire en ligne]), où Feynman a été chercheur et enseignant.
↑Gleick 1992, p. 47 [lire en ligne] : « He and his friends traded mathematical tidbits like baseball cards. If a boy named Morrie Jacobs told him that the cosine of 20 degrees multiplied by the cosine of 40 degrees multiplied by the cosine of 80 degrees equaled exactly one-eighth, he would remember that curiosity for the rest of his life, and he would remember that he was standing in Morrie's father's leather shop when he learned it. »
↑(en) Clement V. Durell et Alan Robson, Advanced Trigonometry, George Bell & Sons, (lire en ligne), exercice XII.b, 24, 25, 29, 30 et 31, p. 225–226, et réponses p. 322.
(en) David Miles et Chris Pritchard, « Three Trigonometric Results from a Regular Nonagon », Mathematics in School, vol. 37, no 5, , p. 12–13 (JSTOR30212315).