Jean de MontaubanJean de Montauban
Jean VI de Montauban, ou de Cordemais, dit Le Goust, né vers 1550, mort vers 1615, est un chef de guerre royaliste, qui s'est rendu célèbre en occupant le château de Blain, contre la Ligue et les Espagnols, pendant les guerres de religion entre 1576 et 1596. BiographieOriginesLa seigneurie du Goust entra, vers 1500, dans la maison de Montauban, issue de celle de Rohan, dont elle portait les armes, brisées d'un lambel d'argent à quatre pendants. Après Guillaume do Montauban, la seigneurie appartint à son fils Guillaume, deuxième du nom, qui épousa Orfraise de Sérent, dont il eut un fils nommé Esprit de Montauban qui servit le duc François II, sa fille Anne de Bretagne, et les rois Charles VIII et Louis XI. Ce dernier mourut vers 1512. Il eut un fils nommé Louis de Montauban; celui-ci avait pour tuteur le chancelier Philippe de Montauban. La terre du Goust fut donnée en partage à Esprit de Montauban et passa ensuite à son fils et son petit-fils, Louis et François. Voisin des RohanSeigneur du château du Goust, ancienne place forte, construite sur le passage d'une voie romaine à Malville, le chevalier Jean de Montauban est fils de François et Marguerite de Plouër. Il avait pour frères et sœurs : Louis, aveugle-né qui mourut sans alliance ; Françoise, qui épousa Gilles du Bois-Riou et Charles de Montauban, seigneur de l'Aujardière. Il fut mandaté par les Rohan pour veiller sur leur château de Bretagne. Or, à peine Blain, avait-il été déserté par René II de Rohan, le duc de Mercœur, ligueur acharné, s'en était emparé sans combat en 1585. Le catholique y avait laissé un poste de commandement de 25 hommes, dirigés par Le Capitaine La Bouillonière. La même année, de Goust avait représenté la noblesse bretonne au parlement de Nantes. Prise et défense de BlainFin , apprenant que Jean de Montauban fortifie son château, Mercœur décida de l'attaquer. Mais De Goust le devança en attaquant Blain le avec 45 hommes. Au même moment, les Ligueurs nantais tentèrent de s'emparer du château de Goust avec le concours des troupes de Mercœur. Un vicaire de Cordemais, un nommé Montsur dit Grenotière avec une escouade d'habitants du cru recrutés avec de l'argent de la ville de Nantes attaqua le manoir du Goust laissé vide par Montauban. Il semble que leur attaque fit long feu car on retrouve Montsur prisonnier des navarristes en 1590. Il fera d'ailleurs l'objet d'un échange (cité dans Travers et dans l'histoire de Clisson de Berthou) entre les deux camps. D'après Agrippa d'Aubigné, De Goust patienta six heures dans le jeu de Paume du château de Blain et s'en empara avec six de ses compagnons seulement, dont son frère. Rejoint par quelques réformés, sa tentative réussit aisément. Mercœur en fit alors le siège, aidé par 600 arquebusiers, mais, ayant laissé à De Goust le temps de faire quelques provisions, il ne put s'en rendre maître. Henri III, dénonçant la rébellion de Mercœur, les catholiques fidèles au roi abandonnèrent le parti de ce duc dont les lettres patentes d'Henri III dénonçaient les exactions. Jean de Montauban devint alors officiellement capitaine et gouverneur de Blain. Plusieurs tentatives de le déloger se succédèrent sans succès dans les mois qui suivirent sa prise de pouvoir, notamment celle de François Le Fesles, Seigneur de Guébriand, chevalier au service de Mercœur, qui s'était soumis Beauvoir sur Mer et les fiefs de Françoise de Rohan en 1586, et voulait encore s'emparer de Blain. Après qu'Henri III lui eut refusé la main de la duchesse de Loudun, cet ambitieux breton avait eu l'idée astucieuse de faire entrer dans le château une parente de Jean de Montauban, acquise à la cause des Mercœur et recrutée par la duchesse de Mercœur. Cependant, cette demoiselle de Salmonaye, une fois introduite dans la place fut démasquée et retournée, de sorte que De Goust parvint ce coup-ci à capturer 67 hommes du Seigneur de Guébriand. Il s'ensuivit que, pour nourrir les otages de De Goust, les troupes de Mercœur durent également nourrir sa garnison, et tolérer ses excursions dans les environs au détriment de leurs propres positions... Toujours en 1589, Guébriand se porta soutenir les efforts de Mercœur contre l'arrivée du prince de Dombes, Henri de Bourbon ; ses troupes, livrées à elles-mêmes, furent alors démantelées, et décimées, par le chevalier de Goust. Soutenu par Henri IIIUne ordonnance du prince de Dombes confirme De Goust dans sa possession de Blain :
Les ligueurs Nantais ont gardé le souvenir des exactions de De Goust ; il eut aussi à se plaindre d'eux. À la fin de , la municipalité de Nantes, se disant incommodée des courses continuelles des garnisons de Blain et de Glisson, demanda avec instance au duc de Mercœur, de s'emparer de ces deux places et surtout de Blain. Défait par Mercœur, puis graciéEn 1591, Blain, fut alors reconquis par les ligueurs de Mercœur grâce aux supplétifs espagnols. Plus de quatre mille soldats espagnols assiègent le château. Ils le canonnent au nord et ouvrent une brèche dans la Tour du Moulin. En réponse du Goûst met le feu à la tour. Les assaillants parviennent à forcer le passage ; les défenseurs, acculés dans la Tour de l'Horloge, se rendent. Le château est incendié à l'exception des tours du Connétable, de l'Horloge et du Pont-levis. De Goust achète sa vie sauve au prix de la reddition et de 60 000 livres qu'il offre au commandant Aguila. Mercœur l'envoie ramer dans ses galères, ainsi que son frère. En grande partie incendié, et pillé, le château de Blain ne se relèvera jamais entièrement de ces destructions. Quant au château de Goust, il avait déjà été entièrement pillé et détruit par les seigneurs de Kernezy et de Sévigné, agissant pour le comte de Mercœur, deux ans plus tôt. Il avait été pris d'ailleurs lors d'une expédition nantaise de 12 hommes avec un artilleur (Capitaine Martin CORNET) et deux couleuvrines pour la Ligue. Nicolas Travers mentionne la présence du curé de Cordemais accompagné de gens de Cordemais et de Malville. Après quelques discussions, à la vue de l'artillerie, la garnison du Goût commandée par le sieur Latimon obtient le droit de partir avant le pillage. La destruction des meubles de la mère de Jean de Montauban, Marguerite de Plouer semble avoir été l'activité principale motivée de Kernezy & Sévigné? En 1593, Charles et Jean De Goust s'évadèrent des galères de Mercœur lors d'une halte à Brest ; mais Jean de Goust fut repris et demeura semble-t-il, à Nantes, prisonnier du duc de Penthièvre. Il ne fut libéré qu'à la fin des hostilités de ce duc contre Henri IV. Compris nominativement dans l'édit de pacification du , il dut alors payer une rançon de 4 000 écus au duc de Mercœur (il obtint cependant de le faire sous six mois, tout en étant libéré par anticipation), ce qui fut alors considéré comme un jugement assez modéré. Le procès contre la mère des RohanEn 1599, Catherine de Parthenay, veuve de René de Rohan, reprit enfin possession de son château de Blain, qu'elle trouva entièrement ruiné. Peu après, elle demanda à Henri IV de lui offrir la tête de De Goust, qu'elle tenait pour responsable de sa ruine. Irritée des effroyables dégâts occasionnés par l'obstination de Jean de Montauban contre la Ligue, elle collectionna en vue d'un procès les témoignages des bourgeois que De Goust avait rançonnés pendant son règne sur Blain. Il avait outrepassé les pouvoirs que le prince de Dombes lui avait donnés mais Henri IV voulut se montrer juste envers un capitaine qui s'était toujours montré loyal envers la couronne et refusa de le condamner. De Goust obtint par la suite des lettres patentes d'Henri IV, signées le , qui lui accordaient son pardon pour fait de guerre. Il rentra dans son château, qu'il fit de nouveau fortifier en 1601, et reçut une garnison royale. Les lettres d'Henri IV affirmaient :
Le roi continuait :
On juge du dépit qu'en éprouva la Mère de Rohan. Il ne semble pas qu'elle ait bénéficié en l'occurrence du soutien de son ancien précepteur, le mathématicien François Viète, alors maître des requêtes et bien en cour auprès du roi Henri IV, dont il était le déchiffreur. ConclusionJean de Montauban fut un personnage hors du commun. Il est injustement tombé dans l'oubli. Il sut faire les justes choix face à une époque troublée dont la lecture est encore difficile aujourd'hui. Élevé dans l'environnement très protestant breton, des “huguenottières” de la Loire, il a dû soit être sous une influence protestante, soit bénéficier éventuellement d'une éducation catholique critique. Il semble sans doute aujourd'hui difficile de voir une influence protestante sur le Sillon de Bretagne, mais il y avait des protestants. On trouvait des communautés à Bouée, à Besné, à Donges, à Cesmes, à La Paquelais, à Sautron et à Orvault. Que sont-ils devenus ? On les retrouve, comme le dit Joxe, à La Rochelle et aux îles. D'autres partiront sur le nouveau continent, mais aussi en Irlande, en Hollande, en Angleterre, en Allemagne et en Prusse. Peu importe d'ailleurs, même s'ils ont fourni les soldats des conflits (à Blain, au Goût et en d'autres endroits avec succès), on n'en a plus trace aujourd'hui. Les Ligueurs en Bretagne ont la particularité d'être des agents de l'étranger -- la Ligue ira même jusqu'à battre monnaie...--, agissant plus ou moins ouvertement pour l'Espagne, la grande puissance du moment. Le camp des Ligueurs comprend d'ailleurs pour la Bretagne de nombreux "autonomistes", par exemple Kercourtois et ses paysans du Trégor vont tomber dans des jacqueries[1] obscures mais fratricides. Ils ont été abusés par la position espagnole qui leur promettait de recréer le Duché avec comme duchesse une des filles de Philippe II, l'infante Isabella Clara Eugenia (archives espagnoles). L'engagement espagnol est important car les Espagnols comptent sur la Bretagne comme base militaire aussi bien pour la guerre des Pays-Bas que pour les futurs débarquements en Irlande et en Angleterre. Le camp des Ligueurs comprend aussi des "zélotes et des sicaires" -- le bon exemple en est Jacques Clément, assassin de Henri III et bénéficiant de l'approbation du pape Sixte Quint -- qui vont semer la mort partout avec la bénédiction des autorités catholiques, voire avec leur participation. Le banditisme va prospérer dans cette anarchie de la Ligue, La Fontenelle en est un bon exemple, car il en provient. On se rappelle ses crimes, immenses. La comparaison de La Fontenelle avec Le Goût est ridicule et hors de proportion, de même que la réaction de Madame de Rohan[2]. De toute façon, Le Goût -- contrairement à La Fontenelle -- n'avait rien amassé. Jean de Montauban aurait tout perdu s'il n'y avait eu cette intervention tardive de Henri IV en sa faveur... relire la lettre plus haut. On dit Jean de Montauban protestant ; mais en 1590, il a été le parrain d'un baptême -- attention toutefois, le baptême a été pendant très longtemps un rite partagé entre réformés et catholiques[3] ; les premiers vont se distinguer par l'emploi de prénoms bibliques -- et semble avoir fait plutôt partie -- du moins vers la fin de sa vie -- des catholiques modérés ayant préféré le parti du roi et l'unité du royaume au règne unique d'une seule religion sur un royaume déchiré. Cette position est largement partagée chez les anciens combattants royalistes, même ceux d'ailleurs dont le protestantisme était officiel[4]. Les royalistes protestants dans une grande majorité vont calquer pour beaucoup leur position sur celle du Roi. En effet, déjà, les anciens combattants de la noblesse, quel que soit leur camp, vont perdre gros ; les nobles ruraux se sont endettés hors de proportion pour suivre la guerre. Ils seront remplacés par les bourgeois qui leur ont prêté les moyens de leur équipement et donc ont prospéré pendant le conflit. La liberté religieuse est un plus, sans doute. En Bretagne occupée par des troupes espagnoles, il a suffi aux combattants du camp royaliste d'avoir évité la conquête espagnole[5] et ne pas se retrouver dans leur pays sous leur joug comme aux Pays-Bas. On connait l'intervention espagnole du duc d'Albe en Hollande dont les conséquences épouvantables en perte de vies humaines sont encore citées comme une ignoble infamie dans tous les livres et sites d'Histoire[6], quelle que soit par ailleurs la confession de leurs auteurs. Mercœur[7] restera dans l'histoire comme une créature des Espagnols, Fourché, maire de Nantes, un de ses collaborateurs ancien du personnel des finances royales, s'empressera de la lâcher, sans aucune retenue pour une sinécure. Basé à Bouvron, ce personnage -- un peu répugnant car certainement corrompu ou corruptible -- apparaît comme l'ennemi intime de Montauban. De toutes manières, ce Fourché, ne peut pas être un héros positif, son intérêt[8] immédiat est toujours placé en premier. Merci donc, Jean de Montauban, héros breton et français pour cette contribution aux libertés publiques. Sources
par Nicolas TRAVERS (pages sur la Ligue)
Notes et références
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