Jacques-Augustin est issu d’une famille spécialisée dans le domaine de la construction navale et établie en Normandie dès le XVIIIe siècle à Honfleur. On doit à son père, Augustin Normand (1792-1871), la construction, en 1842, du premier vapeur à hélices en FranceLe Napoléon, rebaptisé ensuite Le Corse[1].
Augustin Normand a été le père de 12 enfants. Dernier de cette longue fratrie décimée par les épidémies de fièvre typhoïde, Jacques-Augustin fit ses études littéraires à domicile et scientifiques au collège du Havre complétées par un apprentissage technique et professionnel dans le chantier paternel[1]. Il assista aussi à l’élaboration de machines à vapeur légères et performantes, à expansions multiples, inventées par son frère aîné Benjamin.
Ingénieur et chef d'entreprise
Le patriarche Augustin Normand meurt en avril 1871 et Jacques-Augustin Normand hérite, avec ses deux sœurs, du chantier familial. Il a 31 ans[1]. Cette année d’après-guerre et l’avènement de la 3e République ne sont pas propices à la construction navale. Mais, pendant les 35 années suivantes, il fera évoluer considérablement les activités du chantier avec la réalisation de machines performantes et de navires rapides de sa conception. Il développera des méthodes de production en série et une recherche permanente des meilleures formes et des dispositions pour aller toujours plus loin dans les performances. Ses deux sœurs célibataires, Francine et Émilie Normand, assisteront efficacement leur jeune frère et consacreront leur vie au Chantier et à son essor.
Dès 1871, Jacques-Augustin conçoit et construit le premier cotre-pilote du Havre, Le Cours-Après qui servira de modèle à une longue série devenue célèbre « les hirondelles de la Manche »[2]. Il dessinera beaucoup de voiliers fins et rapides mais son chef-d’œuvre fut le Vélox en 1875, un yacht de 45 mètres hors tout, gréé en goélette, commandé par un prince Russo-polonais. Plus rapide que les vapeurs de l’époque, il filait à plus de 17 nœuds sous voiles, et consacrera le principe de la quille creuse largement copié depuis.
Comme son père, Jacques-Augustin touchera à toutes les catégories de la construction navale de l’époque[1] : voiliers, paquebots à passagers, yachts, bâtiments de servitudes (remorqueurs, chalands…), avisos, canonnières et transports pour la Marine, canots de sauvetage etc.…. mais sa plus constante et permanente activité sera consacrée aux torpilleurs[3] que les Marines française et étrangères commanderont en quantité pour en faire des moyens de défense côtière et de protection des escadres de cuirassés.
Développement des machines à vapeur
Une étape importante dans la recherche des grandes vitesses sur mer a été l’amélioration significative des chaudières[1] dont la pression de vapeur allait augmenter tout en étant plus légères. Jacques-Augustin Normand, suivant l’exemple de son frère aîné Benjamin Normand[4],[5] (1830-1888), et converti à la triple expansion, décide de construire ses propres chaudières et crée un appareil évaporatoire avec tubes à haute pression qui permettra d’atteindre les puissances considérables nécessaires aux performances des torpilleurs et, par suite, de tous les bâtiments de guerre. Ces chaudières brevetées seront employées dans les marines anglaises, russes, portugaises, espagnoles, sud-américaines et construites aussi sous licence en Pologne, aux États-Unis et en Angleterre.
Postérité
Voici résumée dans cette description[6] de son fils Paul, président de l’Académie de Marine, l’œuvre colossale de Jacques-Augustin Normand :
« L’une des plus saillantes caractéristiques de ses dons pour la construction navale fut une égalité d’aptitudes pour les branches les plus diverses de cet art technique, le plus complexe de tous, qu’il s’agisse de la théorie ou de la pratique, de la voile ou de la vapeur, des coques ou des appareils propulsifs. Il avait d’ailleurs, des clartés en bien d’autres domaines, de l’astronomie[1], à laquelle se rapportent plusieurs de ses mémoires, à la numismatique, qui était son délassement favori ;….Ce qui domine dans son œuvre théorique est l’extension des lois de similitude à maintes questions de construction navale et dans son œuvre pratique, le rôle qu’il a joué dans la construction des torpilleurs et, par là, dans la conception et la réalisation des progrès de toutes sortes dont cette classe de navires a été, à cette époque, l’initiatrice : accroissement de la légèreté des coques et des appareils moteur par l’adoption de nouveaux matériaux et de nouvelles dispositions, chaudières à tubes à eau, équilibrage des machines alternatives, accroissement progressif de la pression de vapeur, dégraissage et réchauffage de l’eau d’alimentation, découverte de la cavitation des hélices, adoption des turbines. »
En 1908, les édiles de la ville du Havre lancent un concours pour un monument en son honneur. Une statue sera inaugurée en 1911. Préservée de la destruction pendant les deux guerres mondiales, elle se trouve maintenant au bas du boulevard François Ier au Havre.
Par un décret du Conseil d’état de 1911[7], la descendance de Jacques-Augustin Normand pourra porter le patronyme de « Augustin-Normand ».
Note sur la détermination expérimentale des courbes de métacentre latitudinal
Mémoire de l'application de l'algèbre aux calculs des bâtiments de mer
1864
Augustin Challamel & Arthus Bertrand, Paris
Formules approximatives de Construction navale
1870
Arthus Bertrand, Paris
Étude géométrique sur les croiseurs et les éclaireurs d'escadre
1877
Gauthier-Villars, Paris
On approximate formulae for the calculation of trim
1882
Institution of Naval Architects, London
Etude sur les torpilleurs
1885
Gauthier-Villars, Paris
On the fineness of vessels in relation to size and speed
1888
Institution of Naval Architects, London
Note sur la loi de la variation du poids de la charpente des navires avec les dimensions et sur la limitation qui en résulte dans la grandeur absolue
1892
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
Des lois de similitude dans diverses questions de construction navale
1894
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
The displacement and dimensions of ships
Appendix de 10 pages
1901
Revue Marine Engineering, novembre 1901
De l'influence de la surimmersion sur la vitesse
1903
Académie des Sciences, Paris & Gauthier-Villars, Paris
Sur la détermination du déplacement d'un bâtiment de combat
1904
Académie des Sciences, Paris & Gauthier-Villars, Paris
De la grandeur absolue des cuirassés d'escadre en fonction de la vitesse
1906
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
HELICES
On the steam trials of H.M.S "IRIS" and the resistance of screw propellers
1880
Institution of Naval Architects, London
Note relative à l'influence de la pente de l'axe de l'hélice sur l'utilisation
1882
Mémorial du Génie Maritime
Note sur les actions réciproques du gouvernail et de l'hélice
1890
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris
Note sur l'influence de l'immersion de l'hélice et de la vitesse sur la rupture du cylindre d'eau actionné
1893
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
Sur la puissance giratoire comparée des gouvernails placés en avant et en arrière des hélices
1893
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris
Règles approximatives pour le calcul de la surface propulsive
1899
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
Sur les avantages que présente pour les navires de guerre la combinaison d'une faible acuité et d'une grande surface propulsive
1901
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
Sur la cavitation dans les navires à hélices
1902
Académie des Sciences, Paris & Gauthier-Villars, Paris
Propulsive power of screws necessary to avoid cavitation
1906
Institution of Civil Engineers, London
MACHINES
LA CHAUDIERE NORMAND
AUGUSTIN NORMAND & Cie
Characteristics of the Normand water-tube boiler
Journal of the American Society of Naval Engineers
On the compound surface condensing engines of the paddle steamer "HIRONDELLE"
1876
Institution of Naval Architects, London
Note sur le fonctionnement des pompes alimentaires des machines à vapeur à condensation par surfaces
1883
Société des Ingénieurs Civils séance du 19 janvier 1883
On the importance of economy of fuel in very fast vessels and on the advantages to be derived from heating the feed water
1890
Institution of Naval Architects, London
Note sur la machine à vapeur, suivie d'une lettre corrective de J.A N, datée du 31-1-1891
1890
Société des ingénieurs civils, Paris
Des vibrations des navires et des moyens susceptibles de les atténuer
1892
Mémorial du Génie Maritime
Note sur des expériences exécutées en mars 1892 pour déterminer la variation du coefficient de transmission de la chaleur à travers une surface métallique…
1893
Mémorial du Génie Maritime
On water-tube boilers
1895
Institution of Naval Architects, London
DYNAMIQUE DU NAVIRE
De la vitesse des bâtiments de combat
1897
Commission extra-parlementaire de la Marine
Note sur l'estimation de la vitesse maxima et de la résistance directe d'une carène
Note sur la résistance au choc des matériaux, considérée au seul point de vue géométrique
1863
Académie des Sciences, 28 juin 1863
On a new ship-clinometer
1866
Institution of Naval Architects, London
Note sur l'utilisation des carènes
1887
Note sur l'utilisation de quelques torpilleurs de la Marine Nationale
1890
Mémorial du Génie Maritime
Le problème de la vitesse
1895
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
Approximate rules for the determination of the displacement and dimensions of a ship in accordance with a given program of requirements + appendix
1901
International Engineering congress Glasgow 1901 section IV Naval Architecture
Sur la solidité des navires très rapides
1902
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
ALGEBRE ET ASTRONOMIE
Note sur la détermination de la parallaxe solaire
1874
Gauthier-Villars, Paris
Mémoire sur les occultations d'étoiles par les planètes
1876
Gauthier-Villars, Paris
Sur les occultations d'étoiles par Mars, observables pendant l'opposition de 1877
1877
Association française pour l’avancement des sciences, Paris
Navigation Stellaire
1883
Gauthier-Villars, Paris
Formules de Navigation Stellaire
1888
Gauthier-Villars, Paris
Expressions algébriques approximatives des transcendantes logarithmiques et exponentielles
1903
Académie des Sciences, Paris & Gauthier-Villars, Paris
STRATEGIE NAVALE
On sea-going torpedo-boats
1883
Institution of Naval Architects, London
Sur la guerre Maritime
1896
Bulletin de l’Association technique maritime, Paris Gauthier-Villars, Paris
Notre puissance navale
1900
Berger-Levrault, Paris
Du rôle de la vitesse des cuirassés pendant le combat
1902
Extrait du bulletin de l'Association technique maritime, page XLVII
POLEMIQUE
AUGUSTIN NORMAND et FREDERIC SAUVAGE
1881
Gauthier-Villars, Paris
Annexes
Bibliographie
Jean de La Varende, Les AUGUSTIN NORMAND, Imprimerie FLOCH à Mayenne, n° d'impression 4474, achevé d'imprimer le 7/12/1960, Dépôt légal : 4e trimestre 1960, 235 pages + tables des matières. Cette monographie est le dernier ouvrage de Jean de la Varende, juste avant sa mort. En relation avec cet article, ce livre contient les listes suivantes :
Navires à voiles et à vapeur de 1871 à 1908 (Torpilleurs non compris), pages 206 à 209
Torpilleurs et contre-torpilleurs construits pour la Marine Nationale, pages 216 à 219
Torpilleurs et contre-torpilleurs construits pour les gouvernements étrangers, page 220
Canots de sauvetage (non détaillée) de 1871 à 1907, pages 226 et 227
↑ abcdef et g« JACQUES-AGUSTIN NORMAND », Le Génie Civil. Revue générale des industries françaises et étrangères, no 128, , p. 179-180 (lire en ligne).
↑Pierre-Henri Marin, PILOTES, les Hirondelles de la Manche, Pilotes du Havre, Gallimard, , 194 p..
↑Henri Le Masson, Histoire du Torpilleur en France, Paris, Académie de Marine, , 377 p..
↑Émile Evers, Augustin et Benjamin Normand, Société des Ingénieurs Civils de France, .