Guerrier de Capestrano

Guerrier de Capestrano
Il Guerriero di Capestrano
La statue du Guerrier de Capestrano.
La statue du Guerrier de Capestrano.
Type Sculpture
Dimensions 2,5 mètres de hauteur
Inventaire numéro d'inventaire 4426
Matériau calcaire tendre
Méthode de fabrication ronde-bosse ; bas-relief
Fonction stèle funéraire
Période VIe siècle av. J.-C. (précisément en -550 av. J.C.)
Culture culture étrusco-picénienne
Date de découverte 1934
Lieu de découverte Capestrano
Coordonnées 42° 16′ 00″ nord, 13° 46′ 00″ est
Conservation Musée archéologique national des Abruzzes, dans la localité de Chieti, Province des Abruzzes, en Italie
Signe particulier la sculpture porte une inscription en sud-picène sur le pilier de soutien droit.
Géolocalisation sur la carte : Italie
Géolocalisation sur la carte : Abruzzes

Le Guerrier de Capestrano est le nom donné à une statue italique datée du VIe siècle av. J.-C., retrouvée en septembre 1934 à Capestrano, dans la région des Abruzzes. Elle a été découverte au sein de ce qui était, lors de son érection, le territoire du peuple des Vestini cismontani[a]. Cette statue, à vocation funéraire, est un élément important de la statuaire médio-adriatique du premier âge du fer. Il s'agit d'une sculpture en ronde-bosse de type anthropomorphe, ouvragée en calcaire tendre, et représentant un guerrier en position verticale.

Cette œuvre, « certainement la plus célèbre des Abruzzes de l'Antiquité » selon Sabatino Moscati[1], propose d'abondantes similitudes avec l'ensemble du corpus statuaire de l'âge du fer européen dont notamment les statues halstattiennes, tels que le guerrier de Hirschlanden, le guerrier de Glauberg, et d'autre part certaines sculptures italiques tels les géants de Mont-Prama en Sardaigne.

Le Guerrier de Capestrano est également accompagné d'une inscription de type dédicace sur son flanc droit, laquelle suscite un intérêt notable pour la connaissance de la langue sud-picène. L'ensemble de l'œuvre, « d'une importance extraordinaire » et d'une « originalité remarquable »[1], pose de nombreuses questions simultanément artisanales, culturelles et linguistiques. Pour cette raison, des analogies ont été cherchées tant dans les civilisations grecque qu'étrusque, italique, ou encore celte. Enfin, parallèlement à une analyse épigraphique approfondie, l'étude de son cadre historique permettrait d'appréhender l'identité de l'homme figuré par cet artéfact.

Découverte et fouilles

Découverte de la statue

Façade du Musée archéologique national des Abruzzes, Villa Frigerj, localisé à Chieti, dans la province italienne des Abruzzes.

La statue a été découverte à Capestrano en septembre 1934 lors des travaux agricoles d'un paysan. La Direction des Antiquités italienne fait procéder à des fouilles qui mettent au jour les parties brisées de l'œuvre, à l'exception du cimier, et d'identifier le terrain comme celui d'une nécropole des Vestins[2],[3]. La statue est transportée à Rome, au Musée national[b] où elle est étudiée par Giuseppe Moretti, surintendant des antiquités de Rome et directeur du musée[4],[5],[6]. Dans le même temps, l'analyse de l'inscription est confiée au département de conservation et d'études épigraphiques, le musée des Thermes de Dioclétien[5].

En 2015, la statue est conservée au Musée archéologique national des Abruzzes à Chieti, sous le numéro d'inventaire 4426[7].

Autres découvertes

La sculpture du buste féminin : l'artéfact statuaire manifeste les mêmes techniques d'ouvrage — méthode en ronde-bosse —, une posture et une quasi-nudité similaires.

Au sein de la sépulture du guerrier, la sculpture d'un torse de femme mise en terre a également été retrouvée dans une seconde fosse[8],[4]. Bien que partielle, la seconde statue, en pierre de calcaire tendre, présente les mêmes caractéristiques que son homologue masculin (l'utilisation de la technique en ronde-bosse). Ce torse appartient également au style étrusco-picéniens[9]. Cet artéfact représente probablement la compagne du Guerrier de Capestrano[5]. Lors des fouilles, l'archéologue Giuseppe Moretti et son équipe ont par ailleurs découvert un casque circulaire en pierre calciforme dans la fosse qui contenait le buste féminin, des artéfacts en bronze et diverses céramiques d'origine étrusque et italique[8],[5]. Outre ces deux œuvres, les campagnes d'exploration des années 1930 ont permis de mettre au jour un total de vingt-huit sépultures à inhumation[8]. Les campagnes de fouilles réalisées ultérieurement en ont livré une centaine d'autres[10]. Le programme des recherches archéologiques sur le site prévoit de nouvelles fouilles au cours de la période 2010-2020, afin d'explorer cinquante sépultures supposées, mais non accréditées[10].

Nécropole de Capestrano

Reconstitution du site de la nécropole de Capestrano. La sculpture du guerrier a été découverte au sein du plus vaste enclos circulaire du site, en haut, à gauche.

La nécropole vestine a une forme approximativement rectangulaire sur un plateau pourvu d'un sol à caractère calciforme[c],[5].

La fosse[d] dans laquelle se trouvait le Guerrier de Capestrano[e],[11],[12],[13], est ceinte d'un large enclos de pierres circulaire, délimitant l'ensemble de la sépulture[5]. En outre, celle-ci est située légèrement en amont de la majeure partie du complexe funéraire confirmant l'hypothèse que la tombe avait un rôle de marqueur de la nécropole[14].

Située à environ 20 kilomètres à l'est de l'oppidum vestin d'Aufinum[f],[5],[15], la nécropole de Capestrano peut être considérée comme partie intégrante de l'agglomération immédiate de la capitale vestini cismontani[15]. Par conséquent, cet élément valide le statut prééminent de ce cimetière protohistorique[15],[14].

Contexte

Contexte géographique et culturel

Le Guerrier de Capestrano était incorporé en pleine terre au sein d'un enclos circulaire appartenant à une vaste nécropole. Ce complexe funéraire est attribué à l'ethnie picène des Vestini cismontani[g],[11],[16],[6],[5].

La documentation historique sur ce peuple est constituée d'un substantiel corpus épigraphique[h] funéraire et littéraire[3]. L'ethnogenèse des Vestini cismontani, tout comme l'ensemble des peuples picènes, se trouverait dans la région protohistorique de l'Illyrie[2],[3],[17],[18].

Initialement dominées par les Orumbii, Samnites et Sabins, les terres où les Vestins étaient installés s'étendent sur une zone délimitée par les contreforts méridionaux du massif Gran Sasso[i] à l'ouest, la mer Adriatique à l'est, la moyenne vallée de l'Aterno au nord, et enfin le territoire des Pæligni au sud[3],[19],[17],[18]. L'implantation dans les Abruzzes du peuple guerrier des Vestins est attestée dès l'âge du bronze moyen III, au tournant du XIIIe siècle av. J.-C.[3],[2],[6].

Carte des principaux sites archéologiques du territoire vestin

La carte s'appuie sur les travaux d'Adriano La Regina (it)[6] et de Joseph J. Basile[20] :

Carte des différents sites archéologiques vestins.

a : Capestrano ; b : Aufinum ; c : Rapino ; d : Guardiagrele ; e : Chieti ; f : Bellante ; g : L'Aquila ; h : Pescara ; i : Tornareccio ; j : Collelongo ; k : Loreto Aprutino ; l : Atessa.

Contexte historique

À partir du milieu du VIIIe siècle av. J.-C., l'hégémonie territoriale et politique vestine sur le Gran Sasso médio-adriatique laisse la place à la puissance de la monarchie romaine, jusqu'à la fin du VIe siècle av. J.-C.[14],[13].

Au cours de cette époque, l'oppidum vestino-romain d'Aufinum, dont la fondation daterait du début du VIIe siècle av. J.-C.[13], approximativement situé à 20 kilomètres à l'ouest de la nécropole de Capestrano, acquiert un pôle politique et économique[12]. Le gouverneur vestino-romain Nevius Pompuledius devient l'une des figures les plus emblématiques de la cité urbaine protohistorique. En outre, celui-ci est désigné de manière récurrente sous la dénomination de « roi des Vestins ». D'abondantes références écrites antiques font état d'événements associés à ce dernier[j],[12]. Le hiérarque a administré l’oppidum d'Aufinum de 715 à [12].

Prises dans leur globalité, ces données confortent la thèse selon laquelle Nevius Pompuledius d'une part, le monarque romain Numa Pompilius[k],[l],[21],[15], d'autre part ne forment qu'un seul et unique personnage. La concordance des identités en deviendrait même implicite[12],[6].

Vraisemblablement datée du milieu du VIe siècle av. J.-C., l'érection de la statue du Guerrier de Capestrano s'inscrit dans le cadre historique de la dernière période de la monarchie romaine[4],[m],[22].

L'intégration des Vestini cismontani dans la citoyenneté romaine ne s'effectue toutefois pas sans heurts : de violentes révoltes contre le pouvoir central romain seraient attestées au cours du IVe siècle av. J.-C.[23]. À partir de la fin du Ier siècle av. J.-C., les mentions littéraires ou archéologiques d'une empreinte vestine au sein de l'actuelle province des Abruzzes viennent cependant à manquer[3],[15].

Statue : description et interprétation

Caractéristiques générales

Exposition de la statue du Guerrier de Capestrano, au Musée archéologique national des Abruzzes.

Il s'agit d'une statue de type anthropomorphe, confectionnée dans une pierre calcaire tendre locale[1], d'une hauteur d'environ 2,5 mètres[n],[24]. Deux piliers, ornés de deux lances gravées, l'encadrent et la soutiennent de chaque côté. En outre, la dédicace en langue sud-picène apparaît sur le pilier droit[7],[4]. Cette donnée fait remarquablement écho aux kouroï de la Grèce archaïque[14],[15],[6].

Traitement de la pierre

Pour la réalisation de la sculpture, l'artisan a utilisé des techniques en ronde-bosse et en relief[1]. Son concept général relève simultanément d'une technique de taille « strictement volumétrique »[o],[1], et d'un assemblage symétrique de blocs solidaires. Le modelé de la pierre a permis de la lisser faisant disparaître toutes aspérités[1]. Le corps est sculpté dans un style épuré[p],[1]. Par contraste, l'artéfact en pierre propose des détails plus précis pour les atours[1].

Corps

La sculpture représente un homme à la morphologie athlétique, debout et statique, les mains ramenées sur le torse[13]. Par ailleurs, ses hanches sont disproportionnées[1]. Cet élément indiquerait une préférence de l'artisan-sculpteur pour les formes opulentes[1]. Toutefois, ces éléments alliés à une absence visible d'organes génitaux masculins ont suscité de nombreuses questions[25],[26],[27]. La possibilité que ce soit une femme a été envisagée mais rejetée dès le départ par le premier archéologue étudiant la sculpture[q]. Pour l'archéologue américaine Louise Adams Holland, cette absence de parties génitales aurait pu résulter de mutilations post-mortem[28]. Dans ce même ordre d'interprétation, l'archéologue suédoise Kristina Berggren a soutenu le postulat que la statue incarne un personnage de sexe féminin[29],[r]. Enfin, d'après Lewin, réfutant l'idée que les hanches galbées puissent résulter d'une lipomatose, l'artefact ne peut représenter qu'une femme ou un eunuque[26]. Ces hypothèses n'ont toutefois été défendues que de façon marginale, et le consensus prévaut pour reconnaître le guerrier comme figurant un homme[14],[5]. Globalement, sa prestance générale et ses atouts physiques signifieraient une mise en valeur de son pouvoir politique[13],[5].

Détails ornementaux

Détails du torse de la statue : le cardiophylax — ou kardiophylakes en grec —, le poignard à antennes, le positionnement des avant-bras.

L'homme est en armes, portant des sandales[1],[30] et vêtu d'une « mitra » étrusque[s],[31]. La présence de cette dernière, mais également la quasi-absence d'apprêts recouvrant le corps, s'inscrivent dans une pure tradition vestimentaire étrusco-italique[31],[30]. L'équipement du guerrier se compose d'un kardiophylakes[t],[32] formé de deux disques[u] identiques maintenus de part et d'autre du buste au moyen de lanières[32],[33],[1]. Un baudrier enserre également son torse, soutenant une épée de type poignard à antennes[34],[30] et une dague, plaquées par les bras du personnage[4],[14],[v]. La main droite tient une petite hache. Le cou et les bras sont ornés de colliers[w] et d'armilles[x],[1]. La tête est coiffée d'un casque à larges rebords, orné à l'origine d'un cimier dont il ne demeure plus que des vestiges[4],[5]. Toutefois, selon d'autres hypothèses, l'élément d'armure couvrant le crâne pourrait être un type de bocle surmonté d'un umbo offensif[35]. Par ailleurs, il serait probable que l'exceptionnelle envergure du casque/bouclier soit destinée à masquer les lignes du faciès du défunt représenté[35]. Dans cette même optique, il a été relevé que le visage du personnage est dissimulé derrière une sorte de masque rituel[y],[28],[16],[1],[5],[6],[13] pourvu de paragnathides[4]. Ces deux derniers éléments distinctifs témoigneraient d'un processus de sacralisation funéraire[35],[4], l'œuvre serait « un masque funéraire d'un héros défunt »[36].

Enfin, la statue montre des restes de pigmentation rouge[1], vestiges d'une mise en valeur de la sculpture[4],[1].

Une personnification de l'héroïsme

Dans l'ensemble, la richesse des pièces d'armure et d'apparat[z],[13],[aa] dont est muni le personnage figuré, manifestent son haut statut social et militaire[12],[37],[38]. La tradition du culte des héros des Vestini cismontani, évoquée par certaines sources littéraires antiques[ab],[13], prend ici un nouveau relief. Ce peuple de guerriers médio-adriatiques affirmait leur dévotion aux élites notamment au travers d'un opulent artisanat funéraire[14],[5],[10] ; l'hypothèse d'une sculpture faisant hommage à un épisode de devotio[ac],[13] ayant aussi été envisagée[39]. Pour conclure, les indices implicites fournis par le traitement de la sculpture lui confèrent une perspective de narration : ces derniers évoqueraient une « histoire[14],[13] ».

Le Guerrier de Capestrano et la statuaire anthropomorphe européenne

Concordances avec la statuaire celte

Globalement, les similitudes manifestes[ad] avec la statue du Guerrier de Glauberg, celle du Guerrier de Hirschlanden[ae], semblent accréditer le postulat que ces deux statues procèdent d'un style commun et propre au sud du territoire du Picénium étrusque[40],[41],[42],[43].

Compte tenu du faible écart chronologique entre la statue du Guerrier de Hirschlanden et celle du Guerrier de Capestrano (datant toutes deux du VIe siècle ; la première vers 530 av. J.-C., la seconde précisément en 550 av. J.-C.) et de leurs nombreuses concordances morphologiques, il est indéniable que l'art adriatique a exercé une influence majeure sur l'art celte allemand[41],[43].

Concordances avec la statuaire italique et étrusque

Parallèlement, la documentation archéologique concernant le monde subalpin du premier âge du fer montre d'importantes similitudes dans la statuaire[10],[8],[15],[43]. Un grand nombre de sculptures italiques[44] et étrusques à vocation funéraire, affiche des critères anatomiques et/ou ornementaux proches de ceux du Guerrier de Capestrano : l'anthropomorphisme, la posture des membres supérieurs sur la poitrine, les atours d'apparat ou guerriers ou le minimalisme des détails corporels[45],[10],[5],[8]. Les statues étrusco-padannes[af],[ag] provenant de la nécropole de Casa Nocera, à Casale Marittimo, ou encore les sculptures nuragiques sardes dites les géants de Mont-Prama, montrent des convergences artisanales significatives avec la statue du guerrier[46],[47],[8],[43]. En outre, la région d'origine du Guerrier de Capestrano, le territoire sud-picène, concentre un corpus statuaire tout aussi pertinent. Pour exemples les plus notables, la sculpture figurative vestine de Guardiagrele[ah] ,[48],[49],[50], celle découverte à Rapino[ai],[32],[48], un vestige d'artéfact sculpté retrouvé à Atessa[aj], ou encore les vestiges d'une sculpture mise au jour à Collelongo surnommée Le gambe del diavolo — les jambes du diable —[ak],[48],[49],[50], montrent des liens évidents avec le Guerrier de Capestrano.

Relations avec les autres statuaires

La statue du Guerrier de Capestrano a des liens très forts avec la sphère artisanale celte d'une part et la sphère italico-étrusque d'autre part. Elle permettrait donc de valider l'hypothèse de relations commerciales entre le territoire méridional du Picénum, le territoire hallstattien du Guerrier de Hirschlanden[al],[51], ainsi qu'avec des régions telles que l'Étrurie padane ou encore l'actuelle Sardaigne[am],[52],[53],[54],[43],[46],[55].

Pour autant, ce corpus archéologique datant du VIe siècle av. J.-C. n'affiche pas d'unicum suffisamment tangible[56],[45].

En conséquence, afin d'appréhender ce manque d'homogénéité, la thèse la plus crédible pourrait expliquer une diffusion culturelle et artisanale[an],[57],[51] antérieure à l'âge du fer ancien et d'origine gréco-italique. Il n'y aurait donc pas une, mais des statuaires relevant d'un unique style ancestral. C'est donc au sein de cette trame évolutive que s'ancre le caractère spécifique de la sculpture du Guerrier de Capestrano[47],[43].

Enfin, dans le cas particulier du Guerrier de Capestrano et à l'instar de nombreuses autres statues d'origine italiques, l'œuvre est associée à une inscription : cette donnée fait remarquablement écho aux kouroï de la Grèce archaïque[14],[15],[6].


Épigraphie

Présentation

Le texte figure sur la colonne d'appui de droite sur laquelle repose la statue du guerrier de Capestrano. Il se déploie sur une longueur totale de 98 centimètres sans espace entre chaque lettre. L'inscription affiche néanmoins deux discontinuités, ainsi qu'une altération de la pierre sur 9 centimètres. Cette dernière contraint la lecture de la partie finale de l'inscription[7]. Cette dédicace funéraire se présente sous la forme de trente-trois caractères d'écriture[13] dont la hauteur varie entre 1,5 centimètre et 3,5 centimètres. L'inscription se lit de droite à gauche, ainsi que du bas vers le haut. Il est probable que ce texte soit une forme écrite d'une langue sud-picène[ao],[7],[14],[58]. D'autre part, il est attesté[ap] que ce dialecte s'est développé au début du VIe siècle av. J.-C. dans la région Sud-Ouest du massif du Gran Sasso, aire de localisation du site de Capestrano[aq]. Dès lors, l'inscription constituerait un déterminant chronologique supplémentaire de l'œuvre[13],[3],[10].

Énoncé de l'inscription

Actuellement deux lectures possibles du texte de la statue du guerrier de Capestrano sont proposées, chacune avec quelques nuances syntaxiques remarquables :

  • Première proposition de lecture de l'inscription par A. Marinetti, en 1985[59] :

« ma kuprí koram opsút aninis rakiníi pomp[--]í »

  • Seconde proposition plausible de l'inscription, plus affinée celle-ci, par A. La Regina, en 2010[6] :

« ma kuprí koram Aninis raki Nevíi Pomp[uleo]íi »

Analyse

Les analyses linguistiques de l'inscription menées par les spécialistes[ar] concluraient à une transcription d'une formulation orale adoptant une structure de phrase classique[7],[59],[6].

Concrètement, la syntaxe du texte présente donc un aspect classique et se scinde en trois entités grammaticales distinctes : le sujet, le verbe et le complément ou objet de l'action[7],[59],[6].

Le sujet est désigné par le groupe locution « ma kuprí koram », l'élément « ma » faisant office de pronom personnel, tandis que les deux phonèmes « kuprí » et « koram » incarneraient probablement le patronyme du locuteur[7],[59],[6].

L'élément « opsút » indique le verbe de l'action qui pourrait être traduit par le terme « faire » sous forme conjuguée[7],[59],[6].

Le terme « Anínis » semble quant à ce dernier, incarner l'objet de l"action[7],[59],[6].

Enfin, l'ensemble grammatical « rakinevíi pomp[--]í » ou « Raki Nevíi Pomp[uled]íi »[as] qualifie la personne vers laquelle s'adresse l'action[7],[6],[59].

Sous un angle littéral, et pris dans sa globalité, le texte peut ainsi se traduire par une dédicace formulée par l'artisan sculpteur qui a façonné l'œuvre[at] du guerrier de Capestrano, en hommage au commanditaire de la pièce sculptée[7],[59],[6],[13].

Une œuvre originale à vocation commémorative

Un style unique

L'œuvre du guerrier procède simultanément d'un style étrusque, italique, celte et gréco-archaïque. Néanmoins, la sculpture possède des caractères qui lui sont propres et révèle avant tout une culture artisanale unique, en l'occurrence celle de l'art vestin du premier âge du fer. Développé dès l'âge du bronze moyen, l'artisanat sud-picène, se dote d'un style qui demeure riche et original au VIe siècle av. J.-C.[1].

Identité du personnage

Adriano La Regina (it) soutient le postulat que le phonème « raki » qualifierait une forme de souveraineté, équivalente au « rex » latin, au sein des locuteurs autochtones de la région sud-picénienne[7],[6]. Ce dernier constat viendrait confirmer la probable fonction aristocratique — voire princière — du défunt représenté par la statue du Guerrier de Capestrano[14],[13]. Dans ce cadre, la présomption selon laquelle le personnage dénommé « Nevìi Pompuledìi » désigne le Roi des Vestins et gouverneur de l'oppidum d'Aufinum Nevius Pompuledius ou très probablement le souverain romain Numa Pompilius[au], imprime tout son sens[15],[13],[6]. Il est par conséquent plausible que le Guerrier de Capestrano soit une effigie commémorative de ce haut dignitaire[15].

Ainsi, le Guerrier de Capestrano, avec sa perspective narrative et sa mise en œuvre unique au sein de la statuaire de l'Europe du premier âge du fer, renverrait à l'image d'un homme non moins unique dans l'histoire de la Rome antique et du peuple des vestinis cismontani[15],[14],[13],[1].

Notes et références

Notes

  1. C'est-à-dire la zone géographique comprise entre le massif du Gran Sasso et la moyenne vallée de l'Aterno-Pescara
  2. Précisément dans le département d'étude archéologique du Palazzo Massimo Alle Terme.
  3. Lequel aurait probablement été la matière première nécessaire à la réalisation de la sculpture.
  4. D'une profondeur totale de 135 centimètres, après excavation des différents objets et artéfacts.
  5. Cet emplacement a été mis en doute, mettant en jeu un possible acheminement d'une tribu outre-alpine. Toutefois, les études archéologiques entreprises depuis ont certifié l'appartenance originelle du guerrier à ladite fosse.
  6. Aufinum est considéré comme la capitale du territoire vestini cismontani.
  7. Bien qu'un temps contestée, l'origine vestine de la statue n'est désormais plus mise en question.
  8. Par la présence de nombreuses cippes.
  9. Lesquels les séparent de leurs voisins, les Vestini transmontani.
  10. Telles que celles du dramaturge romain Naevius ou encore celles de l'historien grec Flavius Josèphe, de l'historien et chronologiste romain Fabius Pictor et enfin du philosophe et biographe grec Plutarque
  11. Ses dates de règne sur la Rome antique sont identiques, autrement dit : 715/
  12. Ce dernier pourrait également affilié aux latino-sabins, ce qui n'est néanmoins pas incompatible au sein du référentiel historique du VIIIe siècle av. J.-C.
  13. Plus précisément sous le règne du monarche étrusco-romain : Servius Tullius — -575 à  —.
  14. Toutefois ôtée de son socle, la pièce ne mesure plus que 2,09 mètres.
  15. D'après Sabatino Moscati.
  16. C'est-à-dire un minimalisme des détails anatomiques.
  17. « […] il ne semble pas que cette apparence ait été intentionnelle et que le sculpteur ait voulu représenter sous la forme d'un androgyne un mort héroïsé bien que cet aspect, on le sait, ait été prêté à certaines images divines »[4].
  18. Berggren se base notamment sur l'incision observable sur le bas-ventre du guerrier, qu'elle analyse comme étant un sexe féminin. La spécialiste s'appuie également sur un autre élément : la position des bras qui, selon elle, ne pourrait relever d'une représentation masculine. En se fondant sur les travaux de Marija Gimbutas, elle exclut que l'absence de poitrine soit un marqueur du sexe, puisqu'au Néolithique les seins n'étant apparents que lorsqu'il s'agissait de mettre l'accent sur le caractère nourricier des femmes ou symboliser la faculté à donner la vie (« Early artists do not represent the breasts when they do not symbolize the nurturing power. »). Elle relève d'autre part la différence de proportions entre le guerrier et le buste féminin — d'environ un tiers — pour réfuter que l'une soit la compagne de l'autre[29].
  19. Sorte de ventrière couvrant le bas-ventre en Étrurie, au début de la seconde période de l'âge du fer — VIe siècle av. J.-C. —.
  20. Cette pièce d'armure souple est attestée essentiellement dans la région sud-picène des Abruzzes, autour du lac Fucino. D'autres éléments défensifs de ce type ont été mis au jour dans les régions des Marches, d'Ombrie et du Molise.
  21. Dont la forme serait spécifique à une production métallurgique sud-picène à l'Âge du fer.
  22. Voir également le détail de la photographie du buste du guerrier.
  23. Dont un est muni d'une pendeloque ou d'un pendentif.
  24. C'est-à-dire, des sortes de bracelets.
  25. Cependant, au milieu des années 1950, Louise Adams Holland publiait un article dans lequel elle développait une thèse différente concernant la fonction dudit masque. Selon l'archéologue américaine, la dissimulation d'un visage mutilé par la maladie, voire des blessures de guerre, aurait été le motif réel du port de l'objet. Toutefois, la fonction rituelle du masque est actuellement établie et fait indéniablement consensus au sein de la communauté scientifique.
  26. Ces dernières nous fournissent des indices de datation au VIe siècle av. J.-C.
  27. Mais également son maintien altier.
  28. Dont celles de Tite-Live : « si is homo qui devotus est moritur, probe factum videre ; ni moritur ; tum signum septem pedes altum aut maius in terram defodi et piaculum caedi ; ubi illud signum defossum erit, eo magistratum Romanum escendere fas non esse » — Tite-Live, livre VIII, 10, 12 —.
  29. Il a été par exemple suggéré qu'il s'agit d'une incarnation de la vie de la déesse mère Tellus, ou encore celle du dieu grec Apollon.
  30. Notamment dans la posture, la nudité ithyphallique, les caractéristiques remarquables des traits du visage et l'usage de la technique dite en ronde-bosse.
  31. Toutes deux mises au jour en Allemagne.
  32. La partie de la plaine du de l'Étrurie.
  33. Il s'agit notamment des deux statues A et B.
  34. Cette sculpture est ouvragée sur une pierre plate aux détails anatomiques et vestimentaires de type campaniforme.
  35. Ces deux dernières affichent un équipement guerrier muni d'un kardiophylakes — ou cardiophylax — du même type que celui du Guerrier de Capestrano.
  36. Pourvu d'une posture des membres supérieurs identique à celle du Guerrier de Capestrano.
  37. Laquelle procède d'une mise-œuvre de taille de la pierre de type volumétrique.
  38. À ce titre, l'historien et celtologue Venceslas Kruta, met en évidence le lien qui unit l'œuvre exhumée dans le Hohenasperg et celle retrouvée dans l'Aquila :

    « C'est également des environs du Hohenasperg que provient l'œuvre de statuaire la plus remarquable de l'aire hallstatienne, l'effigie de pierre presque grandeur nature d'un homme, figuré nu mais avec tous les insignes de son rang [...], qui ornait le sommet d'un tumulus de Hirschlanden. L'inspiration de cette figure exceptionnelle, qui est une adaptation du thème grec du kouros, doit être certainement cherchée dans le milieu adriatique où ce type de représentation est documenté à la même époque notamment par la statue de Capestrano. »

    — Venceslas Kruta, , page 148[51].

    .
  39. Des statues guerrière façonnées en grès rose adoptant des postures et un style identiques ont été découvertes à Cabras et dénommées les géants de Mont-Prama.
  40. Une propagation des traditions de mise en œuvre statuaire de type kouros.
  41. De manière moins définitive, il pourrait s'agir d'une typographie issue de la langue osque.
  42. Par le biais de sources littéraires antiques, telles que celle de Tite-Live, livre VII, chapitre 10 et 12.
  43. Et donc de l'ethnie des Vestini cismontani.
  44. Dont notamment A. Marinetti et Adriano La Regina.
  45. Selon la version de A. Marinetti ou celle de Adriano La Regina.
  46. Laquelle porterait ainsi son patronyme.
  47. Dont on attribue le gouvernorat de l'oppidum vestin d’Aufinum entre 715 et 673 avant J.-C.

Références

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