Le shérif Guthrie McCabe est porté sur la bouteille et le cigare. Il vit dans le luxe, grâce au pourcentage qu’il perçoit sur toutes les transactions effectuées dans son comté. Jusqu’au jour où une troupe de cavaliers, parmi lesquels il reconnaît le lieutenant Jim Gary, débarque en ville. Devant un verre, Gary lui explique qu’il est chargé de le ramener au camp de la cavalerie, de gré ou de force. D’abord réticent, le fantasque McCabe doit accepter de partir. Dès son arrivée, il est enrôlé comme scout (patrouilleur) afin de négocier avec les Comanches, qu'il connait par ses anciens trafics commerciaux. L'objectif est la restitution de prisonniers blancs, femmes ou enfants enlevés des années auparavant. Il objecte qu'après tant d'années, les enlevés sont morts ou totalement assimilés à la culture commanche, et irrécupérables. De plus, la paye militaire est insuffisante à ses yeux. Le camp de la cavalerie est entouré par les caravanes des membres des familles des disparus. Cynique, amer et vénal, McCabe réclame aux familles cinq cents dollars pour chaque personne qu’il réussira à ramener.
Le commandant du fort lui impose d'être accompagné de Jim Gary. Ils ne parviennent à ramener de force qu'un adolescent blanc devenu commanche, et l'épouse du chef indien Stonecalf, ancienne captive mexicaine. Les prédictions cyniques du McCabe sur le retour de ces Blancs capturés se révèlent tragiquement exactes, et la désillusion des familles de caravaniers vire au drame.
L'acteur Ward Bond, fidèle souffre-douleur de la bande à Ford qui tourna plus de vingt fois avec lui, mourut au moment du tournage auquel il ne participait pas pour une fois. Cette disparition affligea le cinéaste, qui écourta le tournage et se remit à boire, isolé et déprimé, à bord de son bateau l'Araner.
« La pire merde que j'ai tournée en vingt ans[1]. »
L'un des autres acteurs fidèles du cinéaste, Harry Carey Jr., alias Dobe Carey, rapporte ainsi sa vision du film et du tournage durant lequel Ford lui cassa trois côtes pour le punir d'avoir repris la boisson :
« Les Deux Cavaliers est un salmigondis d'incidents et de morceaux tirés de tous les westerns que Jack a jamais tournés. Ford agissait comme s'il était en vacances, n'en faisait absolument qu'à sa tête[2]. »
Les stars du film, James Stewart (Jimmy) et Richard Widmark (Dick), portaient tous deux une perruque et entendaient mal. Harry Carey Jr. raconte cette anecdote à propos du cinéaste (Jack) en train de tourner une séquence qui avait pour cadre une rivière :
« Donc il est là-bas, au milieu de l'eau, eux sont sur la rive et il se met à parler de plus en plus doucement. On pouvait à peine l'entendre mais Jimmy et Dick, qui ne vont pas avouer qu'ils n'entendent pas un mot, se contentent de hocher la tête. Finalement, Jack appelle toute son équipe pour qu'elle le rejoigne dans l'eau. Quand tout le monde est là, il lève les bras dans un grand geste dramatique et dit : « Cinquante ans dans ce putain de métier, et tout ça pour en arriver à quoi ? Diriger deux moumoutes sourdingues ! »[3]. »
Les deux chefs indiens sont interprétés, l'un (Quanah Parker) par un acteur d'origine allemande (Henry Brandon), aux yeux bleus, l'autre (Stonecalf) par un acteur afro-americain (Woody Strode).
Louis Marcorelles, « Les deux cavaliers », France-Observateur, Paris,
Jean d'Yvoire, « Les deux cavaliers », Téléciné, no 100, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , (ISSN0049-3287)
Madeleine Garrigou-Lagrange, « Les deux cavaliers », Téléciné no 105, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), juin-, Fiche no 406, (ISSN0049-3287)
↑in A la recherche de John Ford de Joseph McBride, p. 834.
↑in A la recherche de John Ford de Joseph McBride, p. 838. En anglais : “Fifty years in this goddam business, and what do I end up doing? Directing two deaf hairpieces!”