La Réponse de Webster à HayneLa Réponse de Webster à Hayne
La Réponse de Webster à Hayne (Webster's Reply to Hayne, ou Webster Replying to Hayne) est un tableau monumental peint à l'huile sur toile en 1851 par le portraitiste américain George P. A. Healy et accroché dans la grande salle de Faneuil Hall, à Boston. HistoireProjetLe projet remonte au milieu des années 1840, à l'époque où Healy voyageait entre la France et son pays natal pour peindre ou copier de nombreux portraits d'hommes d’État américains à la demande du roi des Français Louis-Philippe. Il conçut alors l'idée de regrouper un grand nombre de ses modèles dans une grande peinture d'histoire contemporaine[1]. Son choix se porta sur un événement politique survenu à Washington le 26 janvier 1830. Lors d'un débat au Sénat ayant opposé un parlementaire démocrate du Sud, Robert Young Hayne, à Daniel Webster, sénateur whig du Massachusetts (État natal du peintre), ce dernier orateur avait prononcé un discours considéré par la suite comme un monument d'éloquence. Réfutant les théories sectionalistes de nullification défendues par Hayne au sujet des droits des États, Webster avait alors affirmé la prééminence du gouvernement fédéral de l'Union, « fait pour le peuple, par le peuple, et responsable devant le peuple », avant de terminer son discours par la formule : « Liberté et Union, maintenant et à jamais, unes et indivisibles »[2]. Healy avait non seulement choisi ce sujet pour son intérêt historique et son caractère patriotique, mais également pour les débouchées commerciales qu'il pourrait lui ouvrir auprès des riches et puissants amis, alliés politiques ou admirateurs de Webster[3]. Cette considération deviendra d'autant plus importante après la Révolution française de 1848, qui privera Healy de la manne financière des commandes royales. Réalisation (1846-1851)Si les premiers préparatifs semblent remonter à 1844[1], les travaux commencèrent véritablement en 1846. Après avoir réalisé près de 150 portraits à titre d'études préparatoires[1], dont 111 d'après nature[4], Healy entreprit la réalisation de la toile en 1849, dans un vaste atelier du no 68 de la rue de l'Arcade[5]. En avril 1851, l'artiste écrivit à Webster pour l'informer que l’œuvre, destinée à orner Faneuil Hall, serait terminée à temps pour être exposée à Boston au 1er septembre suivant[6]. Elle fut effectivement achevée à la fin de l'été 1851. Selon Healy, il lui avait fallu en tout sept années pour accomplir son « grand tableau »[1]. Exposition itinérante et installation à Faneuil Hall (1851-1852)Sitôt achevée, la toile traversa l'Atlantique pour être d'abord exposée au Boston Athenæum en septembre 1851[4]. C'est là qu'elle fut admirée par le modèle de son personnage central, Webster, et par un Français de passage, Jean-Jacques Ampère, qui a signalé le caractère opportun de cette exposition, au moment où le parti whig, affaibli par ses divisions face au compromis de 1850, tentait de surmonter ses récentes défaites électorales face aux démocrates : « Le moment est bien choisi pour exposer le tableau d'Healy; aux États-Unis, la politique a le pas sur tout le reste, et l'intérêt pour les arts a grand besoin d'être aidé par elle. Ce tableau est un portrait. Tout est sacrifié à la figure principale; les traits caractérisés, la tête puissante, l'attitude dominatrice de l'orateur, sont rendus avec énergie et avec un peu d'affectation, ce qui n'est peut-être pas un défaut de ressemblance. J'ai éprouvé un vif sentiment de plaisir en reconnaissant, parmi les auditeurs représentés dans le tableau, un Français que le peintre a eu la pensée d'associer aux notabilités américaines, tant sa célébrité est inséparable de l'Amérique : c'est nommer M. de Tocqueville »[7]. La peinture fut ensuite transportée à New York, où elle fut exposée à l'Académie américaine des beaux-arts. La critique fut mitigée, appréciant le portrait de Webster tout en jugeant que l’ensemble manquait de grandeur artistique[4]. Malgré la perception de droits d'entrée de 25 cents par personne, aussi bien à l'Athenæum qu'à New York, cette tournée ne fut pas un succès financier. La toile revint enfin à Boston, où elle fut exposée gratuitement à Faneuil Hall dès le mois de juin 1852. Un peu plus d'un mois après la mort de Webster, survenue le 24 octobre 1852, la ville de Boston acheta l’œuvre pour 2500 dollars, soit la moitié de la somme espérée par le peintre[4]. Dans ses Souvenirs d'un portraitiste, Healy a écrit : « Je savais combien serait onéreux pour moi un travail comme celui que j'avais entrepris. Je n'ai jamais regretté pourtant de l'avoir commencé et mené à bien. C'est pour moi un très grand honneur d'avoir ainsi fréquenté des hommes dont la nation est, à bon droit, très fière, et, quelle que soit la part de critique qui revienne au peintre, ce peintre, du moins, a fait une œuvre de bonne foi. Il n'y a pas, sur cette vaste toile, une seule tête qui ne soit un portrait fidèle »[8]. En 1853, l'engouement suscité par l'exposition de la toile monumentale et par la mort récente de Webster fut à l'origine de plusieurs commandes de portraits de l'homme d’État dérivés de celui de La Réponse. Ils étaient vendus entre 200 et 300 dollars pièce[9]. En 1912, alors que l'intégrité de la toile semblait menacée par un projet de réaménagement de Faneuil Hall, le peintre Darius Cobb prit la défense du « chef d’œuvre d'Healy » et en souligna la qualité artistique et en particulier le traitement de la lumière, digne selon lui des « grands maîtres » de la peinture tels que Rembrandt[10]. DescriptionPlus de 115 personnages sur 130 sont identifiables sur le tableau[11]. On y reconnaît ainsi de nombreuses personnalités politiques, comme James K. Polk, John C. Calhoun, John Tyler, Littleton Waller Tazewell, Joseph Gales, ainsi que Lewis Cass, l'un des mécènes du peintre. Hayne étant mort depuis une dizaine d'années, l'artiste l'a peint d'après une miniature de Charles Fraser prêtée par la veuve du sénateur[12]. Healy n'a pas hésité à représenter des personnalités qui n'avaient pourtant pas assisté à ce fameux discours, comme par exemple le président John Quincy Adams, le représentant George Perkins Marsh et sa seconde femme Caroline (épousée en 1839)[13], le poète Henry Longfellow (peint d'après un daguerréotype prêté en décembre 1849 via un ami commun, Thomas Gold Appleton)[14], le penseur français Alexis de Tocqueville (arrivé aux États-Unis un an après l'événement) ou encore le peintre français Thomas Couture (âgé de moins de quinze ans en 1830)[4], qu'Healy considérait comme son ami et son maître. Certains hommes politiques, absents lors du discours, ont été représentés en tant qu'admirateurs de Webster, quelquefois aux dépens de personnalités ayant réellement assisté à l'événement[15]. Notes et références
Voir aussiBibliographie
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