Hubert-François Bourguignon d'Anville, connu sous le nom de Gravelot ( - ), est un illustrateur, graveur, dessinateur et peintrefrançais qui connut un certain succès à Londres au début du XVIIIe siècle et qui y laissa l'empreinte du « goût français ».
Biographie
Élève considéré comme moyen par l'Académie royale de peinture[1], Gravelot tente tout de même le voyage de Rome avant d’être contraint, faute de ressources, de revenir à Paris sans avoir pu dépasser Lyon[2]. Après l’échec d’une opération commerciale à Saint Domingue où l’a envoyé son père, il devient l’élève de Jean Restout puis de Boucher.
De 1732 à 1745, Gravelot s'installe à Londres. Bien que sujet à l'anglomanie comme nombre de ses compatriotes[3], il s'y rend sur l'invitation du graveur Claude Dubosc (1682-1745)[4],[5] afin de travailler sur les gravures de l'édition anglaise de l'ouvrage de Bernard Picart, Traité des cérémonies religieuses de toutes les nations. On trouve dans les carnets de note du graveur George Vertue une appréciation très positive du style de Gravelot. Ce dernier commence alors à fréquenter une société d'artistes, la St Martin's Lane Academy dirigée par William Hogarth, à une époque où Londres ne comportait ni galerie, ni musée, ni exposition, pas même une école qui fut l'équivalent de l'Académie royale à Paris. Gravelot prend comme élève un certain Thomas Gainsborough qui deviendra l'un des peintres les plus importants de l'école anglaise du XVIIIe siècle. Son style est imité, et Gravelot est sans doute l'un des promoteurs du rocaille en Angleterre, tant il excelle dans l'art de l'ornement. Gravelot s’est également distingué dans ses illustrations et ses rocailles qu’il avait réalisées pour des ébénistes, tapissiers et des chaudronniers, qui furent une source d'inspiration pour des orfèvres, tapissiers et des ébénistes parmi lesquels on compte Thomas Chippendale, sans oublier les miniaturistes travaillant pour la fabrique de porcelaine de Chelsea.
Les sentiments anti-français déclenchés par la bataille de Fontenoy en 1745 ramènent Gravelot à Paris en octobre[7], où, accompagné par l'un de ses élèves, Thomas Major et d'une fortune estimée à 40 000 livres, il n’a aucune difficulté à employer ses talents. Durant l'hiver 1745-46, Gravelot réussit à faire libérer son jeune élève embastillé, les Anglais ayant été déclarés un temps suspects, en faisant intervenir le marquis d'Argenson.
Grand lecteur, Gravelot était le frère du géographe Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville avec lequel il travailla sur une série de cartes et qui écrivit son éloge funèbre où il rappelle sa bibliomanie. Son frère rapporte que lorsqu'il dessinait, il s'aidait d'une série de poupées qu'il fit concevoir à Londres équipées de leurs vêtements[8].
Il se maria deux fois : avec Marie-Anne Luneau, décédée en 1759, puis avec Jeanne Ménétrier en 1770[9].
Quentin de La Tour a fait son portrait exposé au Salon de l'Académie Royale de peinture et de sculpture en 1769.
Le bibliophile Emmanuel Bocher (1835-1919) contribua à faire redécouvrir ses talents de dessinateurs.
Technique
Un nombre important de dessins nous sont parvenus et permettent de décomposer sa technique illustrative. En effet, pour la plupart de ses illustrations conservées nous connaissons deux à quatre dessins préparatoires.
Tout d'abord il esquisse la composition à la pierre noire. Cette étape permet de donner les grandes lignes d'ensemble. Certains dessins conservent des traces de frottement au verso, ceci permet d'établir que Gravelot reportait son travail précédent sur une nouvelle feuille avant de passer à l'étape suivante[10]. Puis, il supprime les personnages et, à la mine de plomb, il se concentre sur la construction du décor. L'intérêt de Gravelot pour la perspective se ressent dans ses élaborations, nombre de dessins comportent des lignes de constructions afin de donner un résultat architectural le plus rigoureux possible. Ensuite, Gravelot porte son attention sur les personnages. Ils sont de nouveau inclus dans l'image et sont le support d'une véritable étude anatomique de la part de l'artiste[11]. Le témoignage de Jean-Baptiste d'Anville[12] nous apprend qu'il avait coutume de s'aider de mannequins de bois pour mettre en posture ces personnages. Il semblerait qu'il se met à utiliser cet outil à partir de son séjour en Angleterre, là où il n'est pas rare de s'aider de ces poupées miniatures. Enfin, les dernières étapes sont rendus à la mine de plomb et à l'encre. C'est à ce moment qu'il peaufine les détails des vêtements et des ornements. Le dernier dessin d'ensemble est généralement rendu à l'encre et aux lavis[11].
Première étape
Deuxième étape
Troisième étape
Quatrième étape
Livres illustrés par Gravelot
The ceremonies and religious customs of the various nations of the known world, William Jackson, Claude Du Bosc, 1733-1739
Shakespeare, The works of Shakespeare, H. Lintott, C. Hitch, J. and R. Tonson, C. Corbet, R. and B. Wellington, J. Brindley and E. New. 1740
Edward Young, The poetical works of the Reverend Edward Young, Curll, Tonson, Walthoe, Hitch, Gilliver, Browne, Jackson, Corbett, Lintot and Pemberton, 1741
Confers Middleton, The history of the life of Marcus Tulles Cicero, James Bettenham, 1741
Samuel Richardson, Pamela: or, Virtue rewarded, Samuel Richardson, 1742
Thomas Steakhouse, A new history of the Holy Bible, Stephen Austen, at the Angel and Bible in St. Paul's Church-Yard., 1742-1744
Nicholas Tindal, Rapin-Thoyras, The history of England, John and Paul Knapton, at the Crown in Ludgate-Street., 1743
Robert Boyle, The works of the Honourable Robert Boyle, A. Millar, opposite Catharine-Street, in the Strand., 1744
Thucydide, Thoukydidos, Platónos kai Lysiou logoi epitaphior, Ek Theatrou en Oxonia, 1746
Henry Fielding, Histoire de Tom Jones, ou l'enfant trouvé, chez Jean Nourse, 1750
Henry Baker, The microscope made easy, R. and J. Dodsley, 1754
Charles Rollin, The antient history of the Egyptians, Carthaginians, Assyrians, Babylonians, Medes and Persians, Macedonians, and Grecians, John and Paul Knapton, 1754
Henry Fielding, L'Histoire de Tom Jones, ou L'Enfant trouvé, plusieurs éditeurs, 1750
Henry Fielding, La storia di Tom Jones, Presso Gio Battista Regozza, 1757
Almanach utile et agréable de la Loterie de l'École royale militaire pour l'année 1759, Chez Prault Père, 1759
Pierre-Thomas Gondot, Le prix de la beauté, ou, Les couronnes, Chez De Lormel, imprimeur-libraire, rue du Foin, à Sainte Geneviéve, et se vend aussi aux spectacles, 1760
Almanach utile et agréable de la Loterie de l'École royale militaire pour l'année 1760, Chez Prault Père, 1760
Germain-François Poullain de Saint-Foix, Catalogue des chevaliers, commandeurs et officiers de l'ordre du Saint Esprit, avec leurs noms & qualités, depuis l'institution jusqu'à présent, Christophe-Jean-Franc̦ois Ballard, 1760
Illustrations pour La Nouvelle Heloïse de Jean-Jacques Rousseau
Dessins de Don Quixote
Notes et références
↑Le catalogue de la bibliothèque de l'ENSBA inventorie 14 dessins conservés dans son fonds.
↑Edmond et Jules de Goncourt, L'Art du XVIIIe siècle, Paris, G. Charpentier, (lire en ligne), p. 268-269
↑Citons le graveur Pierre-Charles Canot, arrivé à Londres en 1740, et qui travailla avec l'un des élèves de Gravelot, Charles Grignion l'aîné (1717-1810).
↑Edmond et Jules de Goncourt, L'Art du XVIIIe siècle, Paris, G. Charpentier, (lire en ligne), p. 270
↑Voir (en) Alan R. Young, Hamlet and the Visual Arts, 1709-1900, Newark (Del.), University of Delaware Press, , 405 p. (ISBN0-87413-794-2, lire en ligne), p. 28-29
↑(en) Vera Salmons, Gravelot, Londres, John & Edward Bumpus, (lire en ligne), p. 16-17
↑(en) Vera Salmons, Gravelot, Londres, John & Edward Bumpus, (lire en ligne), p. 17
↑(en) Kimberly Rorschach et Susan B. Taylor, Eigtheenth-Century French Book Illustration : Drawings by Fragonard and Gravelot from the Rosenbach Museum and Library, Philadelphie, Rosenbach Museum & Library, , p. 16-24
↑ a et bJosé de Los Llanos, « Pour les beaux yeux de Cornélie chiffon... Voltaire, Gravelot et les Oeuvres de Corneille », Collections Parisiennes, no 2, , p. 32-44
↑Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville, Le Nécrologue des hommes célèbres de France, par une société de Gens de Lettres. Année 1774, Maestricht, Dufour, , p. 105-117
Edmond et Jules de Goncourt, L'Art du XVIIIe siècle, vol.2, Paris, G. Charpentier, 1882, p. 265-323.
(en)Vera Salomons, Gravelot, Londres, John et Adwards Bumpus, 1911.
(en) Kimberley Rorschach, Eighteenth-Century French Book Illustration: Drawings by Fragonard and Gravelot from the Rosenbach Museum and Library, Philadelphie, Rosenbach Museum and Library, 1985.
José-Luis de Los Llanos, Fragonard et le dessin français au XVIIIe siècle dans les collections du Petit Palais, [catalogue d'exposition du Petit Palais, Paris, du 16 octobre 1992 au 14 février 1993], Paris, Paris-Musées, 1992.
(en) Sir Lawrence Gowing (ed.), A Biographical Dictionary of Artists, Oxfordshire, Andromeda Oxford Limited, nouv. édit. 1995 (ISBN978-0816032525).
Notice no 70 de Christophe Leribault in Raphael to Renoir: Drawings from the Collection of Jean Bonna, New York, The Metropolitan Museum of Art / The Yale University Press, 2009, p. 156-158.
Louis-Antoine Prat, Le dessin français du XVIIIe siècle, Paris, Louvre édition, 2017, p.401-420.
Faroult, Guillaume, L'Amour peintre : l'imagerie érotique en France au XVIIIe siècle, Paris : Cohen & Cohen, 2020.