Le terme Indochine est utilisé pour la première fois par le géographe franco-danois Conrad Malte-Brun (1775-1826) dans son ouvrage « Précis de la Géographie Universelle » publié à Paris en 1810. Il s'agissait d'exprimer l'influence culturelle déterminante de l'Inde et de la Chine sur les peuples et les pays de l'Asie du Sud-Est continentale[2].
Géographie
En géographie physique, si l'on additionne les surfaces des cinq pays de la péninsule indochinoise, sans la Malaisie péninsulaire, on obtient une superficie totale de 1 939 380 km2 pour un relief moyennement élevé (sauf dans l'extrême nord-ouest) mais souvent accidenté avec des vallées encaissées, des karsts et des plates-formes carbonatées fortement entaillées par la pluviométrie du climat tropical. Le principal fleuve est le Mékong.
En géographie humaine, si l'on additionne les populations des cinq pays de la péninsule indochinoise, sans la Malaisie, on obtient une population totale d'environ 253,5 millions d'habitants : les Indochinois, locuteurs d'une trentaine de langues principales, les plus parlées étant le tiếng việt, le thaï, le birman, le lao et le khmer, et pratiquant une dizaine de religions, dont la plus répandue est le bouddhisme, mahayana au Viêt Nam et theravada dans les autres pays de la péninsule.
Histoire
Peuplement
La péninsule indochinoise est peuplée depuis la préhistoire, comme le montrent les découvertes de Saï Yok (Thaïlande), de Bac Son et de Hoa Binh (Vietnam) qui révèlent des civilisations déjà horticoles sur brûlis et élevant le porc à partir du IVe millénaire av. J.-C. Au IIe millénaire av. J.-C. l'agriculture et la sédentarisation, sous la forme de la civilisation de Longshan, sont attestées par plusieurs sites dont celui de Phung Nguyen au Vietnam ; tous ces sites sont situés en plaine, notamment dans les deltas des fleuves ou dans les basses collines. Des peuples de langues austroasiatiques (Khmers et Môns, notamment) se sont installés dans la péninsule à partir du XIe siècle et y ont développé la civilisation dongsonienne, pratiquant déjà la riziculture et caractérisée par ses grands tambours de bronze[3],[4].
L'Asie vers -323
L'Asie vers 400
L'empire khmer vers 900
Premier millénaire
Dans les premiers siècles de notre ère, les Pyu, peuple tibéto-birman venu du nord, s'établissent dans le bassin de l'Irrawaddy tandis que l'État du Fou-nan, probablement fondé par des Khmers, et le royaume de Champa, fondé par un peuple austronésien navigateur, les Chams, apparaissent dans le sud et l'est de la péninsule. À cette époque, l'influence de la civilisation indienne imprègne d'hindouisme les États de la péninsule. Au VIe siècle, les Khmers du Chenla absorbent le Fou-nan, tandis que les Môns fondent le royaume de Dvâravatî. Au IXe siècle, le Chenla cède la place à l'Empire khmer, qui prend Angkor pour capitale, et les Birmans, également venus du nord, se substituent aux Pyu dans le bassin de l'Irrawaddy (Royaume de Pagan). Simultanément, le bouddhisme se répand dans la péninsule et, sous sa variante dite « Theravada » ou « hīnayāna » (« petit véhicule »), supplante progressivement l'hindouisme[3].
XIIIe siècle au XVe siècle
En 1257, le khaganmongolMöngke, lors de la période d'expansion de l'Empire mongol, envahit le Tonkin. Cette dernière conquête reste toutefois, selon Jean-Paul Roux, « incertaine et précaire », empêchant une véritable domination de la région[5].
Au XIIIe siècle, les Thaïs, venant du sud-ouest de la Chine, fondent les royaumes de Sukhothaï et de Lanna. Dans l'est, après un millénaire de domination chinoise, les Viêts prennent leur indépendance à la même époque et commencent leur expansion vers le sud, absorbant le Champa et submergeant les Khmers du bas-delta du Mékong. Au XVe siècle, le commerce maritime arabe, européen et chinois se développe le long des côtes : des communautés chinoises (originaires surtout du sud de la Chine) s'installent dans les ports, des peuples et des États sont islamisés en Arakan (Birmanie) et en Malaisie, le christianisme commence à s'implanter dans les comptoirs européens (Malacca, Johor et Singapour, d'abord dans sa forme catholique véhiculée par les Portugais, ensuite dans sa forme protestante véhiculée par les Hollandais)[3].
Au XVIIIe siècle, tandis que le royaume thaï du Siam s'étend et se renforce au centre de la péninsule, les royaumes birmans (Ava, Pégou), khmers et viets (Tonkin, Annam) déclinent. Au XIXe siècle, la colonisation par les Anglais (Arakan, Tenasserim, Malaisie, Pégou, Ava) et par les Français (Indochine française) crée de nouveaux espaces : les économies locales se tournent vers l'exportation au profit des puissances coloniales, mettant en cause les structures des sociétés traditionnelles. Par ailleurs, la colonisation fait coexister les anciennes religions avec celles importées par les Européens (auxquelles s'ajoutent des cultes syncrétiques)[3].
Les conséquences de cette période sont très lourdes : au début du XXIe siècle, alors que la paix est établie depuis l'an 2000, des millions de mines anti-personnel et de munitions résiduelles mutilent des dizaines de milliers de personnes et en tuent plusieurs centaines chaque année[7] ; les séquelles de l'utilisation d'armes chimiques persistent dans l'environnement et sur la santé des populations ; aucun état indochinois n'a de démocratie fonctionnelle même si des régimes parlementaires sont formellement en place ; tous accusent malgré leur croissance économique, d'importants retards de développement social, et les trafics de stupéfiants et d'êtres humains perdurent, ainsi que la piraterie et la surexploitation des ressources terrestres et maritimes[8].
↑Daniel Hémery, « Inconstante Indochine... L'invention et les dérives d'une catégorie géographique », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 87, no 326, , p. 137–158 (DOI10.3406/outre.2000.3773, lire en ligne, consulté le )
↑ abc et d(en) The Houghton Mifflin Dictionary Of Geography : places and peoples of the world, Boston (Mass.)/New York, Houghton Mifflin Company, , 458 p. (ISBN0-395-86448-8, lire en ligne).
↑Pierre Rossion, « Le réveil des tambours de bronze », Gavroche Thaïlande, no 195, , p. 46 et 47 (lire en ligne [PDF])
↑Pierre Brocheux, « L'implantation du mouvement communiste en Indochine française : le cas du Nghe-Tinh (1930-1931) », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine Année 1977, n° 24-1 pp. 49-77, [1].