Fils d'Émile Gruber, aubergiste, et de Madeleine Mathis, son épouse, Jacques Gruber naît en 1870 à Sundhouse[2] — commune dont son grand-père paternel Jean-Jacques est maire de 1840 à 1873[3] — peu avant le début de la guerre franco-allemande.
Après la signature du traité de Francfort et l'annexion de l'Alsace-Moselle, les Gruber choisissent de quitter l'Alsace[4]. Ils s'installent à Nancy en 1877. Ce n'est qu'en 1886 qu'ils retrouveront par décret la nationalité française, perdue en 1871[5].
En 1902, domicilié 5, rue des Jardiniers à Nancy, Jacques Gruber épouse Suzanne Jagielski. Ancienne brillante élève de l'École des Beaux-arts de Nancy, elle collabore avec son mari[6],[7]. Le couple a deux fils : Jean-Jacques Gruber en 1904, futur maître-verrier ; Francis Gruber en 1912, futur peintre.
Jacques Gruber est le grand-père de Jeannette Weiss-Grûber, maître-verrier, née en 1934[8]. Celle-ci a déposé aux Archives des Monuments Historiques et de l'Archéologie (94220 Charenton-le-Pont) plusieurs dizaines de cartons de vitraux de son grand-père, qui constituent, avec les siens, le fond Grûber.
Formation
Élève du peintre Théodore Devilly à l'école municipale de dessin de Nancy[9], Jacques Gruber poursuit sa formation artistique à l'École des beaux-arts de Nancy, sous la direction de Jules Larcher[10]. Une bourse de la ville de Nancy lui permet d'étudier à l’école des Beaux-Arts de Paris, où il a été reçu 22e sur 95 en 1890. Il y suit les cours de Gustave Moreau[11]. Établi avec ses parents à Paris au 7 bis, rue Laromiguière, il est provisoirement dispensé du service militaire en raison de son statut d'étudiant[12].
En 1892 et 1893, tandis qu'il effectue son service militaire au 69e régiment d'infanterie, il expose un panneau décoratif en bois brûlé au Salon de Nancy, puis reçoit la première médaille au concours de composition décorative des Beaux-Arts (section peinture)[12],[13],[14].
Carrière artistique
Jacques Gruber revient à Nancy en 1893 où il devient enseignant à l'École des beaux-arts, chargé du cours de « composition décorative, étude de la plante et stylisation »[4]. Il compte parmi ses élèves Rose Wild, Frédéric Wielhorski ou encore Berthe Mouilleron[15].
Jacques Gruber est engagé en tant qu'artiste décorateur à la verrerie Daum de 1893 à 1897. Il est ainsi l'un des premiers à rejoindre le département artistique de la manufacture crée par Antonin Daum en 1891 dans le but de sortir des fabrications traditionnelles de gobeleterie bon marché pour orienter la production vers des créations plus artistiques. Jacques Gruber sera secondé par Henri Bergé dans ce poste en 1895[16].
Intéressé par toutes les techniques des arts décoratifs, il expose ses premiers vitrauxArt nouveau en 1896[9]. L'année suivante, il monte son propre atelier et participe à la création d’un cours du soir de dessin et modelage, destiné aux ouvriers d’art[4]. En 1898, il est définitivement réformé de l'armée pour « bronchite chronique, emphysème pulmonaire et asthme »[12].
Au tournant du siècle, il se consacre pleinement au vitrail[18]. Il est notamment l'auteur de vitraux pour la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, la villa Majorelle et la villa Bergeret. On lui doit également la grande verrière des Galeries Lafayette de Paris. Mais ce n'est pas le seul Grand Magasin pour lequel il a travaillé. Il a en effet participé à la décoration des Magasins réunis de Nancy pour lesquels il réalise les baies du premier étage en verre gaufré orné de motifs végétaux mais aussi les vitraux du département bijouterie dans un style et des thèmes proches de l'estampe japonaise (motifs de paons, pommiers du Japon et papillons)[19]. Il devient par ailleurs en 1901 l'un des fondateurs de l'École de Nancy, dont il est membre du comité directeur.
En 1914, le déclenchement de la guerre l'oblige à cesser son activité à Nancy et il installe son atelier à Paris, au no 10 de la villa d’Alésia, ce qui lui permet de faire reconnaître son travail de décorateur auprès de plusieurs architectes parisiens[17]. Après-guerre, il participe à la décoration du paquebot transatlantique Île-de-France, dont il conçoit l'éclairage, et crée de nombreux vitraux d'église pour remplacer ceux que le conflit a détruits[20].
Jacques Gruber meurt en 1936, en son domicile de la villa d'Alésia[21]. Un de ses vitraux, intitulé Saint Laurent et les déshérités, est présenté à titre posthume dans le pavillon des vitraux, lors de l'exposition universelle de 1937 à Paris[22].
Il est considéré comme le maître-verrier le plus prolifique en vitraux de style École de Nancy.
« Ondoyant et précis, un et multiple, Jacques Gruber résume assez et toujours avec bonheur, les dernières conquêtes de l'art décoratif lorrain d'aujourd'hui »[24]
Arts décoratifs
Dessin
Frise de rinceaux, dessin d'un moulage en plâtre, crayon gras avec rehauts de crayon blanc, travail réalisé à l'École régionale des beaux-Arts de Nancy, coll. École nationale supérieure d'art et de design[25].
Arts graphiques, affiches, peintures
Nombreux menus pour mariages et banquets
Publicités
Couvertures de revue
Affiches pour galas, bals, manifestations diverses
Peintures de paysages, pastel, crayon gras, huile
Nombreux dessins préparatoires aux vitraux
Reliure
Reliure Au gui l'an neuf (1896): maroquin, décor mosaïqué et pyrogravé, motifs émaillés
Reliure pour Racontars illustrés d'un vieux collectionneur (1894): maroquin, décor mosaïqué et pyrogravé
Collaboration avec la manufacture de céramique de Rambervillers
Période: 1904-1906
Nombreux vases en grès cérame émail flammé à reflets métalliques, notamment Fougères(1904, Musée d'Orsay)
Objets divers: pieds de lampes, encriers, balustres…
Mobilier
L'œuvre de Jacques Gruber comprend des tables, fauteuils, canapés, buffets, dessertes, bibliothèques, bureaux, vitrines, canapés… ainsi que de petits objets tels que coffrets, miroirs, plateaux, panneaux décoratifs.
Verrières du musée de l'École de Nancy (six éléments différents : le vitrail représentant un visage féminin sur la porte d'entrée, la verrière à décor de pommes de pin, la partie centrale de la véranda, dite de la Salle, la verrière de la cage d'escalier, le vitrail Luffas et Nymphéas et les vitraux des impostes et de la porte d'entrée de l'aquarium).
Vitraux de l'église de Bouxières-aux-Chênes. L'église a été reconstruite en 1923-1924 après sa destruction complète pendant la guerre 14-18. Un des vitraux représente Saint Nicolas dans une posture inhabituelle: arrêtant l'ennemi avec sa main, à la sortie du village. Il illustre la bataille du Grand-Couronné en septembre 1914 où l'armée allemande fut stoppée à Bouxières-aux-Chênes. On y voit le ciel obscurci et rougi de nuages de fumées, deux villages embrasés, les volutes blanches des coups de canons; à gauche, l'auberge du Cheval Rouge, à la sortie de Bouxières vers Lanfroicourt; en bas, l'ennemi tapi et contenu. On remarque la précision du dessin des mains et du visage ainsi que l'harmonie des nuances de couleurs.
Jean-Charles Cappronier et Michel Hérold, « Jacques Gruber et les vitraux du ministère du Travail : un bienfait imprévu de la loi sur les assurances sociales », Monumental. Revue scientifique et technique des monuments historiques, no 1, 2004, p. 56-61.
Françoise Dierkens-Aubry, Francis Roussel et Anne Kennes-Roolant et al., Jacques Gruber, ébéniste et maître-verrier, 1871-1936, Bruxelles, 1983, 66 p.
Catalogue de l'exposition au Musée Horta de Bruxelles.
Michel Hérold, « L'atelier parisien de Jacques Gruber », Monumental. Revue scientifique et technique des monuments historiques, no 1, 2004, p. 50-55.
Claire Pélissier, « Un génie des matériaux. Jacques Gruber et la conception d’un coffret à souvenirs », Arts nouveaux, no 23, , p. 18-23.
Jacques Gruber et l'art nouveau, un parcours décoratif, Gallimard, , 230 p. (ISBN978-2-07-013494-6)
Notes et références
Notes
↑Son nom ne figure toutefois pas dans la base Léonore.
↑ ab et cHervé Doucet, « Collectif, Jacques Gruber et l’Art nouveau. Un parcours décoratif », Revue d’Alsace, no 139, , p. 499–502 (ISSN0181-0448, lire en ligne, consulté le ).
↑« Décrets de naturalisation de l’année 1886 », Archives nationales, cote 643 X 86 (numéro du dossier à consulter en sous-série BB/11), sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le ).
↑Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne. Paris, 1937 . Tome I (2e édition). [Liste des exposants.] "Catalogue" général officiel. [Tome II. Catalogue par pavillons], (lire en ligne), p. 310.
↑Claire Pélissier et al., Jacques Gruber et l'Art nouveau. : un parcours décoratif, Paris, Gallimard, , 238 p. (ISBN978-2070134946)